Le gouvernement libéral prolonge la participation du Canada dans la guerre au Moyen-Orient jusqu’en 2019

Sans débat parlementaire, et encore moins un vote, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a annoncé le 29 juin la prolongation et l’expansion de la participation du Canada dans la guerre au Moyen-Orient menée par les États-Unis. La décision signifie que jusqu’à 850 membres du personnel militaire canadien continueront à opérer en Irak et au Koweït jusqu’à la fin du mois de mars 2019, assistant Washington dans sa campagne téméraire pour sécuriser sa domination effrénée sur le Moyen-Orient riche en ressources énergétiques.

Le nouveau déploiement donne au chef d'État-major de la Défense, le général Jonathan Vance, la latitude nécessaire pour décider de la composition de la force militaire de 850 membres qui opérera dans la région. L’armée sera également capable de déterminer où les forces vont opérer et avec qui. Quelque 200 membres des Forces spéciales, de nombreux responsables liés à la planification militaire et au renseignement, 50 intervenants du personnel médical et des centaines de membres de l’Aviation royale canadienne ont été impliqués dans le conflit depuis l'expansion par les libéraux au mois de mars 2016 de l’intervention au Moyen-Orient, qu’avait lancée le gouvernement conservateur, mené par Stephen Harper, en septembre 2014.

Des aéronefs de surveillance et de ravitaillement ainsi que des hélicoptères militaires seront déployés au-dessus de la Syrie et de l' Irak. Un avion de transport Hercule va aussi être ajouté.

Le rôle du Canada dans la dernière guerre au Moyen-Orient menée par les États-Unis vise à renforcer son alliance avec Washington, de loin son plus important partenaire économique et militaire, et à assurer qu’Ottawa ait «une place à la table» dans la réorganisation de la région.

Bien que présentée comme une guerre contre l’État islamique, la guerre actuelle découle d’une série de guerres que l’impérialisme américain a menée au Moyen-Orient depuis 1991 et qui a pour objectif principal le renversement du régime syrien soutenu par la Russie et l’Iran.

Les opérations militaires sanglantes de Washington ont détruit des sociétés entières, tuant des millions de gens, et transformant en réfugiés des millions d’autres personnes, en plus d’attiser les flammes du sectarisme ethnoreligieux, alimentant les tensions entre les puissances régionales comme l’Arabie saoudite et l’Iran.

La présence militaire étendue du Canada en Irak ne fera qu’intensifier les tensions ethniques déjà explosives dans le pays. Fait important, le nouveau déploiement permet aux forces canadiennes non seulement de maintenir leur appui aux combattants Peshmerga kurdes, mais également de collaborer avec les forces gouvernementales irakiennes. Plusieurs unités à majorité chiite de ces dernières ont été accusées par des groupes d’aide et de droits de l'homme comme Amnistie internationale d’abus systématiques et répandus envers les droits de l'homme et d’atrocités durant la reconquête de Mossoul, incluant la torture, des exécutions extrajudiciaires et le déplacement forcé de villageois. L’armée et le gouvernement canadien ont fermé les yeux sur des crimes similaires perpétrés par les Peshmerga.

Avec la reconquête rapide des territoires de l’État islamique en Irak, les conflits violents entre les camps sectaires belligérants pourraient bien embraser un conflit plus large. La région riche en pétrole autour de Mossoul, laquelle était principalement une ville sunnite avant l’offensive irakienne, est devenue la cible des forces chiites désireuses d’étendre leur influence et de la milice kurde animée par la perspective d’un Kurdistan indépendant.

Reconnaissant qu’il y a peu d'appui populaire pour que le Canada s’immisce dans une guerre au Moyen-Orient, particulièrement dans une guerre qui risque d’embraser un conflit entre les grandes puissances, les libéraux de Trudeau ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour enterrer leur annonce que la mission des Forces armées canadiennes au Moyen-Orient serait prolongée jusqu’à la fin du mois de mars 2019. L’annonce a été faite dans un communiqué de presse émis après que le parlement s’est ajourné pour l’été et au début du weekend de la fête du Canada.

L’expansion de l’intervention de l’armée canadienne au Moyen-Orient survient tout juste trois semaines après que le gouvernement libéral a annoncé sa nouvelle politique de défense. Il promet que le gouvernement augmentera les dépenses militaires de plus de 70% sur la prochaine décennie, à près de 33 milliards $. Les fonds additionnels seront utilisés pour faire grossir le personnel militaire et acheter du nouvel équipement, incluant une flotte de 88 avions de chasse, 15 nouveaux navires de combat et des drones armés.

Les libéraux, lesquels étaient promus par les syndicats et une variété de groupes de la pseudo-gauche comme une alternative «progressiste» à Harper et ses conservateurs, ont cherché à dissimuler cette militarisation majeure derrière une vague de propagande à propos de la «diversité» du Canada et de son engagement envers la «démocratie» et les «droits de l'homme». Dans un discours livré le jour avant le dévoilement de l’augmentation des dépenses, la ministre aux Affaires étrangères Chrystia Freeland a prétendu que ces «valeurs canadiennes» devaient être défendues avec la «force dure», c’est-à-dire la guerre. Dans la même veine, la nouvelle politique de défense comprend des engagements pour renforcer la «diversité» des forces armées en augmentant le pourcentage de femmes de 15 à 25% sur la prochaine décennie et pour intensifier le recrutement des «minorités visibles», incluant des membres des Premières nations et des immigrants.

