Un échange sur l'appel du Parti de l'égalité socialiste (GB) à un boycott actif du référendum sur le Brexit

Le World Socialist Web Site a reçu de nombreux commentaires sur la déclaration du Parti de l'égalité socialiste (SEP, Grande-Bretagne) appelant à un boycott actif du référendum du 23 juin sur l'adhésion britannique à l'Union européenne. Beaucoup de lecteurs ont appuyé avec enthousiasme la déclaration Pour un boycott actif du référendum sur le Brexit!, tandis que d'autres ont soulevé des objections ou des questions politiques.

Nous publions ci-dessous les réponses de Chris Marsden, secrétaire national du SEP, à deux commentaires. Le premier critiquait la position du SEP et préconisait plutôt un vote en faveur d'une sortie de l'UE. Le second demandait quel était le rapport entre la position du SEP sur le Brexit et son appel à voter «non» au référendum sur l'indépendance écossaise du 18 septembre 2014. Les commentaires originaux peuvent être trouvés en anglais ici: For an active boycott of the Brexit referendum!

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Le Parti de l'égalité socialiste rejette votre réponse à son appel à un boycott actif et vous invite à réfléchir plus attentivement et plus clairement aux implications de votre critique.

Vous dites que notre analyse des campagnes du « rester » et du « sortir » est « irréprochable », mais vous êtes clairement en désaccord avec cette analyse. Votre position est que nous sommes tout simplement trop petits ("minuscules") pour prendre une position qui soit indépendante de la campagne du « sortir » -- un bloc nationaliste de droite. Nous ne sommes pas d'accord. La position que nous prenons sera suivie par les travailleurs et les jeunes les plus avancés et contribuera grandement à leur éducation politique.

Vous affirmez que le « sortir » est toujours en quelque sorte une expression de la volonté de l'« avant-garde de la classe ouvrière et des travailleurs avec une conscience de classe en général ». Mais vous n'expliquez nulle part comment, si c’est là la conscience actuellement existante de la masse de la classe ouvrière, l'aile droite du Parti conservateur et le Parti de l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) à l'ordre desquels le référendum a été appelé, sont devenus la direction de la campagne du « sortir ».

Vous écrivez comme si cette situation pouvait être surmontée grâce au choix judicieux de slogans socialistes – « Non aux patrons, aux banquiers et à l' UE Tory », « Unité des travailleurs contre le nationalisme, le fascisme et la guerre », etc.

Si c’est tout ce qu'il faut pour « délimiter clairement une opposition socialiste à l'UE », alors la campagne du « sortir » officielle serait une considération politique sans grande importance. Comme nous l'avons expliqué, « Dans les conditions d'un mouvement de la classe ouvrière comprenant des grèves et des appels de masse pour la solidarité avec les masses grecques et d'autres victimes des diktats de l'UE, un vote « sortir » acquerrait un caractère anti-capitaliste ».

Mais ceci n'est pas le cas aujourd'hui et cette situation ne peut être surmontée par un vœu pieux et de la rhétorique. Elle doit être changée par une lutte politique pour délimiter le point de vue indépendant de la classe ouvrière, la libérer de toutes les influences bourgeoises et petites-bourgeoises afin de l'armer d'une perspective cohérente socialiste et internationaliste.

Vous décrivez notre référence à l'appel de Lénine à un boycott actif en 1905 comme « tout à fait inappropriée, hors de propos, et tirée par les cheveux ». Cependant, nous ne faisons pas un parallèle historique direct, mais plutôt nous expliquons comment Lénine a exhorté à l'action politique indépendante pour établir le rôle dirigeant de la classe ouvrière et pour empêcher sa subordination aux opposants bourgeois du tsarisme.

Plus important encore, vous ne dites rien de notre avertissement du résultat tragique de la confusion des drapeaux de classe dans notre référence au « Référendum Rouge » de 1931. Le Parti communiste allemand, sous l'instruction de Staline, a également pris la position que l'utilisation judicieuse de phrases radicales et en se « fondant habilement sur l'antipathie naturelle des travailleurs » -- à cette époque envers les sociaux-démocrates -- pourrait en quelque sorte transformer le caractère d'un référendum convoqué par les nazis en véhicule pour la lutte révolutionnaire. Le résultat a été une catastrophe politique.

Vous incitez les « petites forces du socialisme révolutionnaire » à adopter une stratégie politique « visant à la construction de ces petites forces ». Cependant, votre recette est une recette non pas pour étendre l'influence politique des socialistes, mais pour transformer le mouvement socialiste en apologiste politique et en auxiliaire d'un mouvement d'extrême droite nationaliste.

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Les positions prises par le Parti de l'égalité socialiste par rapport au référendum sur l'indépendance écossaise et à l'appel au boycott actif du référendum sur l'adhésion du Royaume-Uni à l'Union européenne sont politiquement cohérentes. Les deux positions sont motivées par notre opposition au nationalisme et notre objectif fondamental de maintenir l'unité et l'indépendance politique de la classe ouvrière internationale.

Nous avons appelé à voter « non » au référendum écossais parce que nous sommes opposés à la mise en place d'un Etat capitaliste séparé, comme demandé par le Parti national écossais (SNP) et soutenu par les groupes de la pseudo-gauche – sous couvert de promesses insincères et politiquement fausses selon lesquelles ceci deviendrait la base d’une voie écossaise au socialisme.

Nous avons expliqué que « La fonction première d'un État écossais indépendant serait d'établir des relations encore plus directes avec les grandes banques, sociétés et spéculateurs en proposant d'augmenter le niveau d'exploitation, d'attaquer les salaires et les conditions de travail, de détruire ou privatiser les services sociaux et d'éliminer autant que possible l'impôt sur la richesse des sociétés. »

Nous n'avons fait aucune concession au soutien du « non » par les Partis conservateur, travailliste et des libéraux démocrates et par la grande entreprise, mais nous avons insisté sur le fait que « le séparatisme ne fait qu'affaiblir et diviser la classe ouvrière dans sa lutte contre ces forces ». Nous avons averti qu'encourager le séparatisme en Ecosse donnerait, par ailleurs, le feu vert à des mouvements similaires de la bourgeoisie régionale en Catalogne et ailleurs, ce qui finirait par une « balkanisation » du continent européen.

Nous avons appelé « au renversement de l'impérialisme britannique et de son appareil d'Etat », à la « création d'un gouvernement ouvrier résolu à mettre en œuvre des politiques socialistes » et à « la formation des Etats socialistes unis d'Europe. »

Le vote pour « sortir » n'est pas un vote pour une Grande-Bretagne socialiste et encore moins le point de départ d'une lutte pour une Europe socialiste. C'est l'adoption d'un programme de nationalisme britannique dirigé par les forces de l'extrême droite – ce qui serait l'équivalent d'avoir soutenu le « oui » à l'indépendance écossaise. Tout comme un « oui » à l'époque, ce serait simplement fournir de façon tout aussi certaine une impulsion à la division nationaliste du continent européen et de sa classe ouvrière.

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(Article paru en anglais le 2 mars 2016)

 

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