Le Canada utilise le stade olympique de Montréal pour abriter les réfugiés haïtiens qui fuient les États-Unis

Des milliers d'immigrants, qui craignent de plus en plus d'être déportés, fuient les États-Unis vers le Canada pour demander l'asile. Tant de personnes ont traversé la frontière dans les dernières semaines que les agences d'immigration canadiennes ont été forcées d'ouvrir le stade olympique à Montréal afin de loger temporairement les réfugiés.

Le refuge improvisé peut accueillir jusqu'à 300 réfugiés qui dorment sur des couchettes dans les couloirs du stade. Québec, débordé par la récente augmentation de demandeurs d'asile, a également commencé à utiliser des dortoirs, des foyers pour personnes âgées et des hôtels pour accommoder l'afflux d'immigrants.

Dans les six premiers mois de l'année, 6500 demandeurs d'asile sont arrivés au Québec, représentant 35% de ceux qui demandent l'asile au Canada jusqu'à maintenant cette année la ministre de l'Immigration Kathleen Weil a rapporté qu'entre le premier et le 19 juillet , le Québec recevait approximativement 50 requêtes de demandeurs d'asile par jour. Ce nombre aurait augmenté à 150 demandes par jour, parfois plus. PRAIDA, une agence financée par un programme d'assistance aux immigrants financé par le gouvernement, rapportait 1200 demandes de réfugiés pour le seul mois de juillet: quatre fois le total mensuel normal.

Les médias et des sources gouvernementales rapportent que de 70 à 90% des demandeurs d'asile sont Haïtiens.

Sur la base d'une entente avec Washington, des immigrants qui arrivent aux douanes canadiennes ayant déjà fait une demande d'asile aux États-Unis sont automatiquement renvoyés. Mais si les immigrants traversent «irrégulièrement», habituellement à pied en dehors des points de passage officiels, ils peuvent faire une demande d'asile au Canada.

La vague d'Haïtiens demandeurs d'asile a commencé à augmenter en mai quand l'administration Trump a recommandé de mettre fin au Statut de protection temporaire pour plus de 50.000 Haïtiens qui demeurent aux États-Unis. Les réfugiés haïtiens ont par la suite obtenu une prolongation de six mois, mais ils ont été avertis que cela pourrait être la dernière.

Le général à la retraite du Marine Corps, John F. Kelly, qui était alors le secrétaire à la Sécurité intérieure et actuellement le chef de cabinet de la Maison-Blanche, a déclaré en mai que «Le département de la Sécurité intérieure exhorte les Haïtiens qui n'ont que le Statut de protection temporaire à utiliser le temps qu'il leur reste avant le 22 janvier 2018, pour se préparer et organiser leur départ des États-Unis.»

«C'est du jamais vu», a dit la dirigeante de PRAIDA Francine Dupuis à la Gazette de Montréal. «En 30 ans, je n'ai jamais vu un tel volume ou une telle intensité.»

La majorité de ces immigrants partage la même histoire bouleversante. La plupart des réfugiés haïtiens sont venus des États-Unis suite au tremblement de terre dévastateur de 2010 qui a tué plus de 200.000 personnes, en a blessé 300.000 autres et déplacé près de 100,000 personnes, et détruit une grande partie de l'infrastructure de cette minuscule nation appauvrie des Caraïbes. Il faut souligner que l'immensité de la destruction causée par le tremblement de terre historique était largement le produit de la pauvreté abjecte créée par des siècles d'oppression coloniale et impérialiste.

Fuyant la dévastation et une éruption massive de choléra, des milliers de résidents ont rassemblé ce qu'ils pouvaient et déplacé leurs familles vers le Brésil. Là-bas, un grand nombre d'entre eux a été forcé d'accepter des salaires de misère et de terribles conditions de travail, trouvant souvent de l'emploi dans des projets de construction pour la Coupe du Monde de 2014. Lorsque l'économie brésilienne a commencé à chuter, les immigrants haïtiens ont encore été forcés de fuir, cette fois-ci à plus de 11.000 km vers le nord, vers la frontière de San Diego à Tijuana. Ce long voyage est réputé pour être extrêmement dangereux.

On ne saura sans doute jamais combien d'Haïtiens ont été victimes des cartels de la drogue, du trafic sexuel, de la corruption policière, des agents douaniers violents, de la famine, de la déshydratation ou d'autres obstacles potentiellement mortels dont le voyage est rempli.

Les difficultés rencontrées par ces immigrants, particulièrement sur la route du Guatemala vers la frontière de San Diego en Californie, ont été exacerbées par les politiques de l'administration Obama. Le programme mis en place par le gouvernement mexicain, sans aucun doute orchestré par les États-Unis, appelé Frontera Sur, a déplacé plus de 300 agents d'immigration vers sa frontière sud avec le Guatemala. Le but de ce plan était d'appréhender les migrants avant qu'ils atteignent la frontière américaine, évitant ainsi les «ennuis» constitutionnels qui viennent avec le traitement d'immigrants en sol américain.

Le programme incluait la mise en place de points de contrôle mobiles et des rafles régulières dans les trains et les auberges de migrants. L'administration Obama a directement appuyé cette campagne à travers des formations, de la technologie et des renseignements. Un an après son entrée en vigueur en juillet 2014, les appréhensions par le gouvernement mexicain ont augmenté de 71% sur la même période dans l'année précédente. Ce programme était dirigé par nul autre que John Kelly qui continue de menacer les réfugiés haïtiens et d'autres travailleurs immigrants.

Si les migrants parvenaient à la fin de leur voyage, le gouvernement américain leur procurait un statut temporaire, mis à jour tous les 18 mois. Bien que l'administration Trump a certainement augmenté l'attaque contre les immigrants et des déportations de masse, les plans de déportations des Haïtiens vivant aux États-Unis ont commencé avant que l'administration Trump arrive au pouvoir. En septembre de l'année dernière, le secrétaire américain du département de la Sécurité intérieure, Jeh Johnson, a annoncé que les déportations d'immigrants haïtiens reprendraient, un changement de politique orchestré de façon unilatérale par l'administration Obama.

Ayant vécu les traumatismes d'une catastrophe naturelle, la traversée d'un demi-continent, souvent à pied, les horreurs du processus d'immigration américain, beaucoup se sont installés aux États-Unis. Par contre, la menace de déportation n'a jamais cessé. Alors que la possibilité devient réalité sous l'administration Trump, beaucoup voient le Canada comme leur dernier espoir pour une vie sécuritaire et stable.

Et pourtant, les Haïtiens qui sont venus au Canada, plutôt qu'aux États-Unis, suite au tremblement de terre de 2010 ont déjà été victimes de déportation depuis presque trois ans. Le moratoire du Canada sur la déportation d'Haïtiens réfugiés a été levé le 1er décembre 2014, et quelques mesures spéciales permettant une demande d'asile pour des raisons humanitaires ont été mises en place.

Même si n'importe qui peut faire une demande d'asile au Canada, rien ne garantit qu'elle sera acceptée. Malgré les fortes augmentations pour ce type particulier de demande d'asile, le premier ministre du gouvernement libéral Justin Trudeau a gardé le silence sur la possibilité d'ajuster la limite pour 2017.

Un porte-parole du ministre de l'Immigration Ahmed Hussen a dit à Global News que le ministre était présentement en consultation pour les limites qui seraient établies en 2018, qui doivent être rendus publiques le 1er novembre de cette année. Le porte-parole n'a pas donné de réponse lorsqu'on lui a demandé si la limite pour 2017 allait être ajustée.

(Article paru en anglais le 7 août 2017)

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