L’Administration Trump va expulser immédiatement les nouveaux demandeurs d’asile d’Amérique centrale vers le Mexique

L’Administration Trump a annoncé une nouvelle politique qui détruit effectivement le droit d’asile pour les réfugiés d’Amérique centrale. Désormais, le Service des douanes et de la protection des frontières (CBP) des États-Unis commencera à expulser les réfugiés non mexicains dès qu’ils auront présenté une demande d’asile après avoir franchi la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Ils seront immédiatement expulsés vers le Mexique au lieu d’être autorisés à rester aux États-Unis en attendant le règlement de leur demande d’asile.

Le gouvernement mexicain, obéissant aux ordres de Washington, ne s’opposera pas à ces expulsions et n’intentera aucune action en justice contre les États-Unis pour une politique qui constitue une violation flagrante du droit international. Sa seule concession aux réfugiés est que le Mexique ne les confinera pas dans des camps de détention à l’américaine.

Les demandeurs d’asile seront « libres » de partager les conditions de vie misérables dans les quartiers pauvres des villes frontalières ravagées par la violence comme Tijuana, Juárez, Laredo et Matamoros. Des centaines de milliers d’immigrants appauvris, y compris des enfants, seront désormais contraints de vivre dans des taudis et des campements de fortune.

Cette nouvelle politique est une attaque sans précédent dans l’histoire contre les travailleurs et les paysans d’Amérique centrale qui fuient la violence et les inégalités causées par des décennies d’intervention impérialiste américaine et d’exploitation des entreprises. Jamais auparavant les États-Unis n’avaient refusé le droit démocratique de demander l’asile à autant de personnes d’un seul coup.

Cette politique a été annoncée le jour même où le président Trump a déclaré qu’il ne signerait pas une nouvelle résolution permanente, finançant environ un quart du gouvernement fédéral, sans qu’on alloue 5 milliards de dollars afin de pouvoir commencer la construction d’un mur à grande échelle le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

La résolution, adoptée par le Sénat mercredi soir, aurait repoussé la date limite pour le financement du ministère de la Sécurité intérieure (DHS) et de huit autres organismes et ministères fédéraux, passant du vendredi 21-22 décembre à minuit au 8 février. Les responsables de la Maison-Blanche ont d’abord indiqué que Trump signerait la résolution une fois qu’elle serait adoptée par la Chambre des représentants, mais Trump a fait volte-face jeudi matin après que des groupes anti-immigrants et des pontifes des médias d’extrême droite eurent fait un scandale à Fox News, ouvrant la voie à une fermeture partielle du gouvernement.

Alors que Trump subit la pression croissante des enquêtes menées par le Parti démocrate sur la corruption et les violations du financement des campagnes électorales, l’administration se tourne d’autant plus agressivement vers le développement d’une base fasciste et xénophobe à laquelle Trump peut faire appel pour renforcer sa présidence, de plus en plus impopulaire.

Kirstjen Nielsen, secrétaire du Département de la sécurité intérieure (DHS), a annoncé jeudi matin la nouvelle politique d’asile en déclarant : « Aujourd’hui, nous annonçons des mesures historiques pour maîtriser la crise de l’immigration illégale ».

Elle a poursuivi en qualifiant les demandeurs d’asile de fraudeurs et de criminels : « Les étrangers qui tentent de tricher avec le système pour entrer illégalement dans notre pays ne pourront plus disparaître aux États-Unis, où beaucoup d’entre eux sautent leurs dates de procès. Ils attendront plutôt une décision du tribunal de l’immigration pendant leur séjour au Mexique. Les termes « capturer et relâcher » seront remplacés par les termes « capturer et expulser ». Ce faisant, nous réduirons l’immigration clandestine en supprimant l’une des principales mesures incitatives qui encouragent les gens à entreprendre le dangereux voyage vers les États-Unis. »

Cette « incitation clé » que le gouvernement « supprime » est le droit démocratique à l’asile. Cette politique est impitoyablement calculée pour terrifier les immigrants à rester en Amérique centrale au lieu de chercher à obtenir leur droit d’asile légal aux États-Unis. En conséquence, d’innombrables personnes mourront aux mains de leurs persécuteurs à la maison.

De plus en plus, les États-Unis deviennent un État paria où les garanties d’une procédure régulière et du droit international ne s’appliquent pas. Ces politiques, conçues principalement par Stephen Miller, l’assistant fasciste de Trump, ouvrent la voie à une violence étatique à grande échelle contre la population immigrée, comme en témoigne l’émeute policière de ce mois-ci au poste-frontière de San Ysidro près de San Diego.

