Le Parti socialiste français attise l’hystérie du tout sécuritaire après l’arrestation d’Abdeslam

Alors que l'establishment politique français salue l'arrestation le 18 mars de Salah Abdeslam, suspect-clé des attentats terroristes du 13 novembre à Paris, le Parti socialiste (PS) pousse à une hystérie de loi et d’ordre et exige plus d’attaques sur les droits démocratiques.

Le 19 mars, le président François Hollande a convoqué une réunion avec le Premier ministre Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, Jean-Yves Le Drian (Défense), Jean-Jacques Urvoas (Justice), Jean-Marc Ayrault (Affaires étrangères) et les chefs militaires et du renseignement. Des sources dans l'entourage de Hollande ont déclaré: «L'objectif, à la suite de l'arrestation d'Abdeslam et de plusieurs de ses complices, est de faire le point sur les opérations menées et sur la lutte contre les filières terroristes en France et en Europe»,

Le premier ministre Manuel Valls a dit, « Bien sûr nous nous félicitons de cette interpellation [...] c'est une étape importante dans la lutte contre le terrorisme, mais la menace reste à un niveau très élevé, aussi élevé, sinon plus peut-être, que ce que nous avons connu avant le 13 novembre.» Il ajouta, «D'autres réseaux, d'autres cellules, d'autres individus, en France et en Europe, s'organisent pour préparer de nouveaux attentats. Nous devons être mobilisés, au plan national comme au plan européen, dans la coopération internationale, contre ces cellules, contre cette organisation, contre l'Etat islamique, contre Al-Qaeda».

Une contradiction flagrante sous-tend la position du gouvernement français: les forces islamistes qu'il cite comme une menace en France sont les mêmes que celles sur lesquelles il s’appuie dans les guerres sanglantes des pouvoirs de l’OTAN au Moyen Orient. De ce point de vue, la déclaration de Valls revient à un aveu que la politique étrangère du PS n'a pas seulement dévasté la Syrie, mais a jeté les bases pour une série d'attentats terroristes en France même, qui est pour ainsi dire sans fin.

En Libye, la France et les pouvoirs de l'OTAN ont armé et financé les forces islamistes liées à Al-Qaïda pour renverser le régime de Kadhafi en 2011, tuant des dizaines de milliers de personnes et dévastant le pays. Après la guerre de Libye, la France, les États-Unis et leurs alliés régionaux, notamment l'Arabie saoudite et la Turquie, ont commencé à fomenter une guerre civile en Syrie pour renverser le régime du président Bachar al-Assad. Comme en Libye, les puissances impérialistes ont cultivé des groupes terroristes islamistes, qu'elles ont armés, financés et entraînés pour lutter contre Assad.

Dans une interview avec Le Monde en 2014, François Hollande s’est vanté de ce que la France avait fourni des armes directement aux « rebelles » contre Assad. Il a dit, « Nous ne devons pas relâcher le soutien que nous avions accordé à ces rebelles qui sont les seuls à participer à l'esprit démocratique »,

C’est là une fraude cynique. L'élite dirigeante et les médias ont soit été silencieux soit ils ont accusé Assad quand leurs forces par procuration menaient des centaines d'attentats suicides en Syrie, tuant des milliers de personnes et enflammant une guerre qui causa près d'un demi-million de morts et força dix millions à fuir leurs foyers.

En particulier aux premiers stades de la guerre, l'opposition islamiste soutenue par l'OTAN, cherchant à semer la terreur et à déstabiliser le régime, réalisa toute une série d’attentats terroristes de masse. Parmi eux, l’attentat de décembre 2011 à Damas, qui tua 44 personnes et en blessa 166, et celui de mai 2012, encore à Damas, qui tua 55 personnes et en blessa 400. En février 2013, une nouvelle série d'attentats tuait plus de 80 personnes et en blessait au moins 250 dans la capitale syrienne.

Lors des attaques terroristes du 13 novembre à Paris ont été utilisées en France les méthodes employées par les forces islamistes contre la population syrienne avec la bénédiction de l'OTAN.

L'hypocrisie de la classe dirigeante européenne qui a vu dans les forces terroristes islamistes un outil légitime de sa politique étrangère, tout en insistant qu'elle menait une « guerre contre le terrorisme », est écoeurante. L’ultime responsabilité de l'attaque du 13 novembre et de celle contre Charlie Hebdo incombe à la politique étrangère réactionnaire de l'impérialisme.

Si la prétention de Paris de combattre le terrorisme est un mensonge cousu de fil blanc, il n'y a aucun doute que le prétexte de la « guerre contre le terrorisme » sert à préparer le terrain à des formes de pouvoir policier; c’est ainsi qu’on déclara un état ​​d’urgence draconien après les attaques du 13 novembre. Cela a aussi entraîné le déploiement de 10.000 soldats dans les rues des villes de France avec l’opération dite « Sentinelle ».

Prétendument pour lutter contre le terrorisme, le gouvernement envisage de stationner indéfiniment des forces militaires dans toute la France. La semaine dernière, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a présenté un rapport prônant un renforcement de l‘utilisation des forces armées sur le territoire national. Le rapport indique que l’armée, en collaboration avec les préfets dans les départements, aurait une plus grande liberté d’action dans le cadre du plan Sentinelle.

Le but de ces déploiements n’est pas de mener une lutte tous azimuts contre le terrorisme islamiste, un outil essentiel en fait de la politique étrangère des alliés de l’impérialisme français dans l'OTAN et dans le Golfe persique. Il vise au contraire à stabiliser l’impopulaire gouvernement PS et à pousser le climat politique à l’extrême droite, permettant à celui-ci d’imposer des attaques encore plus réactionnaires contre la classe ouvrière à l’intérieur.

Les avantages connexes procurés au PS par l’entretien de l'hystérie sécuritaire sont clairs. L'arrestation d’Abdeslam survient en même temps que s’élève une opposition croissante des jeunes et des travailleurs contre la destruction pro-patronale du code de Travail par le PS. Celle-ci est conçue pour démanteler ce qui reste de protections à la classe ouvrière et permettra une collaboration directe entre patrons et syndicats pour sabrer les emplois et les conditions de travail. Elle est âprement contestée.

Face à la montée de l’opposition populaire, le PS cherchera à exploiter cette arrestation autant que possible pour renforcer le prestige de l’armée et des services de renseignement, inciter un culte de la police afin de discréditer les protestations et faire passer en force des attaques sur les droits de base des travailleurs. 

(Article paru en anglais le 21 mars 2016)

 

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