La persécution judiciaire des opposants à la loi travail continue à Amiens

Lors d’un procès le 10 juin, deux manifestants contre la loi travail, Manon Chelmy, étudiante de 22 ans et Jules, lycéen de 18 ans, tous deux d’Amiens, se sont vus infliger des peines de 90 heures de travaux d’intérêt général suite à une manifestation à l’Hôtel de ville d’Amiens. 

Le procureur de la République avait requis des peines draconiennes de 5 ans de prison ferme à l’encontre des deux jeunes. Si cette tentative a échoué, les jeunes n’ont cependant pas été acquittés des accusations de dégradation de biens d’utilité publique et de violence volontaire envers dépositaire de l’autorité publique. 

Le jugement, ainsi que la peine requise par le procureur, font parti d’une vaste offensive répressive de l’État, menée par le Parti socialiste (PS), pour intimider et casser l’opposition de masse à la loi El Khomri parmi les travailleurs et les jeunes. Les trois quarts de la population française s’opposent à cette loi. Le PS, désespéré, veut menacer toute personne qui tente de construire un mouvement contre sa politique et ou de se défendre contre les CRS de peines draconiennes. 

Manon et Jules ont participé le 28 avril à l’occupation pacifique de la salle de conseil de l’Hôtel de ville d’Amiens où plus d’une centaine d’opposants à la loi travail ont tenu pendant quatre heures un débat. Les autorités ont envoyé un fort contingent de CRS qui ont matraqué les occupants afin d’évacuer la salle. Manon et Jules ont essayé de se défendre lors de l’assaut des CRS en lançant quelques micros de table. Ils n’ont pas provoqué la moindre blessure aux CRS. (Voir vidéo : https://www.youtube.com/watch ? v=RSvlX3VcVeE). 

Le 11 mai, Manon et Jules ont été identifiés lors d’une nouvelle manifestation et gardés à vue pendant 24 heures pour leurs actions du 28 avril à la mairie d’Amiens. 

Dès le début mars, des membres des Renseignements généraux avaient dit à Manon qu’elle commençait à être connue « parce qu’elle était beaucoup à l’initiative au début du mouvement ». 

Des policiers ont perquisitionné chez Manon et chez Jules. Ils se sont intéressés particulièrement aux tracts politiques qu’ils y ont trouvés et ont photographié leurs livres. Manon est militante active des Jeunes Communistes (JC). Jules s’est défini au procès comme n’adhérant à aucune organisation mais étant un « citoyen qui milite pour ses idées. J’ai fait beaucoup de manifs et d’occupations. Je n’en ai jamais décousu avec les CRS ». 

Au procès, Manon s’est défendue en disant : « J’ai voulu protéger mes camarades qui subissaient des violences policières. Ils étaient armés et nous désarmés. Ils ont gazé la salle […] Personne ne voulait que trois d’entre nous finissent à l’hôpital. » 

Son avocat a souligné qu’« il y a eu jet de gaz et matraques avant les jets de micros. » Il a ajouté, « Si on laisse passer ça, cela veut dire que les forces de l’ordre peuvent frapper impunément ». 

Dans son réquisitoire, le procureur s’est acharné à qualifier l’occupation d' « attroupement et non de manifestation », afin de contourner le droit constitutionnel de manifester. « Ils sont comme des gens restés sous la pluie et qui s’étonnent d’avoir été mouillés », a-t-elle ajouté. « Les CRS ont fait leur travail après les deux sommations. Il n’y avait pas d’autre solution que d’utiliser la matraque, car ils refusaient de partir ». 

Les différences politiques et historiques profondes qui séparent le WSWS et le trotskysme du Parti communiste français, de la JC et du stalinisme sont largement connues. Toutefois, le WSWS défend les deux jeunes victimes de la répression étatique et d’une procédure absurde montée dans le seul but de terroriser l’opposition populaire à une politique d’austérité haïe par les masses. 

Jules et Manon n’ont pas été acquittés, et ils devront comparaître au procès civil en octobre ; ils risquent de devoir indemniser la mairie pour des dégâts qui sont le fait de l’intervention brutale des CRS. 

L’intensification qualitative de l’offensive policière et judiciaire du PS contre la classe ouvrière a commencé avec l’imposition de l’état d’urgence par Hollande après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et qui sera prolongée au moins jusqu’à la fin juillet. 

Ces événements donnent raison aux analyses du WSWS, qui a souligné que la mise en place de l’état d’urgence ne visait pas tant les réseaux terroristes islamistes, qui de toute façon servent la politique étrangère de l’OTAN en Syrie, mais bien l’opposition sociale en France. Le but est d’imposer des conditions d’état policier en France et de réprimer tout mouvement social contre l’austérité. 

En effet, le gouvernement l’a aussitôt utilisé pendant la Conférence de Paris sur le climat en novembre/décembre 2015 pour procéder à des centaines de perquisitions et d’assignations à résidence de personnes qui n’avaient aucun antécédent criminel. Il a récidivé en mai et juin de cette année contre les mobilisations anti-El Khomri, en assignant à résidence et en interdisant la participation aux manifestations de dizaines d’opposants à la politique du gouvernement. 

Ainsi à Nantes, selon des sources du syndicat d’enseignants la FSU, 18 personnes ont été interdites de manifestation « jusqu’à la fin de l’état d’urgence ».

Précédemment, huit syndicalistes en lutte contre la fermeture en 2014 de l’usine Goodyear d’Amiens ont été condamnés en janvier dernier à neuf mois de prison ferme pour avoir séquestré deux cadres de l’entreprise durant 30 heures sans aucune maltraitance, un type d’action bien connue en France lors de conflits sociaux.

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