La Première ministre britannique sollicite une alliance avec le Parti unioniste démocrate pour éviter une seconde élection

Le gouvernement conservateur de la Première ministre Theresa May cherche un accord de « confiance et entente » avec le Parti unioniste démocratique (DUP) dans le but d’obtenir une majorité parlementaire suite à un résultat désastreux pour son parti lors des élections générales de la semaine dernière.

Mai a lancé le scrutin pour obtenir une augmentation substantielle de sa faible majorité de 17 sièges conservateurs, mais en a perdu 13 ce qui a produit un parlement sans majorité. Le Parti travailliste sous Jeremy Corbyn a remporté 40 pour cent des voix, soit seulement 2 pour cent de moins que les conservateurs.

Les conservateurs ont besoin des 10 députés du DUP d’Irlande du Nord pour obtenir une majorité, mais il n’y a pas de possibilité de coalition. L’objectif est plutôt de garantir un pacte avec le DUP pour soutenir le gouvernement dans les votes de censure et pour adopter les budgets – un régime de crise qui règne par une petite majorité sur une population qui les méprise largement.

Samedi, le bureau de la Première ministre a déclaré qu’un accord de principe avait été conclu avec le DUP, mais cela a été réfuté par le DUP, ce qui a obligé les conservateurs à clarifier les choses. Theresa May devra rencontrer la dirigeante du DUP Arlene Foster pour des pourparlers ce mardi.

Le DUP est une formation de l’extrême-droite. L’attention que les médias du Royaume-Uni y portent se concentre sur son opposition à l’avortement et au mariage homosexuel, tout en proposant des politiques populistes visant à renverser certaines mesures d’austérité qui seraient en contradiction avec la politique d’austérité avancée dans le programme de May.

Mais le plus important, c’est que le DUP est le principal parti unioniste protestant dans le Nord de l’Irlande et garde des liens avec les groupes paramilitaires.

Les tentatives désespérées des conservateurs d’assurer une majorité menacent de relancer les conflits en Irlande, qui ont prit fin en 1998 suite à l’Accord du vendredi saint conclu par le gouvernement travailliste d’alors et les partis politiques d’Irlande du Nord, à l’exception du DUP. Le DUP ne fit partie de l’Accord du partage du pouvoir avec les nationalistes de Sinn Fein dans l’Assemblée de l’Irlande du Nord qu’en 2007, après avoir éclipsé le Parti unioniste d’Ulster.

La création d’un gouvernement conservateur/DUP détruit la base même de l’Accord et la quelconque stabilité politique obtenue par le biais de l’Assemblée d’Irlande du Nord. L’Accord stipule qu’un gouvernement britannique doit demeurer impartial dans ses relations avec tous les partis d’Irlande du Nord. Cela est impossible vu qu’un de ces partis maintenant devra soutenir les conservateurs.

En outre, l’une des demandes du DUP en échange de ce rôle est que les conservateurs interdisent tout référendum sur une Irlande unie. Un tel arrangement serait inconstitutionnel, car cette disposition est expressément autorisée en vertu de l’Accord du vendredi saint.

Le parti Sinn Fein a gagné des voix aux élections générales dans les circonscriptions d’Irlande du Nord où il se présentait, portant le nombre de ses sièges à sept. Le dirigeant de Sinn Fein, Gerry Adams, a souligné que les partis unionistes (protestants prônant l’unité avec le Royaume-Uni) ont obtenu le soutien de moins de la moitié de l’électorat pour la première fois dans l’histoire de la région, ajoutant : « On peut dire avec certitude qu’il y aura un referendum sur l’unité irlandaise. Je ne peux pas dire quand, mais il y en aura un. »

Le fait que les conservateurs sont prêts à envisager la reprise du conflit en Irlande, qui a coûté des milliers de vies pendant trois décennies à partir de 1969 durant ce qu’on appelait les « Troubles », témoigne de la crise existentielle qu’ils rencontrent.

Cela va s’intensifier. Dans une semaine seulement, les négociations commencent avec l’Union européenne sur les termes de la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE. L’élite dirigeante et les conservateurs sont divisés sur la question du Brexit, avec la majorité de la classe dirigeante, menée par l’élite financière de la City de Londres, opposée à la sortie de l’UE et du marché unique.

Un Parlement sans majorité offre au camp Remain (contre la sortie de l’UE) une occasion de s’assurer qu’il n’y a pas de Brexit sans accès continu du Royaume-Uni au marche unique. D’autres cherchent encore à revenir complètement sur le Brexit.

