L’importance internationale de la grève des travailleurs des plantations au Sri Lanka

La récente grève illimitée menée par des dizaines de milliers de travailleurs des plantations au Sri Lanka est une leçon politique vitale pour la classe ouvrière internationale.

Les travailleurs des plantations de thé et de caoutchouc du Sri Lanka sont l’une des couches les plus opprimées de la classe ouvrière de cette île. Suite à une vague d’hostilité et d’opposition, le principal syndicat du pays, le Ceylon Workers Congress (CWC), a été contraint de déclencher une grève le 4 décembre pour exiger un doublement du salaire journalier de 500 à 1000 roupies, ce qui n’équivaut qu’à un maigre 5,60 $US.

La grève des travailleurs des plantations au Sri Lanka s’inscrit dans le cadre de la rapide résurgence de la lutte des classes tant sur l’île, qu’en Asie méridionale et ailleurs au niveau international. Au même moment où les travailleurs des plantations protestaient dans les domaines du centre du Sri Lanka, les manifestations des «gilets jaunes» se déroulaient dans les rues de Paris et d’autres villes contre la taxe sur les carburants et la baisse du niveau de vie.

En Inde, les travailleurs de l’automobile ont récemment déclenché une grève dans l’État du Tamil Nadu. Au Canada et aux États-Unis, après les grèves générales des enseignants survenues plus tôt cette année, le militantisme des travailleurs de l’automobile ne cesse maintenant de s’accentuer à la suite de l’annonce par GM de fermetures d’usines et de la destruction de près de 15.000 emplois.

Cette recrudescence rapide d’une rébellion des travailleurs à l’échelle internationale est une confirmation frappante de l’analyse faite par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) et le World Socialist Web Site (WSWS) en tout début d’année qui prévoyait un tel mouvement.

Comme cela a si souvent été le cas au XXe siècle, les événements survenus sur la petite île du Sri Lanka, située au large de la pointe sud de l’Inde, s’avèrent une fois de plus un signe avant-coureur des processus économiques, politiques et sociaux qui surviennent dans le monde. Les leçons politiques tirées de la grève des travailleurs des plantations sont directement liées aux luttes des travailleurs à l’échelle internationale.

Comme en France et aux États-Unis, la lutte dans les plantations sri-lankaises a éclaté en rébellion contre les syndicats. Le CWC n’a en effet déclenché la grève que parce qu’il était confronté à la perspective de grèves sauvages de la part de travailleurs qui ne peuvent tout simplement pas survivre avec leurs salaires actuels. Lorsque les autres syndicats – le National Union of Workers (NUW), le Democratic People’s Front (DPF) et le Upcountry People’s Front (UPF) – se sont opposés à la grève, leurs membres ont tout simplement ignoré les directives de leurs syndicats et ont cessé de travailler.

Le CWC n’a pas la moindre intention de mener une lutte politique et industrielle militante contre les plantations qui s’opposent catégoriquement à toute concession aux travailleurs ou au gouvernement. Le CWC a agi à maintes reprises comme une véritable force de police de l’industrie contre les travailleurs, faisant écho au cri de ces entreprises des plus rentables qui prétendent ne pouvoir permettre la moindre augmentation de salaire par crainte de nuire à l’industrie sri-lankaise du thé qui doit rester «compétitive au niveau international».

Membres du comité d’action du domaine Abbotsleigh votant pour la tenue d’une réunion

La méfiance et le mépris généralisés des travailleurs des plantations à l’égard de leurs syndicats se sont renforcés avec des décennies de trahisons se succédant les unes après les autres. C’est pourquoi qu’en pleine grève, les travailleurs du domaine Abbotsleigh à Hatton ont franchi un pas audacieux en formant leur propre comité d’action indépendant de leur syndicat, sous la direction politique du Parti de l’égalité socialiste (Socialist Equality Party – SEP), la section sri-lankaise du CIQI.

Le 7 décembre, les travailleurs d’Abbotsleigh ont organisé leur propre manifestation et défilé pendant trois heures pour se rendre à la ville de Hatton. Scandant des slogans, ils ont manifesté pancartes en mains exigeant un salaire mensuel de 40.000 roupies plutôt qu’un salaire journalier, et appelant les autres travailleurs à former eux aussi des comités d’action indépendants. Les manifestants ont également fait appel à la classe ouvrière internationale, avec les mots d’ordre de «Libération immédiate des travailleurs de Maruti-Suzuki emprisonnés en Inde!» et de «Soutien aux travailleurs de General Motors luttant contre les fermetures d’usines!»

