Le secteur public belge se met en grève suivi par le débrayage des cheminots français

Les travailleurs du secteur public en Belgique ont fait une grève nationale de 24 heures mardi, alors que les cheminots français ont commencé leur grève illimitée mardi soir. Les travailleurs se mobilisent à travers les frontières nationales en Europe contre les politiques d’austérité réactionnaires que l’ensemble de l’Union européenne (UE) a imposées aux travailleurs depuis la crise financière de 2008. 

Alors que les travailleurs français se mobilisent dans la lutte contre la loi travail régressive du Parti socialiste (PS), le gouvernement de droite du Premier ministre belge Charles Michel entend imposer des coupes des aides sociales et des coupes budgétaires dans les services publics et de l’éducation ainsi que relever l’âge de départ à la retraite. L’objectif du gouvernement belge est de rendre plus facile pour les employeurs d’embaucher les travailleurs à temps partiel sur des contrats CDD précaires. Ses lois proposées introduisent la semaine de travail de 45 heures et l’imposition des heures supplémentaires sans rémunération supplémentaire. 

La grève belge était organisée par plusieurs syndicats, dont la Confédération générale des services publics (CGSP) ; cela a coïncidé avec la grève des cheminots en cours depuis six jours. Les cheminots belges s’opposent à la réduction des paiements des heures supplémentaires. 

Tout le secteur public belge a été fortement perturbé en raison de la grève initiée par les travailleurs dans le secteur de la santé, des transports publics, des services postaux, les pompiers, l’éducation et ailleurs. Les services de la SNCB (Société des chemins de fer nationale de Belgique) ont été paralysés dans les régions francophones, tandis qu’en Flandre seulement 50 pour cent des trains circulent. Certains trains desservant Paris et les villes allemandes ont été retardés ou annulés. 

Les trains de grandes lignes, les bus à Bruxelles et la région de langue française de la Wallonie ont été paralysés. Dans la capitale, Bruxelles, les lignes de métro, les tramways et les bus ont été perturbés deux fois de suite en une semaine, et le ramassage des ordures n’a pas été effectué. 

Dans d’autres villes, les réseaux de métro et de tramway ont également été arrêtés. À Charleroi, une ville avec une longue histoire de luttes de la classe ouvrière datant de plus d’un siècle et demi, les travailleurs ont voté pour empêcher la circulation des trains, des bus ou des tramways. 

A 9 h, les grévistes se sont réunis pour manifester à Bruxelles, suite à la manifestation d’au moins 60 000 personnes dans cette ville le 24 mai. La Confédération des syndicats chrétiens a affirmé que 12 000 personnes ont défilé à Bruxelles. Une pancarte bricolée flottait dans les foules à Bruxelles où on pouvait lire : « Fini nos sacrifices pour vos privilèges ». D’autres revendiquaient, « On lutte pour nos droits ». 

D’autres manifestations ont eu lieu dans tout le pays avec 1000 participants à Gand, 350 à Namur, 400 à Wavre et 1500 à Mons. Wavre est le lieu de la résidence du Premier ministre Michel. Pendant la grève, elle a été protégée par un important dispositif de sécurité et un périmètre de police. 

Lundi, trois syndicats flamands et un syndicat francophone sont parvenus à un accord avec le ministre de la Justice belge, Koen Geens, dans une tentative de mettre fin à une grève de cinq semaines des agents pénitentiaires. Geens a promis lundi d’embaucher plus de gardiens de prison, après quoi les syndicats ont mis fin à leur participation à la grève. Deux autres syndicats n’ont pas encore ratifié l’accord. 

Commentant sur la durée de la grève du rail, le journal Le Soir a déclaré : « Une grève record même, puisqu’une semaine ininterrompue de grève, ça n’était plus arrivé depuis… 1986. » 

Alors que l’élite dirigeante est profondément préoccupée par l’escalade de la radicalisation de la classe ouvrière internationale, et en particulier en Belgique et en France, elle est également bien consciente que la bureaucratie syndicale est son allié contre les travailleurs. 

Les syndicats belges ont appelé leurs membres à participer à la grève secteur par secteur. Ils n’ont pas lancé un appel à la mobilisation des travailleurs dans l’ensemble du secteur public. Les enseignants ont été autorisés à faire grève, mais le syndicat des enseignants belge n’a pas mobilisé ses membres. Les syndicats de l’industrie aéroportuaire n’ont pas sollicité leurs membres pour se joindre à la grève générale, bien que les travailleurs aient rejoint le mouvement sur une base individuelle, sans affecter les opérations commerciales. Les aéroports à Bruxelles et dans le pays n’ont pas été affectés par la grève. 

Le Soir a cité les commentaires du journaliste Bernard Demonty, qui a déclaré : « dans l’histoire de la Belgique, aucun mouvement syndical n’a jamais fait tomber un gouvernement ». L’article poursuit : « tout en précisant que ce n’est pas pour ça que cela ne se produira jamais. Mais les circonstances [selon Demonty] ne sont pas favorables aux syndicats pour l’instant, dès lors qu’ils sont divisés. Pour ébranler le gouvernement, il faudrait une grève au finish au niveau national, estime-t-il. Ce qui n’est pas le cas pour l’instant. »

En France, les cheminots seront rejoints par les travailleurs des compagnies aériennes et des pilotes en grève dans les prochains jours. Pendant ce temps, six des huit raffineries de pétrole du pays restent en grève, avec 20 pour cent des stations-service françaises à court de carburant. Les éboueurs ont lancé des grèves et ont bloqué les installations à Paris et Saint-Étienne. 

Les pilotes du Syndicat nationale des Pilotes de Ligne (SNPL) ont voté pour une grève reconductible lundi, car ils font face à une baisse de salaire substantielle suite à la capitulation par le SNPL lors de leur grève à la fin de 2014. 

Les responsables français, tentés de minimiser l’étendu des grèves, avec le ministre des Transports Alain Vidalies déclarant : « un mouvement certes sérieux, mais […] pas de l’ampleur qu’on pouvait imaginer ». Néanmoins, la grève du rail aura clairement un impact important, forçant la fermeture de la plupart des lignes RER de Paris ainsi que de nombreux trains intercités et les TGV. 

De grandes sections de la bureaucratie syndicale française sont hostiles à la grève. La CFDT proche du Parti socialiste (PS) a annulé son appel à la grève hier, sous prétexte que le gouvernement de François Hollande avait fait des concessions. 

En attendant, les élites dirigeantes en France tentent d’attiser l’hystérie et la colère du public contre les grévistes. Les commentaires les plus virulents ont été proférés par Pierre Gattaz (PDG de Radiall) et dirigeant du Medef, la plus grande fédération patronale, qui a dénoncé les grévistes comme « terroristes ».

Gattaz a dit, « Faire respecter l’état de droit, c’est faire en sorte que les minorités qui se comportent un peu comme des voyous, comme des terroristes, ne bloquent pas tout le pays.[…] Quand le syndicat du livre CGT empêche la parution de quotidiens au motif que ceux-ci ont refusé de publier le tract de M. Martinez [le secrétaire général de la CGT], il me semble que l’on est dans une dictature stalinienne. »

(article paru en anglais le 1 juin 2016)

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