Après l‘attaque à Levallois, le gouvernement incite l'hystérie sécuritaire

Mercredi matin, un groupe de soldats de l‘opération « Sentinelle » a été attaqué par un véhicule qui aurait essayé de les faucher à Levallois-Perret à l’ouest de Paris, où ils sont stationnés. Sur la dizaine de soldats du groupe, six ont été blessés dont deux sérieusement, selon les déclérations officielles. Ces soldats sortaient d‘un foyer où ils habitent, mis à leur disposition par la ville de Levallois.

« Sentinelle » est l'opération antiterroriste décidée par l'ex-président François Hollande suite aux attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, qui mobilise 15.000 militaires à travers toute la France.

On a détenu un suspect quelques heures après l’événement, sur l‘autoroute entre Boulogne et Calais. L‘homme, qui n‘était apparemment pas armé, a été blessé par balles. Âgé de 37 ans, Hamou B. serait un Algérien habitant Sartrouville ; les médias ont diffusé sa photo. Mais il n’était pas formellement établi dans la soirée qu’il était l’auteur de l’attaque du matin.

Cette attaque fait suite à un autre incident samedi où un jeune Mauritanien de 18 ans, en psychiatrie depuis 6 mois, avait tenté de forcer un contrôle de sécurité à la Tour Eiffel et menacé d’attaquer des soldats avec un couteau. Il a été interpellé sans résister sur sommation des soldats. Sa garde a vue a été interrompue lundi après des expertises attestant une « abolition du discernement » et on l'a renvoyé à l’hôpital d’où il n‘était sorti que pour une première permission non accompagnée.

La section antiterroriste du Parquet de Paris n’en poursuit pas moins les chefs d’accusation de « tentatives d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste criminelle. »

Cette instance a très vite ouvert une enquête sur l’événement de Levallois pour les mêmes motifs, la préfecture ne parlant toutefois à ce stade que d‘acte « a priori prémédité ».

Immédiatement après l'incident à Levallois, et sans qu‘aucun fait n‘eût été établi sur les motivations de l‘acte ou même sur ce qui s‘était réellement passé, les politiciens, les médias et le gouvernement ont tous insisté en chœur qu’il s’agissait d’une attaque terroriste. Tous soulignèrent l‘aspect « prémédité », laissant entendre qu‘il s‘agissait bien d‘une attaque planifiée contre l‘État.

« C'est sans aucun doute un acte délibéré. Ça s'est passé dans une voie qui est un cul-de-sac devant le casernement de ces militaires. Ce véhicule visiblement attendait qu'ils sortent pour rejoindre leur véhicule et leur a foncé dessus, » a dit sur BFMTV le maire LR de Levallois, Patrick Balkany. Il a même suggéré plus tard dans une interview au Parisien que les terroristes voulaient attaquer la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), dont le siège est à Levallois.

Isabelle Balkany, sa femme écrit sur Twitter : « Agression odieuse, préméditée et volontaire contre les militaires du dispositif Sentinelle à Levallois ».

« Nous savons que c'est un acte délibéré, ce n'est pas un acte accidentel » a affirmé à son tour le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb (ex-PS). Les ministres de l’Intérieur et de la Défense ont rapidement rendu des visites fortement médiatisées aux soldats hospitalisés.

Des commentaires des médias ou de lecteurs posaient cependant des questions. Le Parisien notait que l'attaque contre les militaires avait été rapide et « confuse ». Le groupe de soldats n'avait « pas eu le temps de noter de détails précis ».Une heure et demie après les faits, Le Parisien écrivait que « les militaire blessés ont été touchés par leur propre voiture. Selon nos informations, l'individu a foncé avec sa BMW dans un véhicule militaire qui a renversé les soldats en faction par rebond. »

Une autre question soulevée par un témoin, qui reste toujours sans réponse, est pourquoi les soldats n‘ont pas tiré.

S‘il s‘avérait en fin de compte qu‘il s‘agissait bel et bien d‘un acte lié à Daech, ceci ne ferait que souligner que l’état d’urgence ne permet pas d‘éviter les attaques terroristes. Celles-ci continuent malgré les nombreuses mesures que la police dirige surtout contre les manifestants en France. Les assignations à résidence, les interdictions de manifester, la fermeture de lieux publics et de réunion, les interdictions de circuler, les gardes à vue à la chaîne, les perquisitions de jour et de nuit, l‘espionnage à grande échelle de la population ne sécurisent pas les Français.

De plus en plus nombreux sont les spécialistes de la sécurité qui remettent en question l‘utilisation de l‘armée pour des missions antiterroristes à l'intérieur de la France.

Hier matin, à la question de Francetvinfo, « Tout laisse penser à une attaque terroriste ? », Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme, a dit: « Il faut attendre les détails sur les événements. Depuis le début de l’année, on constate une multiplication d’attaques qui visent le personnel de l'opération Sentinelle. Cela questionne la pertinence du dispositif lui-même, qui est devenu un véritable piège. Il mobilise et expose ces personnels qui deviennent des cibles visibles et permanentes. »

En fait, c’est bien les guerres en Libye et en Syrie et le rôle qu’y jouent les gouvernements occidentaux qui sont responsables de ces attaques. Les réseaux islamistes, mobilisés pour servir de troupes au sol dans ces guerres montées par l’OTAN, les perpètrent au vu et au su des services de sécurité de toute l’Europe. Ces derniers les protègent, car ils jouent un rôle clé dans la politique impérialiste au Moyen Orient.

Pour arrêter les attentats, il faut surtout arrêter les interventions militaires de l’impérialisme français et européen et ses manœuvres agressives au Moyen Orient.

Le caractère particulièrement hystérique de la réaction de la classe politique aux dernières attaques est le produit de la crise croissante du gouvernement Macron et la chute rapide sa popularité dans les sondages, le signe d’une opposition sociale croissante.Les illusions répandues par la presse d‘une sorte de « miracle Macron » se délitent rapidement au fur et à mesure que le véritable caractère de classe de ce gouvernement de l'aristocratie financière apparaît.

Pour lui, l‘installation d‘un Etat policier est une priorité. La réaction des Balkany, Collomb et Cie est le réflexe d‘une classe politique dont l‘isolement vis-à-vis de l’écrasante majorité de la population devient de plus en plus évident.

Pour eux, tout événement de ce genre doit servir à justifier le maintien de l‘état d‘urgence, son transfert dans le droit commun et avec lui l‘abolition permanente de libertés civiles conquises au prix de lourds sacrifices par des générations entières, y compris contre l‘occupation nazie et le régime de Vichy.

Lundi, la ministre de la Défense Florence Parly avait insisté pour dire que l’opération Sentinelle resterait «en place tant qu’elle sera utile à la protection des Français», et serait prochainement adaptée «pour s’inscrire dans la durée».

Edouard Philippe, le premier ministre, a rappelé hier après- midi que: « notre pays est confronté à un niveau de menace élevé et que cela reste d'actualité.»

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