Leur appel à la lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan et des politiques socialistes s’oppose directement au CWC et aux autres syndicats des plantations liés aux deux principaux partis capitalistes de l’île, le United National Party (UNP) et le Sri Lanka Freedom Party (SLFP).

La grève dans les plantations s’est déroulée dans un contexte d’immense crise politique à Colombo après que le Président Sirisena ait limogé inconstitutionnellement Ranil Wickremesinghe le 26 octobre dernier et installé l’ancien Président Mahinda Rajapakse du SLFP comme Premier ministre. La peur du mouvement croissant de la classe ouvrière sur l’île a été un facteur important dans la reconduction du mandat de Wickremesinghe dimanche, après des semaines d’âpres querelles entre fractions politiques qui ont discrédité encore plus la mince façade de la démocratie parlementaire.

C’est la même crainte qui a poussé le CWC à mettre fin à la grève le 12 décembre, après la tenue de pourparlers à huis clos avec le président Maithripala Sirisena et une vague promesse qu’il réglerait le conflit salarial. Cette trahison abjecte et cynique a provoqué une éruption de protestations et de colère dans les districts des plantations. Après deux jours, les travailleurs sont retournés au travail en protestant, mettant toutefois fin à leur grève.

Ce qui manquait, ce n’était pas la détermination de lutter – ce dont les travailleurs des plantations ont fait preuve en abondance – mais bien les moyens organisationnels pour poursuivre la lutte, et surtout une perspective politique pour combattre les mensonges et les subterfuges des syndicats et des partis au service de la classe dominante et du système capitaliste qu’ils défendent tous. En d’autres termes, les travailleurs doivent mener une lutte révolutionnaire sur la base d’un programme socialiste et internationaliste. Il n’y a en effet pas d’autre moyen de défendre ne serait-ce même que les nécessités les plus élémentaires de la vie, car tout ce que les travailleurs des plantations exigeaient, c’était un maigre 5,60 $ par jour.

C’est là toute l’importance politique du virage des travailleurs d’Abbotsleigh vers le SEP et de la formation d’un comité d’action indépendant. En même temps que cette grève dans les plantations, des travailleurs de l’automobile aux États-Unis ont participé à une réunion d’urgence convoquée par le Bulletin des travailleurs de l’automobile du World Socialist Web Site et le Parti de l’égalité socialiste des États-Unis, à Detroit le 9 décembre. Ces travailleurs ont alors décidé à l’unanimité de former des comités d’usine de base, indépendants de leurs syndicats, ainsi qu’un comité directeur plus large, pour lutter contre les fermetures d’usines, les licenciements et autres attaques contre la classe ouvrière.

Ces deux développements indiquent que les travailleurs commencent à se tourner vers une politique et des formes d’organisation révolutionnaires et une perspective socialiste et internationaliste. Ces initiatives importantes doivent être développées et étendues au Sri Lanka, aux États-Unis et ailleurs dans le monde entier, y compris en France où le Parti de l’égalité socialiste (PES), la section française du CIQI, appelle les «gilets jaunes» à former des comités d’action de la classe ouvrière.

À la réunion de Detroit, un travailleur de l’automobile a demandé si les comités «seraient autorisés à utiliser le WSWS comme outil de communication, en tant que voix et éducateur unique? Et si le Parti de l’égalité socialiste assurera la direction pour que nous puissions continuer la lutte et fonctionner au niveau stratégique?» La réponse donnée est un «oui!» catégorique.

Ces questions et la réponse donnée soulignent le rôle essentiel d’une direction révolutionnaire et la nécessité urgente de développer le World Socialist Web Site et le Comité international de la Quatrième Internationale dans chaque pays pour unifier les luttes émergentes de la classe ouvrière.

La réponse de la classe dirigeante à l’aggravation de la crise du capitalisme, c’est la guerre commerciale et la guerre militaire, des mesures d’austérité écrasantes et le recours à des formes dictatoriales de gouvernement. Pour s’opposer à cela, la réponse de la classe ouvrière internationale doit être d’intensifier la lutte pour une solution socialiste. Nous exhortons les travailleurs à se joindre au CIQI et à bâtir ses sections actuelles ainsi que de nouvelles sections ailleurs dans le monde, afin d’assurer le leadership nécessaire pour mener cette lutte.

(Article paru en anglais le 17 décembre 2018)

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