Le président équatorien évoque à nouveau des mesures visant à revenir sur l’asile de Julian Assange

Dans un entretien accordé à la radio le 6 décembre, le président Lenín Moreno a effectivement demandé à l’éditeur de WikiLeaks Julian Assange de quitter l’ambassade d’Équateur à Londres. Assange s’était vu accorder l’asile politique par l’ambassade équatorienne en 2012, parce qu’il risquait d’être poursuivi aux États-Unis en représailles de la publication par WikiLeaks d’informations confidentielles révélant des crimes de guerre et des complots diplomatiques, des activités de renseignement et des intrigues politiques.

Faisant allusion à la possibilité qu’il renierait la protection fournie à Assange par son prédécesseur, Rafael Correo, Moreno a déclaré : « Je n’aime pas la présence de M. Assange à l’ambassade d’Équateur. »

Moreno a affirmé que la Grande-Bretagne lui avait donné la « garantie » qu’Assange ne serait pas extradé s’il risquait la peine de mort. « La voie est libre », a déclaré Moreno, « pour que M. Assange prenne la décision de partir dans une quasi-liberté. »

La « quasi-liberté » qui se présenterait à Assange s’il sortait de l’ambassade serait l’arrestation immédiate et l’emprisonnement par les autorités britanniques. Il serait poursuivi pour avoir enfreint les conditions de sa liberté sous caution alors qu’il se livrait à une bataille judiciaire contre un mandat suédois d’extradition pour répondre à des allégations montées de toutes pièces et finalement abandonnées selon lesquelles il aurait commis des infractions sexuelles en Suède. Sa détention dans une cellule de prison britannique permettrait aux États-Unis de demander son extradition.

Entre novembre 2010 et juin 2012, les tribunaux britanniques ont à plusieurs reprises rejeté la défense présentée par les avocats d’Assange, selon laquelle le mandat suédois n’était qu’un prétexte pour rendre le rédacteur en chef de WikiLeaks à un pays où il serait emprisonné dans des conditions sévères pendant que son extradition vers les États-Unis serait organisée.

Au cours de cette longue bataille juridique, Assange, citoyen australien, s’est vu refuser le soutien que les autorités australiennes étaient tenues de fournir. Au lieu de cela, le gouvernement travailliste de l’époque s’aligna complètement sur Washington et le dénonça comme un criminel. Il a refusé de lancer la campagne diplomatique et juridique internationale nécessaire contre son traitement et de garantir son droit immédiat et inconditionnel de retourner en Australie. Dans ces conditions, Assange a demandé l’asile à l’Équateur.

Les conditions économiques et géopolitiques ont changé depuis et Moreno, au nom de l’élite capitaliste équatorienne, a pris des mesures pour rétablir les relations avec l’impérialisme américain. En échange, il est prêt à donner Assange en pâture aux lions. En mars de cette année, son gouvernement a considérablement intensifié les pressions sur Assange pour qu’il quitte les lieux en lui coupant toute possibilité de communiquer avec le monde extérieur et en le privant de toute visite par ses amis en dehors de ses représentants légaux.

Pris au pied de la lettre, les déclarations de Moreno suggèrent qu’il est plus que prêt à accepter l’extradition d’Assange aux États-Unis, qui risque d’être condamné à des décennies, voire à l’emprisonnement à vie, pour avoir publié des fuites qui permettent au monde de connaître la vérité. La prétendue « garantie » britannique sur la peine de mort n’était pas une concession dans l’affaire Assange, mais simplement une reformulation de sa politique de longue date.

Depuis juin 2012, le gouvernement britannique a maintenu qu’il arrêterait Assange s’il quittait le petit immeuble de l’ambassade pour une raison quelconque. Il a été condamné à ce que l’ONU a qualifié de « détention arbitraire », privé de la lumière directe du soleil et des soins médicaux et dentaires nécessaires.

