La colère monte contre la tentative syndicale de saboter la grève des enseignants de l’Oklahoma

Les enseignants de l’Oklahoma ont réagi avec véhémence à l’appel du syndicat de l’Association de l’éducation de l’Oklahoma (OEA) pour mettre fin à leur grève de deux semaines. Des milliers d’enseignants et leurs sympathisants ont afflué vendredi vers le Capitole de l’État, au lendemain de l’appel du syndicat leur demandant de retourner dans leurs salles de classe.

Après avoir reçu le feu vert de l’OEA pour forcer les enseignants à reprendre le travail, l’administration scolaire de l’État, dont les districts les plus importants, à Oklahoma City, Tulsa et Broken Arrow, a annoncé vendredi qu’elle donnait l’ordre aux enseignants de reprendre le travail lundi.

Des enseignants campent sur la pelouse du Capitole (bâtiment de la législature) vendredi

L’humeur militante des enseignants était exprimée à travers les pancartes qu’ils brandissaient vendredi, où on pouvait lire, « l’OEA ne parle pas en mon nom », « Le mouvement n’a pas commencé avec l’OEA et ne se terminera pas avec l’OEA », et « Nous ne plions pas bagages ». À l’extérieur et à l’intérieur du Capitole, les enseignants ont tenu des réunions spontanées pour discuter de la façon de maintenir leur débrayage la semaine prochaine.

« Les syndicats ne veulent pas d’un tollé populaire et ils essaient de saboter cette lutte », a déclaré Misty, une jeune enseignante de la région d’Oklahoma City, au World Socialist Web Site. « Les enseignants de Louisiane et d’autres États cherchent un moyen de se battre, et ils devraient être mobilisés avec nous. Les syndicats et les médias ne veulent pas que les enseignants du reste du pays soient informés de notre combat en Oklahoma, et ils ne veulent pas que nous sachions ce qui se passe ailleurs aux États-Unis. »

Les enseignants ont profité de la manifestation de vendredi pour s’opposer à l’ordre de reprendre le travail donné par l’OEA

Les enseignants ont débrayé le 2 avril pour demander une augmentation de salaires et le rétablissement du financement de l’éducation après des décennies de compressions budgétaires. La grève, initiée par des enseignants de la base utilisant les médias sociaux, intervient après la grève de neuf jours des enseignants de Virginie occidentale, des grèves d’une journée dans des établissements de Puerto Rico et de Jersey City au New Jersey, et des appels aux débrayages d’enseignants au Kentucky, en Arizona et dans d’autres États.

Vendredi également, des milliers d’enseignants, d’autres personnels scolaires, de travailleurs du secteur public et de sympathisants sont descendus sur le Capitole à Frankfort, au Kentucky, pour défendre leurs retraites. Face à des demandes croissantes de grève à l’échelle de l’État, l’Association de l’éducation du Kentucky (KEA) a appelé à une « journée d’action », précisant qu’il ne s’agissait pas d’une grève et que seuls les enseignants en mesure d’y participer « légalement » devaient le faire. De nombreux enseignants ont défié l’ordre de la KEA, déclarant avec colère sur les médias sociaux qu’ils resteraient en grève jusqu’à ce que leurs revendications l’emportent.

Un groupe d’enseignants grévistes

Les syndicats Association nationale pour l’éducation (AEN), Fédération américaine des enseignants (AFT) et leurs branches dans chaque État font tout leur possible pour empêcher la convergence des luttes des énseignants dans le pays contre l’assaut bipartite sur l’éducation publique, qui a été aidé et encouragé par syndicats. Dans un article du New York Times déclarant la fin de la grève en Oklahoma, le président de l’AFT, Randi Weingarten, a exprimé l’espoir que la colère des enseignants pourrait être récupérée au profit d’une campagne pour faire élire les démocrates aux élections de 2018.

Vendredi, la présidente de l’OEA, Alicia Priest, était la principale intervenante lors d’un événement parrainé par le Parti démocrate du comté de Tulsa. Elle a justifié la trahison des enseignants en disant que rien ne pouvait être fait pour défier la législature contrôlée par les républicains, sauf voter en faveur des démocrates en novembre.

Les démocrates, cependant, se sont avérés être un ennemi aussi impitoyable des enseignants et de l’éducation publique que les républicains. En Oklahoma, l’ancien gouverneur Brad Henry, un démocrate, avait réduit les impôts sur les plus-values et sur les revenus des riches et procédé à de profondes coupes budgétaires dans le financement de l’État, ouvrant la voie à l’actuel gouverneur républicain Mary Fallin.

À l’échelle nationale, le gouvernement Obama a supervisé l’élimination des emplois de quelque 300 000 enseignants et autres personnels scolaires et procédé à une vaste expansion des établissements privés sous contrat à but lucratif, alors même qu’il distribuait des milliers de milliards de dollars pour renflouer les banques de Wall Street. Le président Trump et sa secrétaire à l’éducation, la milliardaire Betsy DeVos, intensifient maintenant l’attaque contre l’éducation publique.

