Dans une interview avec la presse britannique et allemande

Trump remet en cause l'UE, l'OTAN et le libre-échange

Lundi, lors d'un long entretien avec le Times de Londres et le tabloïd allemand Bild, le président élu des États-Unis Donald Trump a remis en cause des pierres angulaires de l'ordre européen d'après-guerre.

Trump, qui assume la présidence vendredi, a fait de nombreuses déclarations contradictoires. Mais dans l'ensemble, il n'a laissé aucun doute qu'il était favorable à la dissolution de l'Union européenne, doutait de l'avenir de l'OTAN et considérait l'Europe, et surtout l'Allemagne, comme une rivale économique des États-Unis.

« M. Trump ne se sent pas contraint par l'idéologie ou l'histoire », a écrit le Times à propos de l'entrevue. Selon Bild, «On ne peut dire qu'une chose avec certitude: rien n'est sûr avec lui. Pas de règle politique, pas de coutume diplomatique, pas de certitude inviolable ».

Entre autre, Trump a dit que la décision de la Grande-Bretagne de quitter l'Union européenne « finira par être une chose excellente ». Il a clairement indiqué que son rapprochement avec le Londres était motivé avant tout par son opposition à l'Union européenne et visait en particulier à contrer les défis économique ou politique posés aux États-Unis par l'Allemagne.

« Voyez l'Union européenne, c'est l'Allemagne », a-t-il dit. « Au fond, c'est un véhicule pour l'Allemagne. C'est pourquoi je trouve ça si intelligent de la part du Royaume-Uni de sortir ... ». 

A la question de savoir s'il agirait rapidement pour conclure un nouvel accord commercial avec le Royaume-Uni, il a répondu: «Absolument, très rapidement. Je suis un grand fan du Royaume-Uni. Nous allons travailler très dur pour le faire rapidement et bien. C'est bon pour les deux côtés ». 

Il a ajouté que lui et la première ministre britannique, Theresa May, «aurons une réunion juste après mon installation à la Maison Blanche».

Par contre, il menace ouvertement l'Allemagne de guerre commerciale. Il a menacé d'imposer des droits d'importation de 35 pour cent au constructeur automobile allemand BMW s'il n'abandonnait pas son projet de construire une usine au Mexique. Trump a constaté que sur la Cinquième Avenue à New York, il y a de nombreuses Mercedes-Benz, mais qu'en Allemagne, il y a peu de Chevrolets. «Le fait est que vous étiez très injuste envers les États-Unis. Il n'y a pas de réciprocité », a-t-il dit. 

Par conséquent, selon lui, les États-Unis perdaient près de 800 milliards de dollars par an dans le commerce. « Je veux que ce soit juste, il faut de la réciprocité », a-t-il dit, « alors ça va s'arrêter ». 

Trump a déclaré que l'UE était destinée à se désintégrer. La sortie de la Grande-Bretagne, qu'il attribuait à l'afflux de réfugiés, n'était que le début: «Je crois que d'autres partiront. Je pense que la maintenir ensemble ne sera pas aussi facile que beaucoup de gens pensent. "

Tout en exprimant son respect pour la chancelière allemande Angela Merkel, en déclarant que « Je la rencontrerai. Je la respecte et je l'aime bien », il l'a accusée d'avoir commis « une erreur très catastrophique » en permettant à un million de réfugiés d'entrer dans son pays. 

Trump s'est solidarisé avec le Parti de l'indépendance britannique (UKIP) et tacitement avec d'autres partis de la droite xénophobe, en partie pour justifier ses propres politiques anti-immigrés. « Les gens ne veulent pas que d'autres personnes entrent et détruisent leur pays », a-t-il dit, « et vous savez que dans ce pays nous irons très fort sur les frontières dès le jour où j'arriverai ».

Sur la Russie, non seulement Trump a suggéré d'assouplir les sanctions «si on peut faire de bons accords» sur le désarmement nucléaire, mais il a placé le chancelière, une alliée des Etats-Unis de longue date, à égalité avec le président russe Vladimir Poutine, en brandissant la menace d'une rupture des relations avec les deux. «Eh bien », déclara-t-il, « je commence par faire confiance aux deux, mais voyons combien de temps cela durera. Ça pourrait ne pas durer longtemps du tout ».