Cependant, May est plus que jamais encore sous la coupe de l’aile pro-Brexit de son parti. Ses principaux ministres pro-Brexit, le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson et le secrétaire au Brexit, David Davis, sont tous deux présentés comme des prétendants à la direction du parti contre May, et les deux ont gardé leurs postes lors du remaniement de son cabinet effectué par May dimanche. Un autre conservateur pro-Brexit, Michael Gove, a été réintégré au cabinet.

May n’est restée à son poste que parce que l’aile pro-Brexit dure (rupture totale avec l’UE) craint que si elle était contrainte à abdiquer la direction du parti après une compétition, cela entraînerait des semaines et des mois d’instabilité et une seconde élection générale, qui en toute probabilité verrait l’arrivée au pouvoir des travaillistes.

Le dimanche, un nouveau sondage a révélé que le Parti travailliste a dépassé de six points les Parti conservateur.

May doit présenter le nouveau programme législatif du nouveau gouvernement au Parlement mardi dans le discours de la Reine. Corbyn a déclaré pendant l’émission de la BBC d’Andrew Marr dimanche que le Parti travailliste était prêt à prendre la tête d’un gouvernement si la reine le jugeait nécessaire, et qu’il allait proposer des amendements au discours de la reine demandant l’adoption de certaines parties du manifeste électoral du Parti travailliste [le discours de la Reine est entièrement rédigé par le gouvernement et indique les grandes orientations politiques].

Les principaux journaux conservateurs qui soutiennent le Brexit insistent sur le fait que May reste à son poste pour empêcher à tout prix l’élection d’un gouvernement travailliste dirigé par Corbyn. Le Sun on Sunday appartenant à Rupert Murdoch a écrit dans son éditorial, « Dans des circonstances normales, le déménagement (de la résidence du premier ministre) aurait déjà été fait après une démission humiliante. Mais ce ne sont pas des circonstances normales […] Chaque député conservateur doit se rappeler, 24 heures par jour, sept jours sur sept, que si le gouvernement tombe, il y a de forte chances que Jeremy Corbyn prenne le relais – et ce serait une catastrophe pour le pays. »

Dans l’autre camp, les factions pro-Remain (rester dans l’UE) de la bourgeoisie font entendre leur voix au travers du Guardian et du Financial Times.

À la suite de l’élection, le Financial Times a écrit dans un éditorial que « l’importance même de ce moment dans l’histoire de la Grande-Bretagne, suggère l’idée d’un gouvernement d’unité nationale, composée de ministres des deux partis. »

Il a suggéré que si une autre élection n’a pas lieu, May pourrait rester en tant que Première ministre, mais aurait « à tenir tête aux pro-Brexits dur dans son propre parti ».

Il a ajouté : « Le Parti travailliste a également la responsabilité d’agir dans l’intérêt du pays », avec le conseil que, « Il est temps pour tous les intéressés de considérer l’intérêt national plutôt que l’intérêt partiel du parti. Mme May a l’obligation de faire ainsi, ou bien de partir. »

Il y a peu de chances que Corbyn aille perdre le soutien dont bénéficie le parti dans la classe ouvrière – ce qui est la principale raison pour laquelle il est utile à la bourgeoisie – en acceptant une coalition avec les conservateurs. L’issue beaucoup plus probable serait une deuxième élection générale qui pourrait être organisée dès l’automne, avec une victoire du Parti travailliste ouvrant la voie à un gouvernement pro-UE avec une majorité travailliste, ou dans une alliance de partis pro-UE tels que le Parti national écossais et les démocrates libéraux.

Corbyn rejette actuellement une telle alliance, mais tout le monde suppose qu’ il se montrera flexible pour le faire. Il cherche déjà une alliance avec la droite blairiste du parti. En réponse à une question de Marr, Corbyn a déclaré qu’il serait disposé à voir les Blairistes pro-UE retourner dans son cabinet fantôme en déclarant : « Je suis la personne la plus généreuse au monde. » Il a ajouté : « Bien sûr, nous allons tendre la main [à la droite travailliste], depuis que je suis devenu le chef j’ai fait ainsi. »

Une alliance avec les blairistes est la préparation politique de Corbyn pour assumer la responsabilité de gouverner au nom du capitalisme britannique. Corbyn a également précisé qu’il sollicite le soutien d’autres partis d’opposition pour ses amendements au discours de la Reine, qui serait à la base d’un gouvernement minoritaire dirigé par lui si l’accord de May avec le DUP échoue. Un tel gouvernement serait une administration brutale anti-classe ouvrière qui jetterait par-dessus bord rapidement la rhétorique de la réforme sociale de Corbyn.

(Article paru en anglais le 12 juin 2017)

 

 

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