Après les frappes de Macron en Syrie, les blocages des universités s’étendent

La contestation contre le projet d’Orientation et réussite des étudiants, adopté par le Sénat et l’Assemblée mi-février, s’étend, poussée par la détermination de Macron à faire passer ses réformes et aussi le danger d’une guerre contre la Russie après le bombardement de la Syrie.

L’Assemblée et le Sénat ont adopté le projet de loi ORE à la mi-février, en votant en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. Prétendant mettre fin aux couacs de l’été dernier, qui avaient vu 65 000 bacheliers sans affectation à la rentrée, la nouvelle plateforme d’admission post-bac baptisée Parcousup suscite la colère des jeunes et des enseignants. Ils considèrent le projet de loi ORE à juste titre comme un outil pour imposer la sélection et renforcer les inégalités.

Le conflit contre la loi ORE s’est développée en une lutte plus large contre Macron, alors que les cheminots se mobilisent contre la casse de leur statut, et que Macron a défendu ses frappes non provoquées en Syrie – qui menaçaient de provoquer une guerre avec a Russie – dans deux entrevues sur TF1 et BFMTV. Il y a promis de continuer sa politique sans s’inquiéter de l’opinion.

Une vingtaine de sites universitaires sont bloqués, dont six totalement. À Rennes, l’université de Rennes 2 est bloquée depuis une semaine et ont reconduit le blocage jusqu’au 30 avril. À Montpellier, l’université Paul-Valéry est sous tension. La semaine dernière, des opposants auraient saboté les serveurs informatiques pour empêcher la tenue des examens.

A Paris, les facs de Tolbiac, Clignancourt et Saint Denis sont bloquées. Lundi, la maison des sciences économiques, le centre Malher, l’Institut de géographie, le centre René-Cassin et le Centre 17 rue de Tolbiac étaient fermés. A Nanterre, où les CRS sont intervenus le 9 avril pour tenter de casser le blocage, la quasi-totalité de l’université était bloquée et les étudiants ont voté pour prolonger le blocage mardi, les partiels qui devaient se tenir ayant été reportés.

À Toulouse, des étudiants continuent d’occuper l’université Jean-Jaurès, dite du Mirail. Le conflit s’est étendu dans le quartier ouvrier du Grand Mirail, où des affrontements ont lieu entre les jeunes et les forces de l’ordre depuis plusieurs jours. La ville et la préfecture étudient «les conditions juridiques pour établir un arrêté de couvre-feu qui viserait les personnes mineures dans le périmètre des quartiers où ont lieu les violences urbaines».

Face à la montée du mouvement, les élites dirigeantes essaient de discréditer par la calomnie les étudiants afin de justifier l’intervention violente des forces de l’ordre. Le président de l’université Panthéon Sorbonne, Georges Haddad demande l’intervention des forces de l’ordre: «J’ai du mal à le décrire tellement je suis consterné par l’état du centre, un vrai capharnaüm. La violence, la drogue, le sexe même.» Interrogé sur des rumeurs qu’il y aurait des cas de prostitution dans les universités bloquées, il a affirmé: «c’est vrai, il se passe des choses indignes».

D’autres présidents d’universités demandent eux aussi l’intervention des CRS. «Il faut maintenant que l’État prenne les responsabilités qui lui reviennent», a déclaré le président de l’université de Montpellier, Patrick Gilli. Fin mars, des étudiants y avaient été violemment délogés d’un amphithéâtre par des hommes cagoulés munis de bâtons et protégés par le service d’ordre de la fac.

Face à la répression qui se prépare contre les étudiants bloquant les universités, les étudiants n’ont d’autre choix que de se tourner vers la classe ouvrière. Il y a 50 ans, la répression des manifestations d’étudiants en mai 1968 a provoqué la grève générale, le plus grand mouvement révolutionnaire en Europe depuis la révolution d’octobre 1917 et la prise du pouvoir par la classe ouvrière sous la direction des Bolchéviks en Russie.

La classe ouvrière hissant le drapeau rouge sur leur lieux de travail ont ébranlé le capitalisme français et le régime du Général De Gaulle qui n’a pu s’en sortir que par la trahison du PCF qui a refusé de prendre le pouvoir ; il a négocié des concessions partielles pour les travailleurs, afin de mettre fin au mouvement des travailleurs et des jeunes.

En 2018, la crise objective du capitalisme mondial est bien plus profonde que lors de cette dernière grande expérience révolutionnaire de la classe ouvrière en France. Un quart de siècle depuis la dissolution de l’URSS par les staliniens, l’immense croissance des inégalités sociales, la destruction des droits démocratiques et, surtout, la marche vers la guerre mondiale à travers le Moyen Orient et l’Eurasie minent la stabilité du régime capitaliste. Macron se moque de l’opinion et jure de ne faire aucune concessions aux travailleurs, comme il l’a souligné dans ses entrevues télévisuelles.

De l’autre, comme en 1968, la radicalisation croissante des travailleurs et des jeunes se traduit par une mobilisation internationale. Les grèves des métallos allemands et turcs, les mobilisations des cheminots et les manifestations anti-guerre en Grande-Bretagne, et les grèves des enseignants et la mobilisation des lycéens indiquent toutes la puissance du mouvement international de la classe ouvrière qui commence.

Le gouvernement Macron compte sur les milliards qui seraient économisés dans le cadre de la loi ORE, de la privatisation de la SNCF, et des attaques sur les conventions collectives ainsi que sur les chômeurs et les retraités pour dégager des centaines de milliards d’euros. Il a annoncé sa volonté de dépenser 300 milliards d’euros à l’horizon 2024 sur les forces armées. Pour financer la guerre et l’élimination de l’Impôt sur la fortune, il s’agit pour Macron d’achever la casse de tous les acquis dont jouissait la population en 1968.

La convergence des travailleurs et des étudiants ne se fera pas à travers les organisations syndicales et les partis politiques proches du PS et du milieu petit-bourgeois issu du mouvement étudiant de 1968. De nombreux ex-dirigeants étudiants de l’époque, tels que Daniel Cohn-Bendit et Romain Goupil, sont ouvertement alignés sur Macron. Macron compte sur eux, ainsi que sur les syndicats de cheminots qui ne donnent aucune perspective aux grèves, pour démobiliser les masses, et permettre ainsi à l’État policier établi par le PS à pourrir l’opinion et étouffer la contestation.

Le mouvement qui se profile exige une nouvelle perspective révolutionnaire et une nouvelle direction politique internationale. C’est dans cette perspective que le Comité international de la Quatrième Internationale appelle à la construction de ses sections, les Partis de l’égalité socialiste, en France et à travers l’Europe, ainsi que son mouvement de jeunes, les International Youth and Students for Social Equality.

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