Les travailleurs d’Alcoa au Canada et en Australie font face à la même offensive patronale

Quelque 1500 travailleurs de la société d’aluminium américaine Alcoa en Australie occidentale sont en grève indéterminée depuis le 8 août pour s’opposer à la tentative de la compagnie de couper massivement dans les salaires et les conditions de travail.

Pendant ce temps, plus de 1000 employés de l’Aluminerie de Bécancour Inc. (ABI) au Québec sont en conflit de travail depuis plus de huit mois avec la même compagnie. ABI, une co-entreprise majoritairement contrôlée par Alcoa, a mis ses employés en lock-out en janvier dernier après que ces derniers aient rejeté les demandes de concessions patronales.

Les travailleurs d’Alcoa au Canada, en Australie et à travers le monde font face à trois questions politiques clés.

Premièrement, la grève des travailleurs australiens démontre que la décision d’ABI de mettre ses employés en lock-out au Québec n’est pas un geste isolé mais fait partie d’une campagne tous azimuts de l’entreprise pour attaquer les acquis de sa main-d’œuvre partout à travers le monde.

Deuxièmement, les travailleurs d’Alcoa font face à des appareils syndicaux pro-capitalistes qui adoptent la même stratégie nationaliste qui mène leur lutte dans un cul-de-sac. Autant le Syndicat des Métallos que l’Australian Workers Union (AWU) isolent la lutte des employés d’Alcoa du reste de leurs dizaines de milliers de membres pour empêcher celle-ci de devenir le catalyseur d’un mouvement plus large de toute la classe ouvrière contre l’austérité capitaliste.

Les syndicats ont avoué avoir fait des concessions à l’employeur. Dans le cas des Métallos, au lieu de lutter pour mobiliser l’appui des travailleurs, ils ont fait appel aux actionnaires de la compagnie et aux politiciens, ceux-là même qui imposent l’austérité à la classe ouvrière. Les dirigeants des Métallos présentent le lock-out essentiellement comme un malentendu plutôt qu’une offensive globale de la transnationale.

Dans le cas de l’Australie, le syndicat a longtemps repoussé l’idée d’une grève, appelant plutôt à des débrayages sporadiques et limités pour faire pression sur l’entreprise pendant les négociations collectives. Les chefs syndicaux ont été forcés de déclencher la grève lorsque la compagnie a décidé de rompre les discussions et menacé d’imposer, grâce à un mécanisme réactionnaire qu’on retrouve dans les lois australiennes du travail, des contrats nettement inférieurs aux conventions collectives négociées par un retour aux conditions «de base» de l’industrie.

Troisièmement, les deux conflits de travail montrent la nécessité pour les travailleurs d’Alcoa d’unir leurs luttes et de faire appel aux autres sections de la classe ouvrière au Canada, en Australie et partout dans le monde, qui font face aux mêmes transnationales et à une élite dirigeante déterminée à éliminer les emplois, les salaires et les conditions de vie des travailleurs pour augmenter ses profits.

ABI exige l’élimination du régime de retraite à prestations définies et son remplacement par un régime qui serait entièrement financé par les travailleurs. Elle demande également, au nom d’une plus grande «flexibilité» du travail, la quasi-élimination du droit d’ancienneté. Dans le contexte où le Syndicat des Métallos et sa section locale 9700 refusent de mobiliser les travailleurs en défense des employés d’ABI et essoufflent la lutte, la transnationale a récemment exigé encore plus de concessions et parle maintenant de sabrer 20 pour cent de la main-d’œuvre, soit plus de 200 emplois.

Comme en Australie, Alcoa a justifié ses demandes draconiennes à Bécancour en évoquant la «compétition mondiale» et la nécessité d’augmenter la «productivité». Les immenses avancées en matière de transport, communications et technologies de l’information ont permis des économies d’échelle et une intégration sans précédent de la production à l’échelle mondiale. Mais sous le capitalisme, ces avancées sont utilisées par chaque classe dirigeante pour obtenir un avantage sur ses rivales par un nivellement des conditions de travail vers le bas. Alors que la grande entreprise parcourt le globe à la recherche de main-d’oeuvre à bon marché en dressant les travailleurs d’un pays contre ceux des autres pays, elle peut compter sur le plein appui des syndicats qui divisent les travailleurs et les subordonnent aux impératifs des marchés.

Cela est démontré de manière limpide par la réponse du Syndicat des Métallos et de toute la bureaucratie syndicale canadienne aux négociations sur l’ALÉNA et au tournant protectionniste de Washington visant à contrer le déclin prolongé du capitalisme américain aux dépens de ses rivaux. Les syndicats québécois et canadiens sont foncièrement opposés à la lutte pour l’unité internationale des travailleurs contre toutes les factions de la classe dirigeante, lesquelles se disputent pour le partage du butin généré par l’exploitation accrue de la classe ouvrière mondiale. Les chefs syndicaux s’allient plutôt à l’élite dirigeante canadienne et déclarent que le fardeau de la crise capitaliste mondiale doit être porté par les travailleurs au Mexique, en Chine et ailleurs.

Agissant en partenaires de la grande entreprise, les syndicats canadiens, avec en tête Unifor et les Métallos, appuient fermement la campagne contre la Chine. Les Métallos ont accueilli les tarifs sur l’acier et l’aluminium imposés unilatéralement par l’administration Trump, tout en soulignant que le Canada devrait être exempté des pays ciblés. Le président des Métallos Leo Gerard a fait écho à Trudeau en vantant le rôle vital de l’aluminium et de l’acier produits au Canada dans la fabrication des avions de guerre et des tanks américains. Il a insisté du même souffle que le Canada et les États-Unis devraient plutôt s’allier contre la Chine et d’autres rivaux économiques et politiques.

De manière similaire, les syndicats australiens, y compris l’Australian Workers Union, alimentent depuis des années la campagne contre la Chine dans le but de favoriser la grande entreprise australienne et de diviser la classe ouvrière sur des lignes nationales et ethniques.

La lutte actuelle des travailleurs d’Alcoa, y compris chez ABI, fait partie d’une rébellion grandissante parmi la classe ouvrière internationale, qui cherche à s’opposer aux programmes d’austérité de l’élite dirigeante et aux attaques incessantes sur leurs conditions de vie. Ce qui est indispensable est une toute nouvelle stratégie.

L’opposition à l’offensive d’Alcoa ne peut aller de l’avant que si les travailleurs prennent le contrôle de leur propre lutte. De nouvelles organisations de lutte, y compris des comités indépendants de la base, doivent être formées pour résister aux tentatives des Métallos et l’AWU de torpiller l’opposition des travailleurs. De tels comités devraient se tourner vers d'autres sections de travailleurs en Australie, au Canada, en Chine et au niveau international pour mener une contre-offensive impliquant l'ensemble de la classe ouvrière en défense des emplois, des salaires et des services publics.

Une telle organisation exige une nouvelle perspective politique, visant à établir un gouvernement ouvrier qui placerait les industries essentielles, y compris les mines et les ressources, ainsi que les banques et les entreprises, sous la propriété publique et le contrôle démocratique des travailleurs.

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