Derrière une telle rhétorique, les libéraux cherchent à s’assurer que l’impérialisme canadien ait les moyens pour faire valoir agressivement ses intérêts prédateurs autour du globe. Comme tel, le Canada est profondément impliqué dans les trois principales offensives militaires stratégiques des États-Unis: au Moyen-Orient et contre la Russie et la Chine.

Plus tôt en juin, les libéraux ont silencieusement révélé des plans pour prolonger le mandat de mission d’entraînement des Forces armées canadiennes en Ukraine. Depuis 2015 et, comme le gouvernement l'a récemment annoncé, jusqu’en 2019, 200 soldats canadiens ont été déployés en Ukraine pour entraîner des unités de l’armée et de la Garde nationale pour combattre les séparatistes prorusses à l’est. Sous des directives annoncées en juin, les troupes canadiennes seront autorisées à se déployer partout en Ukraine, sauf dans les zones frontalières russes et sur la ligne de front du combat, une mesure qui étendra de manière significative la zone opérationnelle des Forces canadiennes et qui augmentera la probabilité de devoir combattre.

Les Forces canadiennes ont également occupé la scène le mois dernier à une cérémonie en Lettonie pour marquer le début des opérations par l’un des quatre nouveaux bataillons de l’OTAN «avancés» sur la frontière russe. Quatre-cent-cinquante soldats canadiens fournissent l’infrastructure de base et le commandement pour les bataillons basés en Lettonie, pendant que les États-Unis, l’Angleterre et l’Allemagne dirigent des forces similaires en Estonie, en Lituanie et en Pologne.

Le caractère prédateur de la participation du Canada dans la répartition impérialiste du Moyen-Orient a été souligné le mois dernier lorsque l’establishment politique et médiatique s’est uni pour faire l’éloge d’un tireur d’élite canadien qui a apparemment tiré un militant de l’État islamique d’une distance de 3,5 kilomètres. Pendant que les médias, incluant la CBC d’État, rivalisaient entre eux pour présenter le plus de reportages montrant qu’un Canadien détenait dorénavant le «record» pour le plus long «tir mortel» dans le monde, Trudeau a dit aux reporters que l’action était «quelque chose à célébrer».

Ceci explose l’affirmation bidon des libéraux que le Canada n’est plus impliqué dans des opérations de «combat» en Irak. En réalité, la réorganisation des forces militaires d’Ottawa que Trudeau a annoncée en début d’année 2016, incluant le retrait des six avions de chasse CF-18, a fait que le Canada est maintenant encore plus profondément impliqué dans le combat. Au mois de novembre dernier, Vance a reconnu à un comité parlementaire que les forces spéciales déployées en Irak passaient la plupart de leur temps au front de bataille, ou près de celui-ci, conseillant les Peshmerga et leur venant en aide, et que dans certaines circonstances, elles sont autorisées à déclencher le combat.

Depuis, les troupes canadiennes sont entrées dans la ville de Mossoul, la cible d’un assaut, au cours des derniers mois, des forces irakiennes soutenues par les États-Unis qui a entraîné la mort de milliers de civils.

L'absence d'une quelconque opposition dans l’establishment politique envers l’effusion dégoûtante d'enthousiasme pour la violence de l’armée canadienne démontre que tous les principaux partis sont entièrement derrière cette campagne de guerre. Répondant aux nouvelles de l’«accomplissement» du tireur d’élite, le chef du Nouveau Parti démocratique Thomas Mulcair a dit qu’il était approprié de louanger les prouesses de l’armée canadienne, mais que Trudeau était allé trop loin en encourageant les Canadiens à célébrer la mort d’un autre être humain.

Le NPD a appuyé toutes les interventions militaires impérialistes canadiennes des deux dernières décennies, du bombardement de la Yougoslavie en 1999 et de la guerre en Afghanistan, à l’intervention à Haïti en 2004 pour destituer le président élu du pays et la guerre pour le changement de régime de l’OTAN en Libye.

Le NPD n’a aucune objection fondamentale au déploiement actuel au Moyen-Orient. Bien que le parti ait voté contre l’intervention initiale, il appuie que le Canada fasse partie de la coalition dans la guerre menée par les États-Unis au Moyen-Orient et accepte la prémisse que les forces militaires canadiennes devraient être actives en Irak et en Syrie. Le NPD ne fait qu'exiger que ces interventions soient utilisées pour entreprendre des activités «humanitaires», un langage qui est utilisé pour justifier toute atrocité impérialiste depuis les années 1990.

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[10 juin 2017]

 

 

 

(Article paru en anglais le 3 juillet 2017)

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