Cette mesure transformera encore davantage la frontière entre les États-Unis et le Mexique en une zone de non-droit ressemblant à la frontière entre Israël et Gaza, où les militaires et les gardes-frontières israéliens gardent leurs fusils constamment entraînés sur des travailleurs démunis et désespérés, sans accès à l’eau, au logement, aux soins médicaux et à l’électricité.

« Vous allez avoir des centaines de milliers de migrants au Mexique pendant des années sans ressources, sans filet de sécurité, sans système », a déclaré Adam Isacson du Bureau de Washington pour l’Amérique latine au Financial Times.

Beaucoup d’entre eux seront tués par les cartels de la drogue qui dominent ces villes ou mourront de maladie. Le week-end dernier, deux adolescents réfugiés venus du Honduras dans le cadre de la caravane des migrants ont été poignardés à mort à Tijuana par des criminels. Un plus grand nombre de membres de la caravane sont tombés gravement malades parce qu’ils ont vécu pendant de longues périodes dans des conditions sordides et insalubres que le gouvernement mexicain n’a guère améliorées.

Bien que les États-Unis prétendent que les immigrants soient autorisés à demander l’asile au Mexique, cette réforme fait perdre une grande partie de tout ce qui reste de procédure régulière dans le système judiciaire de l’immigration.

Les immigrants n’auront pas suffisamment accès à des avocats américains spécialisés en droit de l’immigration pour défendre leur cause et, comme ils ne pourront pas comparaître devant un tribunal, ils devront probablement participer à leurs propres audiences par vidéo ou par téléphone. Étant donné que le droit à une procédure régulière n’est généralement garanti que lorsqu’un immigrant se trouve sur le sol américain, on ne sait pas ce que ces audiences fictives sur l’asile entraîneront réellement.

Le nombre de cas d’asile approuvés diminuera rapidement et, par conséquent, beaucoup seront tués une fois expulsés vers leur pays d’origine.

L’Administration Trump cite comme autorité légale un article de la Loi sur l’immigration et la nationalité (LINA) établissant le « renvoi accéléré » (c’est-à-dire : l’expulsion immédiate) des immigrants pris près de la frontière peu après leur arrivée. Cette disposition a été promulguée par la loi de 1996 sur la Loi sur la réforme de l’immigration illégale et la responsabilité des immigrants (IIRAIRA) avec l’appui actif du Parti démocratique.

L’IIRAIRA a d’abord été adoptée par une majorité écrasante des deux chambres du Congrès et a ensuite été officiellement promulguée dans un projet de loi omnibus sur les dépenses de défense avec un soutien écrasant des Démocrates. Le projet de loi a été adopté au Sénat par vote oral sans opposition. En 1996, à la Chambre des représentants, Bernie Sanders et Charles Schumer, aujourd’hui sénateurs américains de premier plan, et les trois principaux dirigeants actuels de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, Steny Hoyer et James Clyburn, ont voté « oui ».

Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a joué un rôle criminel dans cet arrangement, qui démontre la faillite du populisme de gauche et du nationalisme.

La politique d’asile a pratiquement transformé le gouvernement mexicain en département du sud du CBP, et le gouvernement d’AMLO est maintenant complice dans l’application de l’attaque de l’impérialisme américain contre les immigrants.

Dans une déclaration annonçant son consentement à une politique qui refuserait effectivement le droit d’asile aux immigrés, l’Administration d’AMLO a employé un langage cynique, s’engageant à « respecter leurs droits fondamentaux ».

L’équipe de transition d’AMLO avait initialement nié l’existence d’un accord explicite avec l’Administration Trump lorsque les premiers détails ont été publiés en novembre par le Washington Post. Aujourd’hui, la nouvelle proposition budgétaire d’AMLO pour l’année prochaine prévoit une réduction de 20 pour cent du financement pour le soutien aux réfugiés. Le Post a noté que : « le nouveau président a parlé longtemps de la nécessité de respecter les droits des migrants, mais beaucoup au Mexique ont vu son annonce budgétaire comme un signe de ses priorités ».

En échange, le gouvernement mexicain a reçu des promesses américaines de plusieurs milliards de dollars d’investissements – dont la plupart correspondait à des crédits déjà engagés – que la bourgeoisie mexicaine utilisera pour développer certaines parties du sud du Mexique en plateformes d’hyperexploitation par les entreprises américaines. Au cours de la campagne électorale de cette année, AMLO a promis d’établir des « zones économiques spéciales » dans le sud appauvri pour renforcer l’interdépendance économique entre les États-Unis et le Mexique.

(Article paru d’abord en anglais le 21 décembre 2018)

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