Barry Pollack, un représentant légal de WikiLeaks, a rejeté la position de Moreno et la prétendue « garantie » britannique. Pollack a déclaré au Telegraph britannique : « La suggestion selon laquelle tant que la peine de mort est écartée, M. Assange n’a pas à craindre la persécution est manifestement fausse. Personne ne devrait être poursuivi pénalement pour avoir publié des informations véridiques. Puisque de telles accusations semblent avoir été retenues contre M. Assange aux États-Unis, l’Équateur devrait continuer à lui fournir l’asile. »

La lutte pour la liberté de Julian Assange est une question de principe politique fondamental. Quiconque refuse de le défendre ne peut revendiquer de manière crédible la volonté de faire respecter les droits démocratiques acquis au cours de siècles de lutte contre le despotisme et qui ont été étendus et élargis à travers les luttes de masse de la classe ouvrière internationale.

Le gouvernement australien, dirigé depuis septembre 2013 par la coalition conservatrice du parti libéral-national, n’a jamais abandonné sa collaboration éhontée dans la persécution d’un de ses propres citoyens. Cette année, le gouvernement de coalition et l’opposition travailliste ont ignoré la demande formulée lors de la manifestation du 17 juin à Sydney par le Parti de l’égalité socialiste, où John Pilger a prononcé un discours exigeant que l’Australie intervienne juridiquement et diplomatiquement pour Assange.

De plus, des publications dans les médias, les Verts, des députés soi-disant « indépendants », des syndicats et des organisations pseudo-gauchistes, qui ont tous déclaré jadis qu’il était essentiel de défendre Julian Assange, ont rejoint les travaillistes et la coalition dans la vendetta. Pendant des années, ils ont aidé à la persécution d’Assange et à l’attaque plus large contre les droits démocratiques, en gardant le silence et en abandonnant toute action visant à obtenir sa liberté.

Les positions pro-impérialistes et la perfidie du milieu australien des ex-libéraux et de l’ancienne gauche sont reproduites par leurs homologues du monde entier.

Aux États-Unis, les DSA (socialistes démocrates d’Amérique), l’Organisation socialiste internationale et d’autres formations pseudo-gauchistes suivent la ligne du parti démocrate et des agences de renseignement américaines qui dénoncent Assange comme un « agent russe » parce que WikiLeaks a publié des fuites au cours de l’élection de 2016, qui ont souligné le caractère de droite, anti-classe ouvrière d’Hillary Clinton et sa campagne pour la présidence.

En Grande-Bretagne, l’autoproclamé homme de « gauche » Jeremy Corbyn n’a jamais répété ses déclarations initiales de soutien à Assange depuis qu’il a assumé son rôle de dirigeant du parti travailliste. Le gouvernement de Theresa May n’aurait pas été en mesure de poursuivre ses menaces d’arrêter l’éditeur de WikiLeaks et de le livrer à l’administration Trump, sans le soutien tacite de Corbyn.

Partout en Europe, les divers partis de pseudo-gauches, de Syriza en Grèce à Podemos en Espagne, en passant par le parti de gauche en Allemagne et La France insoumise, ne disent rien sur les atteintes à la liberté des médias, la censure des voix d’opposition sur Internet et la persécution d’Assange et WikiLeaks.

Le silence complice est d’autant plus pernicieux maintenant. Le mois dernier, un document d’un tribunal américain a révélé par inadvertance que le ministère de la Justice avait déposé et scellé des accusations non spécifiées contre Assange, accusations qu’Assange et ses défenseurs ont présenté dès le début comme constituant la question centrale. La calomnie à propos d’infractions sexuelles et sur les révélations concernant la campagne de Clinton ne sont que des prétextes pour détruire WikiLeaks, intimider et terroriser tous les médias indépendants et les éventuels lanceurs d’alerte qui pointent la criminalité des gouvernements et de la grande entreprise.

Le dimanche 16 décembre, le Socialist Equality Party (Parti de l’égalité socialiste) en Australie tiendra une réunion publique, diffusée partout dans le monde via Facebook, pour présenter et discuter de la prochaine étape de la campagne visant à garantir la liberté inconditionnelle d’Assange, y compris son droit de retourner en Australie si tel est son choix, avec une garantie de protection contre toute extradition aux États-Unis.

À voir aussi l’article en anglais :

SEP meeting and livestream on December 16 : What next in the fight to free Julian Assange ?

(article paru en anglais le 7 décembre 2018)

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