Perspectives

La prévisible et lamentable fin de la « révolution politique » de Sanders

La campagne présidentielle de Bernie Sanders s’est terminée mardi non en feu d’artifice mais en pétard mouillé. Le sénateur du Vermont a officiellement soutenu sa rivale, prostré de façon indigne devant l'establishment du Parti démocrate et la candidate présidentielle favorite de Wall Street, l'ancienne secrétaire d'Etat Hillary Clinton.

Le rassemblement unitaire de Sanders et Clinton à Portsmouth, New Hampshire, avait toute la spontanéité et l'enthousiasme d’une liquidation pour cause de faillite. L'ambiance d’enterrement était peut-être appropriée, car avec la disparition de la campagne Sanders, le Parti démocrate a démontré, pour la énième fois, son rôle historique de fossoyeur des mouvements progressistes et des tentatives de parvenir à une réforme au moyen du système des deux partis capitalistes.

La campagne Sanders a constitué une leçon de politique importante pour des millions de jeunes et de travailleurs qui se sont mobilisés pour soutenir le sénateur du Vermont parce qu'il se disait « socialiste démocratique » et parce qu'il dénonçait Wall Street et la domination de la politique américaine par les « millionnaires et milliardaires ».

Le soutien de masse pour un socialiste autoproclamé a choqué l'élite dirigeante américaine, l'establishment du Parti démocrate, et très certainement Sanders lui-même. Il a montré que, malgré des décennies de propagande médiatique incessante contre le socialisme et le communisme, l’expérience de masses de travailleurs et de jeunes les poussent vers la gauche.

C’est particulièrement vrai pour la jeune génération. Sanders a gagné aux primaires avec d’énormes majorités – 70, 80, voire 90 pour cent parmi les électeurs de moins de 30 ans. Plus de 1,5 millions de personnes ont assisté à ses meetings, où les étudiants et les jeunes en âge d’être étudiants prédominaient.

Ce n'est pas la campagne de Sanders qui a créé la large radicalisation révélée par ces chiffres. La course du sénateur du Vermont à la nomination du Parti démocrate a plutôt servi à révéler ce qui se développait déjà et qui était le produit de décennies d’approfondissement des inégalités économiques, de guerre incessante, d'attaques des droits démocratiques et la réalisation croissante que le système capitaliste mène l'humanité vers la catastrophe.

Mais une fois la campagne des primaires démocrates pleinement engagée, la tâche politique de Sanders est devenue claire aux yeux de l'élite dirigeante américaine. Il avait la responsabilité de faire rentrer le génie dans la bouteille. Il devait livrer ses millions de partisans, en particulier les jeunes, au candidat choisi par l'establishment du Parti démocrate.

Le commencement comportait déjà la fin. Sanders comprit le rôle qui lui était assigné dès le début de sa campagne. Il a laissé tomber sa prétention de longue date d'être un « indépendant » politique et a promis de rester dans le cadre du Parti démocrate indépendamment de l'issue de la course à la nomination.

Tout au long de la campagne Sanders, le Parti de l'égalité socialiste (Socialist Equality Party, SEP) a salué le large mouvement vers la gauche dans la conscience de millions de travailleurs et de jeunes, qu'elle a révélé, tout en avertissant que le sénateur du Vermont décevrait inévitablement ses partisans.

Nous avons attiré l'attention sur deux aspects clés de sa campagne: son silence sur la politique étrangère et le danger croissant de guerre, et son refus de critiquer le gouvernement Obama pour avoir renfloué Wall Street et pris la tête de l'attaque du patronat sur les emplois et le niveau de vie des travailleurs, à commencer par la baisse de salaire de 50 pour cent imposée à l'insistance de la Maison blanche aux nouveaux embauchés dans l'industrie de l'automobile.

Le rassemblement « unitaire» de mardi avec Hillary Clinton a confirmé ces deux tendances. Sanders a parlé pendant 30 minutes sans jamais mentionner la politique étrangère, quelques jours seulement après qu’Obama a annoncé une prolongation de l'intervention militaire américaine en Afghanistan et approuvé l'envoi de 560 soldats américains de plus en Irak.

