Perspectives

Trump menace la Chine de lancer une guerre contre la Corée du Nord

Avant le rendez-vous de cette semaine avec le président chinois Xi Jinping, le président Trump a émis un avertissement brutal et menaçant à l’intention de Pékin pour obliger la Corée du Nord à abandonner ses programmes nucléaires et antimissiles […] ou bien nous ferons quelque chose ». En parlant au Financial Times, il a déclaré : « Si la Chine ne règle pas la Corée du Nord, nous le ferons. C’est tout ce que je vous dis. »

Trump a fait connaître l’ultimatum qu’il a l’intention de livrer à Xi : « La Chine a une grande influence sur la Corée du Nord. Et soit elle décidera de nous aider sur la Corée du Nord, soit non. Si elle le fait, ce sera très bon pour la Chine, et si elle ne le fait pas, ce ne sera bon pour personne. »

Les menaces de Trump n’ont qu’un seul sens : si le gouvernement chinois n’est pas prêt à paralyser économiquement ou à renverser le régime de Pyongyang, les États-Unis sont prêts à utiliser tous les moyens dont ils disposent, y compris leur puissance militaire massive contre la Corée du Nord. Comme l’a souligné le secrétaire d’État américain Rex Tillerson lors de son voyage en Asie le mois dernier, toutes les options, y compris la guerre avec la Corée du Nord, sont sur la table.

Quelles que soient les mesures prises par les États-Unis, Trump a clairement indiqué qu’il était prêt à attaquer la Corée du Nord et pourrait le faire sans préavis. « Je ne suis pas les États-Unis du passé où nous vous disons où nous allons frapper au Moyen-Orient », a-t-il déclaré au journal. « Où ils disent […]' “Nous allons attaquer Mossoul pendant quatre mois”. […] Pourquoi parlent-ils ? Il n’y a pas de raison de parler. »

En coulisses, l’administration Trump se prépare à une guerre avec la Corée du Nord qui ne sera pas seulement catastrophique pour le peuple coréen sur la péninsule divisée, mais pourrait y entraîner d’autres grandes puissances, y compris la Chine, la Russie et le Japon.

La Maison-Blanche vient de terminer un examen de la politique américaine à l’égard de la Corée du Nord avant la réunion de Xi avec Trump. Bien que les options contiennent des sanctions lourdes non seulement contre la Corée du Nord, mais aussi les entreprises chinoises qui font des affaires avec Pyongyang, l’administration Trump ne s’arrêterait pas là.

Lors de son récent voyage, Tillerson a déclaré que la politique de l’administration Obama d’augmenter progressivement les sanctions – nommée la « patience stratégique », avait échoué. Il a également exclu toute négociation immédiate avec Pyongyang. Toutes les options restantes – la cyberguerre, les provocations et les opérations secrètes pour déstabiliser le régime nord-coréen et l’action militaire de diverses formes – menacent de faire plonger rapidement la région dans la guerre.

Le Financial Times a demandé à Trump : « Pensez-vous que vous pouvez le résoudre [le problème de la Corée du Nord] sans l’aide de la Chine ? » Son extrême imprudence est résumée dans sa réponse à un laconique : « Totalement ». Quand on lui a reposé la même question, il a répondu : « Je n’ai plus rien à dire. Totalement. »

Les conséquences incalculables de la guerre dans la péninsule coréenne ont été résumées par le secrétaire à la défense d’Obama, Ashton Carter, qui a longtemps défendu les attaques militaires en Corée du Nord. En s’adressant à ABC News dimanche, Carter a déclaré qu’il n’était pas optimiste quant à la pression sur la Chine pour qu’il agisse contre la Corée du Nord.

Carter a insisté pour que l’option militaire reste sur la table puis, avec une indifférence totale à la souffrance humaine impliquée, a esquissé ce qui se passerait suite à une attaque préventive américaine contre la Corée du Nord. « Il est tout à fait possible que [Pyongyang] lance une tentative d’invasion de la Corée du Sud. Comme je l’ai dit, je suis convaincu du résultat de cette guerre, ce serait la défaite de la Corée du Nord.

« Mais je dois vous avertir. C’est une guerre qui impliquerait une intensité de violence que nous n’avons pas vue depuis la dernière guerre de Corée. Séoul est juste là-bas aux frontières de la DMZ [la frontière avec la Corée du Nord], alors même si le résultat est certain, c’est une guerre très destructrice », a déclaré Carter.

Carter sait de quoi il parle. En tant que secrétaire adjoint à la défense de l’administration Clinton, il a été profondément impliqué dans la planification de la guerre avec la Corée du Nord en 1994 qui a été annulée à la dernière minute lorsque le Pentagone a fait une évaluation prudente du résultat probable : 300 000 à 500 000 victimes militaires sud-coréennes et américaines, sans compter le bilan des morts et des civils morts et blessés en Corée du Nord.

Le nombre de morts dans la guerre de Corée entre 1950 et 1953 s’éleva à des millions. Les victimes d’une guerre aujourd’hui où la Corée du Nord ainsi que les États-Unis ont des armes nucléaires et pourraient bien les utiliser seraient beaucoup plus nombreuses. Le secrétaire à la Défense des États-Unis, James Mad Dog (chien enragé) Mattis a déjà prévenu que toute tentative de Pyongyang d’utiliser ses armes nucléaires aurait une « réponse efficace et écrasante », c’est-à-dire l’anéantissement nucléaire.

La guerre de Corée fut la seule fois où la Chine et les États-Unis se firent directement la guerre. La position stratégique de la péninsule coréenne en Asie du Nord-Est a fait l’objet d’invasions et de guerres pendant plus d’un siècle, impliquant non seulement les États-Unis et la Chine, mais aussi le Japon et la Russie. Une nouvelle guerre courrait le danger d’y entraîner rapidement d’autres puissances militaires, y compris celles dotées d’armes nucléaires.

Le danger de la guerre mondiale ne se pose pas seulement en raison du comportement incertain et téméraire de Trump. Au contraire, son irrationalité est un produit de la crise profonde du capitalisme américain et mondial et de la détermination de la classe dirigeante américaine pour laquelle il parle à se servir de sa domination militaire actuelle pour arrêter son déclin historique, quel que soit le résultat. Un quart de siècle de provocations militaires et d’invasions au Moyen-Orient et en Asie centrale convergent maintenant en une confrontation avec les principaux rivaux américains, surtout la Chine et la Russie.

La réaction du régime nord-coréen à la menace croissante de la guerre est tout à fait réactionnaire. Ses missiles et ses essais nucléaires font directement le jeu de Washington en fournissant un prétexte pour la guerre. En outre, les rodomontades nationalistes de Pyongyang et ses menaces à figer le sang contre les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud ne font qu’accroître le danger de la guerre et semer des divisions dans la classe ouvrière internationale.

Contrairement à l’invasion criminelle dirigée par les États-Unis contre l’Irak en 2003 ou les guerres les plus récentes au Moyen-Orient, le compte à rebours de la guerre contre la Corée du Nord n’est pas rendu public. Néanmoins, il se déroule avec une logique implacable. Les travailleurs du monde entier ne peuvent pas se permettre d’attendre de se réveiller un matin pour découvrir que les États-Unis ont bombardé la Corée du Nord et que le monde se trouve au bord d’une guerre nucléaire.

Le seul moyen d’arrêter la marche vers la guerre est de mettre fin à sa source – le système capitaliste en faillite et sa division du monde en États-nations rivaux – par la construction d’un mouvement anti-guerre unifié de la classe ouvrière s’appuyant sur l’internationalisme socialiste.

(Article paru en anglais le 4 avril 2017)

 

 

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