Québec solidaire accueille l’entente de trahison dans le secteur public

Début février, la porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, a endossé la trahison des travailleurs du secteur public québécois en affirmant dans un communiqué de presse que le Front commun intersyndical a réussi à «arracher» de «précieuses concessions» au gouvernement du Québec.

En réalité, l'entente de principe conclue en décembre dernier ne peut qu'appauvrir les travailleurs, défoncer les régimes de retraite et laisser le champ libre à la classe dirigeante pour démanteler ce qui reste des services publics. (Pour plus de détails, voir: Entente de principe dans le secteur public québécois: nouvelle trahison des syndicats).

Le soutien de Québec solidaire aux chefs syndicaux démasque sa posture anti-austérité. Depuis le début du conflit opposant plus de 500.000 employés de l’État au gouvernement libéral de Philippe Couillard, QS sert de couverture à la bureaucratie syndicale et à ses manœuvres pour éviter à tout prix une confrontation avec le gouvernement.

Alors que la lutte des travailleurs du secteur public avait le potentiel de déclencher une contre-offensive de la classe ouvrière québécoise et canadienne contre le programme d’austérité de l’élite dirigeante, QS a adopté la même ligne que les syndicats, aidant ceux-ci à canaliser l'énergie combative des membres de la base dans un processus bidon de négociations à l'intérieur du cadre budgétaire fixé par le gouvernement.

Tout au long du conflit, QS a appuyé les manœuvres cyniques du Front commun pour démobiliser les travailleurs – y compris la décision de passer sous silence pendant des mois la menace omniprésente d'une loi spéciale et de l'invoquer à la dernière minute pour inciter les membres de la base à entériner une entente de trahison. Lorsque le Front commun a signé une telle entente le 17 décembre, QS a gardé un silence complice pendant des semaines afin de ne pas interférer avec les efforts du Front commun pour mettre un terme définitif au conflit.

La position de QS sur le conflit du secteur public est directement liée à son orientation vers la bureaucratie syndicale. Né en 2006 d'une fusion de groupes communautaires, féministes et pseudo-marxistes, Québec solidaire ne représente pas les intérêts des travailleurs. Il articule plutôt le point de vue de la petite-bourgeoisie et de couches aisées des classes moyennes – petits entrepreneurs, producteurs «locaux», professionnels, bureaucrates syndicaux et dirigeants de divers mouvements sociaux. C'est pourquoi il ne se présente pas comme un parti des travailleurs luttant pour le socialisme, mais comme un parti citoyen, écologiste et féministe qui vise à «démocratiser» le Québec.

Comme toutes les forces de la pseudo-gauche à l’échelle mondiale, QS a opéré un important virage à droite au cours de la dernière décennie. Dans un contexte de profonde crise du système capitaliste, ces forces sont aujourd’hui appelées à jouer un rôle politique de premier plan pour saboter l’opposition au capitalisme. Elles interviennent de plus en plus fréquemment pour soutenir, sinon rejoindre, des gouvernements bourgeois.

L’automne dernier, de hauts responsables de QS ont entamé une «tournée des régions» pour rencontrer divers entrepreneurs, notamment dans les chambres de commerce, afin de se vendre à eux comme «un parti crédible et novateur sur le plan économique», c'est-à-dire qui ne menace en rien le système de profit.

Le désir de s’intégrer à l’establishment est partagé par la prétendue «aile gauche» du parti. Celle-ci préconise, sous le prétexte de s’opposer au 1 pour cent le plus riche de la population, une orientation vers les sections moins nanties de l’élite dirigeante qui sont frustrées de ne pas faire partie de ce club select.

Dans un article paru en décembre 2014, Benoît Renaud, ancien secrétaire général de QS et longtemps associé au groupe Socialisme international (International Socialists), invitait la «gauche politique et sociale» à se tourner vers ceux qui «vivent dans un confort appréciable», qu’il nommait les «9 pour cent» (la tranche qui suit immédiatement le 1 pour cent au haut de l’échelle sociale). Renaud envisageait ainsi la possibilité pour «la mairesse d’une ville importante, un homme d’affaire socialement responsable ou un gestionnaire du secteur de l’éducation» de «faire le saut et porter les couleurs de Québec solidaire en 2018».

En courtisant le monde des affaires, QS met en application son programme fondamentalement pro-capitaliste et pro-nationaliste, comme en attestent ses liens étroits et de longue date avec le Parti québécois. Comme le PQ, Québec solidaire préconise la création d’une nouvelle république capitaliste en Amérique du Nord, le projet réactionnaire d'une faction de l’élite dirigeante québécoise et d'une section des classes moyennes qui y voient le moyen d'accéder au pouvoir et de s’enrichir au détriment de la classe ouvrière.

Dans un contexte où le PQ est largement discrédité par sa politique brutale d’austérité lorsqu’il était au pouvoir, QS joue un rôle particulièrement pernicieux pour raviver la «flamme indépendantiste» et lui donner un vernis «progressiste». La promotion du nationalisme québécois passe inévitablement par des politiques identitaires comme la campagne entourant la «Charte des valeurs» anti-immigrants mise de l’avant par le PQ en 2014. Québec solidaire avait accueilli les propositions anti-démocratiques du PQ comme un «débat nécessaire».

Afin de sauver le projet indépendantiste – qui risquerait autrement d'être entièrement discrédité par les mesures ultraréactionnaires des divers gouvernements péquistes – QS est forcé de garder une certaine autonomie de façade envers le Parti québécois.

Mais cela ne l'a pas empêché à maintes reprises de solliciter une alliance politique avec ce parti bourgeois, maintenant dirigé par le richissime magnat de la presse et anti-syndicaliste notoire, Pierre-Karl Péladeau. La semaine dernière encore, lors d’un débat organisé par le quotidien pro-indépendance Le Devoir sur le thème «QS, PQ: la gauche est-elle condamnée à l’opposition?», Françoise David déclarait que si le PQ avait instauré un mode de scrutin proportionnel, «on serait peut-être au pouvoir ensemble».

Le modèle de Québec solidaire, c'est Syriza – le parti de la pseudo-gauche grecque qui a pris le pouvoir en Grèce en janvier 2015 en promettant de mettre fin aux mesures d’austérité qui ont ravagé le niveau de vie des masses dans ce pays. Aussitôt arrivé au pouvoir, toutefois, Syriza a fait une alliance avec les nationalistes de droite (les Grecs indépendants) et s’est plié aux exigences de l’Union européenne. Hostile à toute lutte pour mobiliser la classe ouvrière européenne contre l’austérité, Syriza a renié toutes ses promesses électorales et imposé des compressions sociales pires que ses prédécesseurs, jetant les travailleurs grecs dans une pauvreté abjecte.

S'il devait parvenir au pouvoir – par exemple dans un gouvernement de coalition avec le PQ – Québec solidaire n’hésiterait pas, lui non plus, à imposer le diktat de l’élite économique et financière en sabrant dans les services publics, les emplois et les régimes de retraite.

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