Dans son hommage à Clinton, Sanders n'a jamais fait référence à ses quatre ans en tant que secrétaire d’État, où elle a toujours été le membre le plus belliciste du cabinet Obama, incitant à la guerre des Etats-Unis et de l'OTAN avec la Libye et préconisant une plus forte intervention des États-Unis dans la guerre civile en Syrie.

Quant au bilan domestique du Parti démocrate, Sanders a salué l’action d'Obama durant le krach de Wall Street en 2008-2009. « Je remercie le président Obama et le vice-président Joe Biden pour leur leadership, pour nous avoir sortis de cette terrible récession, » a-t-il dit, bien qu'Obama et Biden aient sauvé les banquiers et les milliardaires au détriment de la classe ouvrière.

Sanders a encore applaudi l'approbation par Clinton de plusieurs modifications mineures et sans signification dans la plate-forme du Parti démocrate, sur les soins de santé, la dette étudiante et le salaire minimum, affirmant que le résultat était « la plate-forme la plus progressiste de l'histoire du Parti démocrate. »

Les remarques de Clinton au rassemblement furent démagogiques et mensongères. Elle a dénoncé « l’économie de l’offre à effet de ruissellement » qui était responsable de « 30 ans d'une philosophie républicaine désastreuse qui a donné d’énormes avantages à ceux qui se trouvent au sommet ». Elle a omis de mentionner que ces « 30 ans » comprenaient les huit ans du gouvernement de son mari, qui suivit les diktats des marchés financiers non moins servilement que les républicains.

Elle a promis d'« ouvrir les portes à tous ceux qui partagent nos valeurs progressistes, » bien que les carrières politiques de Bill et Hillary Clinton aient été construites sur un déplacement toujours plus à droite du Parti démocrate : la suppression de la protection sociale, la promotion de sévères mesures policières et l'incarcération de masse, la déréglementation des banques et plus généralement la distanciation des démocrates par rapport à toute politique de réformes libérales.

Sanders a déclaré mardi que sa campagne continuerait sous la forme d'un effort pour faire élire Hillary Clinton à tout prix à la présidence et des majorités démocrates au Sénat et à la Chambre des représentants. Appeler cela une « révolution politique» est, pour le moins, une fraude cynique.

Le Parti démocrate est, comme le Parti républicain, un instrument de l'aristocratie financière qui gouverne l'Amérique. Alors que le Parti républicain exprime généralement l'appétit de la classe dirigeante pour la richesse et le pouvoir sous sa forme la plus effrénée, le Parti démocrate a longtemps servi de principal véhicule pour neutraliser tout défi venu d’en bas dirigé contre l’élite.

Malgré tous les efforts des médias, du Parti démocrate et de l'establishment politique en général dont Sanders, l'opposition sociale et économique qui a trouvé une première expression dans le soutien à sa campagne ne va pas disparaître. Celui ou celle qui gagnera en novembre gouvernera une société déchirée par les conflits sociaux et mettra en œuvre des politiques profondément impopulaires, y compris une forte expansion de la guerre à l'étranger et l’attaque de la classe ouvrière à l’intérieur.

Les travailleurs et les jeunes attirés par la campagne de Sanders doivent tirer les conclusions qui s’imposent. Le Parti démocrate ne peut être transformé et le capitalisme ne peut être réformé. Une direction doit être construite pour unir les luttes en développement de la classe ouvrière dans un mouvement révolutionnaire contre l'élite patronale et financière et le système de profit qu'elle défend.

Le Parti de l’égalité socialiste construit ce leadership politique. C’est la raison pour laquelle le SEP et ses candidats, Jerry White et Niles Niemuth, se présentent à l’élection présidentielle. Nous demandons à tous nos lecteurs de soutenir notre campagne et de rejoindre le SEP (Parti de l'égalité socialiste)

(Article paru en anglais le 13 juillet 2016)

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