Les actions du syndicat ont provoqué une vague de colère parmi les enseignants. Misty nous a déclaré : « J’ai parlé à Alicia Priest, la présidente de l’OEA, mercredi après que l’OEA a dit que nous avions obtenu 95 pour cent de nos revendications. Elle a dit que nous avions fait du bon travail. Je soupçonnais qu’ils allaient dire : "Nous en avons fini avec la grève ". Jeudi, je me suis approchée du stand OEA vers midi et je leur ai demandé s’ils comptaient arrêter de soutenir la grève. Ils ont dit : "Absolument pas. Nous continuerons cette grève ". À 16 heures, Priest tenait une conférence de presse pour arrêter la grève. »

« Je ne suis pas membre de l’OEA parce qu’elle ne ferait rien pour me protéger. Ce n’est pas un syndicat pour les enseignants, comme ils aiment se décrire eux-mêmes. C’est une entreprise, et ils l’ont confirmé une fois de plus. »

Un professeur d’Oklahoma City avec de nombreuses années d’expérience a ajouté : « Les enseignants du Massachusetts nous parlent de débrayer en se passant du syndicat. Les enseignants sont du genre à respecter les règles. Nous avons essayé de travailler avec les législateurs et de laisser les syndicats parler en notre nom, mais rien n’a arrêté ces compressions budgétaires. Nous avons décidé de ne plus supporter cela. »

La Fédération américaine des enseignants d’Oklahoma City, qui, comme l’OEA, s’est opposée à la grève depuis le début, a reconnu vendredi qu’un sondage qu’elle avait réalisé montrait un soutien massif pour la poursuite de la grève. Malgré cela, les responsables des établissements scolaires du plus grand district de l’État ont annoncé vendredi soir qu’ils allaient ouvrir leurs établissements lundi matin.

Expliquant pourquoi elle était encore en grève, Rachel, enseignante en école primaire, a dit au WSWS : « Mon seul souci ce sont mes élèves. Hier soir, quand Alicia Priest a annoncé que l’OEA nous abandonnait et essayait de nous faire arrêter ce débrayage, tout ce à quoi je pouvais penser, c’était de retourner dans ma classe et de faire face à ces 42 yeux en disant : "Ça ne vaut pas le coup". Parce qu’ils en valent la peine. »

Jerry White prend la parole à l’assemblée des enseignants

« Je serai là tous les jours pour les défendre, écrire des courriels, tout ce qu’il faut pour garantir qu’ils aient l’éducation qu’ils méritent. Ils méritent de nouveaux manuels, ils méritent des fonds, ils méritent du matériel. Et les enseignants le méritent également, afin que nous puissions être les enseignants les plus efficaces possibles et de pouvoir offrir à nos élèves tout ce qu’ils méritent. »

Interrogée sur les enseignants d’autres États, notamment le Kentucky, l’Arizona et la Virginie occidentale, qui se mobilisent en revendiquant de meilleurs salaires et de meilleurs financements, Rachel a répondu : « Je pense que cela montre qu’en Oklahoma et partout dans le pays, les enseignants se soulèvent pour dire qu’ils en ont assez, que les élèves sont maintenant plus importants et que nous allons faire tout ce qu’il faut pour s’assurer qu’ils obtiennent ce qu’ils méritent. Je me sens inspirée que des enseignants comme moi s’élèvent dans leurs États contre leurs législateurs. »

Des centaines d’enseignants se sont rassemblés à l’intérieur du Capitole pendant la manifestation de vendredi pour une réunion afin de discuter de leurs revendications et de la marche à suivre. La réunion était organisée par Alberto Morejon, un enseignant à Stillwater, Oklahoma, qui a lancé la page Facebook « Débrayage des enseignants de l’Oklahoma – C’est le moment ! » qui a rapidement réuni 70 000 inscrits.

Les enseignants à l’intérieur du Capitole discutent de la voie à suivre dans la grève

Aux applaudissements des enseignants, Morejon a déclaré : « Ce sont les enseignants qui l’ont commencé et ça ne se terminera pas avant que les enseignants le disent. » Cependant, il n’a présenté aucune stratégie viable pour aller de l’avant dans la lutte, disant plutôt que les enseignants et les parents devraient continuer à faire pression sur les élus de l’État qui sont contrôlés par de puissants intérêts des grandes entreprises, dont l’industrie pétrolière et gazière, lesquelles sont déterminées à priver l’éducation publique de financement pour pouvoir financer les réductions d’impôts sur les sociétés.

Morejon a dit aux enseignants que si leurs établissement ouvraient à nouveau lundi, ils devraient faire appel à leurs directeurs pour permettre à quelques enseignants-délégués d’aller au Capitole pour continuer à « faire du lobbying ». De nombreux enseignants ont déclaré qu’ils ne voulaient pas que l’éducation soit financée par des impôts dégressifs qui frappent surtout les familles ouvrières, sans parler des autres compressions budgétaires sur les services essentiels comme les soins psychiatrique.

Au cours de la discussion, l’auteur de cet article est intervenu pour déclarer que l’action la plus puissante des enseignants de Virginie occidentale a été l’instant où ils ont défié l’ordre de reprendre le travail donné par les syndicats, et que les enseignants de l’Oklahoma devraient faire de même. Les enseignants ont crié leur soutien à l’appel pour mobiliser les enseignants du Kentucky, de l’Arizona et d’autres États et à préparer une grève générale des enseignants et de tous les travailleurs en une lutte politique contre les démocrates et les républicains.

Pour que la lutte en Oklahoma ne subisse pas une défaite, les enseignants doivent élire des comités de base dans chaque établissement et chaque commune, non pas pour « faire pression » sur les politiciens achetés et corrompus, mais pour mobiliser le plus large soutien de la classe ouvrière contre toute tentative de les réprimer.

La lutte en Oklahoma sera considérablement renforcée par l’établissement d’un réseau de comités de base à travers le pays pour préparer une grève nationale pour défendre l’éducation publique contre les deux grands partis du patronat, qui gaspillent des milliards de dollars en réductions d’impôts pour les entreprises et en nouvelles guerres toujours plus sanglantes.

(Article paru en anglais le 14 avril 2018)

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