Ensuite, Trump a qualifié l'OTAN d'«obsolète», en partie parce que l'OTAN « ne s'occupe pas de la terreur», mais aussi parce que les puissances européennes «ne paient pas ce qu'elles sont censées payer, ce qui est très injuste envers les États-Unis ». Il a cherché à adoucir cette remarque en déclarant pour la forme que les États-Unis défendaient toujours l'Europe: « Cela dit, l'OTAN est très important pour moi ».

En même temps, il a attaqué l'intervention militaire de la Russie en Syrie, la qualifiant d' «une très mauvaise chose» qui avait produit une «terrible situation humanitaire».

Des dirigeants allemands ont répondu agressivement à Trump, en soulignant les revendications économiques et géopolitiques de Berlin. Le président du Parti social-démocrate (SPD), Sigmar Gabriel, a dit au Saarbrücker Zeitung: «Je ne pense pas qu'il faille avoir peur en Allemagne. Il ne faut pas adopter une attitude servile maintenant, comme si nous n'avions rien à offrir nous-mêmes. En traitant avec Trump, il nous faut la confiance en soi allemande et d'une position claire ».

Merkel a appelé les Etats membres de l'UE à ne pas être désarmés par les critiques dures de Trump. « Je pense que nous, Européens, avons notre sort en main », a-t-elle déclaré à Berlin.

Après avoir rencontré le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a dit que les déclarations de Trump avaient «suscité l'étonnement et l'agitation» dans toute l'Europe. Il a souligné que le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, et le secrétaire d'Etat désigné, Rex Tillerson, avaient pris position en faveur de l'OTAN. « Nous devrons voir ce qui suivra pour la politique américaine », a-t-il dit.

En revanche, son homologue britannique Boris Johnson a salué les déclarations de Trump sur un accord commercial américano-britannique post-Brexit. « Je pense que c'est une très bonne nouvelle que les États-Unis veulent conclure un bon accord de libre-échange avec nous et cela rapidement », a-t-il déclaré. 

Plus de 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et 25 ans après la dissolution de l'Union soviétique, de nouvelles tensions et conflits se développent entre l'Europe et les États-Unis et entre les puissances européennes elles-mêmes.

La politique « d'Amérique d'abord » de Trump accélère ce processus, mais elle n'en est pas la cause. Cela réside dans les contradictions insolubles du capitalisme, qui ne peut surmonter l'antagonisme entre le caractère international de la production et le cadre des États-nations dans lequel le capitalisme est enraciné. Comme avant les Première et Seconde Guerres mondiales, la lutte pour les matières premières, les marchés, la main-d'œuvre bon marché et l'influence stratégique provoquent de violents conflits entre les puissances impérialistes.

Le Comité International de la Quatrième Internationale a à plusieurs reprises mis en garde contre le mouvement inexorable du capitalisme international vers une guerre mondiale. En juillet 2014, dans la déclaration «Le socialisme et la lutte contre la guerre impérialiste, le CIQI a écrit:

Pour l’heure, Washington poursuit ces objectifs en collaboration avec les autres principaux pouvoirs impérialistes. Il n'y a cependant aucune correspondance permanente entre les intérêts impérialistes des diverses puissances. L'impérialisme allemand, qui a mené deux guerres contre les États-Unis au 20e siècle, est en train de remettre à l’ordre du jour ses ambitions impérialistes. S'étant assuré une position dominante en Europe occidentale, il cherche à présent à devenir une puissance mondiale […] Toutes les puissances impérialistes – cela inclut la Grande-Bretagne, la France, le Canada et l'Australie – sont pleinement engagées dans ces luttes pour des sphères d'influence. Toutes les régions du globe sont la source d’âpres conflits ; il s’agit non seulement des zones où se trouvent ex-colonies et semi-colonies, Moyen-Orient, Afrique et Asie, mais encore de l'Arctique, de l'Antarctique et même de l'espace et d’Internet.

Seul un mouvement international unifié de la classe ouvrière qui lutte non seulement contre la guerre mais contre sa cause, le capitalisme, peut prévenir un nouveau massacre international. Cela nécessite la construction d'une nouvelle direction socialiste, des sections du Comité international de la IVe Internationale, dans la classe ouvrière européenne, américaine et internationale.

(Article paru en anglais le 17 janvier 2017)

 

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