Fort soutien pour étendre la grève des enseignants de Los Angeles, les syndicats et les démocrates complotent pour l’arrêter

Des dizaines de milliers d'enseignants de Los Angeles (LA) et leurs soutiens ont monté des piquets de grève et défilé au centre-ville mardi, deuxième jour d’une grève qui mobilise 33 000 éducateurs dans le deuxième plus grand district scolaire d'Amérique. Le débrayage a suscité un large soutien du public et il y a de plus en plus d'appels à étendre la grève à toute la Californie et au-delà.

Pour la deuxième journée consécutive, pas moins de 50 000 grévistes, parents et étudiants ont convergé vers le centre-ville, cette fois devant le siège de la California Charter Schools Association [écoles à but lucratif]. Ils ont été rejoints par 75 enseignants venus de trois ‘Charter schools’ gérées par Accelerated Schools. Le syndicat UTLA (United Teachers Los Angeles) a empêché 900 autres enseignants syndiqués de ces écoles de rejoindre le mouvement.

Les enseignants sont de plus en plus nombreux en Californie et ailleurs à demander une action de grève commune. Les enseignants d'Oakland prévoient de se mettre en congé de maladie vendredi pour s'opposer à la menace des autorités scolaires de fermer un tiers des écoles du district, alors même qu’ils augmentent les écoles privées Charter. Les enseignants de Denver, Colorado, voteront pour une grève le 19 janvier et des milliers d’éducateurs de Virginie prévoient un rassemblement de masse à Richmond le 28 janvier.

Enseignants en grève à Los Angeles

Comme lors de la rébellion des enseignants l'année dernière en Virginie occidentale, en Oklahoma, en Arizona et dans d'autres États, les dirigeants de la Fédération américaine des enseignants (AFT) et de la National Education Association (NEA) tentent d'isoler les enseignants de LA et d'empêcher l'élargissement de la grève à travers l'État et le pays. À la veille de la grève, le président de l'AFT, Randi Weingarten, actuellement à Los Angeles, a tweeté: «Il ne s'agit pas d'une vague de grève, il s'agit d'un combat spécifique pour les enfants et les écoles publiques de Los Angeles. »

Mais les enseignants de LA ne se battent pas pour un grief local. Ils sont confrontés à de puissantes forces financières et politiques, dont la Fondation Eli Broad, qui ont monté avec le soutien des deux partis contrôlés par le patronat un complot national en vue de démanteler et de privatiser l'éducation publique. C'est pourquoi les enseignants de Los Angeles ne peuvent pas mener cette bataille seuls.

Pour élargir la grève et mobiliser les enseignants et d’autres travailleurs en Californie, aux États-Unis et dans le monde, les enseignants doivent enlever la conduite de la lutte à l'UTLA et aux syndicats enseignants nationaux alliés aux politiciens démocrates qui font depuis des décennies la guerre à l'éducation publique, en Californie et aux États-Unis.

Le Bulletin d'information des enseignants du World Socialist Web Site encourage les enseignants à constituer des comités de grève de base dans chaque école et chaque communauté, contrôlés démocratiquement et indépendants de l'UTLA. Ces comités doivent exiger l’accès complet aux négociations menées en coulisses par l'UTLA, le district scolaire, le maire et le bureau du gouverneur. Pour soutenir ce combat historique, il faut payer à tous les enseignants des indemnités de grève et non pas leur faire prendre des emprunts sur le fonds de grève gigantesque du syndicat,

Contre l'abandon servile des revendications les plus critiques des enseignants par l'UTLA, les enseignants de base devraient formuler leurs propres revendications, comme une augmentation de 30 pour cent de leur salaire, un plafond du nombre d’élèves par classe à 25, des milliards pour l'embauche d’infirmières et de nouveau personnel, la fin des tests punitifs pour élèves et enseignants et la reconversion immédiate des écoles privées en écoles publiques.

Une lutte pour ces revendications implique que les comités de grève invitent tous les conducteurs de bus scolaires, les gardiens et les travailleurs des cantines à défier les ordres du Syndicat international des employés de service (SEIU) et à débrayer pour fermer toutes les écoles du district de LA. En même temps, les enseignants de LA et leurs sympathisants parmi les travailleurs de la ville devraient étendre leurs piquets de grève aux 244 écoles privées et demander à leurs collègues de participer à la grève.

Un appel doit être lancé à tous les enseignants d'Oakland et de la Californie pour qu'ils se joignent à la grève, et à tous les enseignants et travailleurs des États-Unis, notamment aux travailleurs fédéraux en lock-out et à ceux de l'automobile confrontés aux fermetures d'usines, afin de préparer une grève générale qui s'opposera à l'austérité gouvernementale et à l'inégalité sociale. En même temps, il faut lancer un appel aux travailleurs mexicains des producteurs de pièces, aux enseignants néerlandais et autres travailleurs du monde qui entrent en lutte.

Precious (centre)

Il y a un sentiment croissant pour un tel combat. Precious, une jeune enseignante de Los Angeles, a déclaré: «Nous avons besoin d’une vague de grève à l’échelle de l’État et de tout le pays. Cela touche toute la classe ouvrière. Tous les enseignants que je connais ont un deuxième ou un troisième emploi, qu'il s'agisse de tutorat ou d'autre chose, pour joindre les deux bouts. Nous essayons simplement de garder la tête hors de l'eau au lieu d'être en dessous avec une paille pour respirer. Plus on est nombreux, plus on est fort, et cela devrait être un combat national et même mondial. »

«Peu importe que nous soyons au sud ou au nord de la Californie ou ailleurs, nous menons le même combat», a déclaré Rosemary, enseignante à LA, avec 27 ans d'expérience. Mike, un enseignant à la retraite, a ajouté: «Quand j'ai commencé à enseigner en 1985, l'UTLA avait l'habitude de s’affronter aux directeurs qui intimidaient les enseignants et essayaient de les écarter. Aujourd'hui, ils ont des «prisons pour enseignants» où les enseignants les plus âgés et près d’avoir acquis une retraite et des prestations de santé sont maltraités et hyper-contrôlés. L'UTLA et ses fonctionnaires ne s'y opposent pas et disent: 'Vous devez obéir aux règles du district.' Avant, nous avions 43 000 enseignants, nous en sommes maintenant à 33 000. Tout cela avec l'aide de l'UTLA. »

Les enseignants ont également dénoncé le refus de l'UTLA de verser des indemnités de grève. «Ils parlent de grève depuis 2017», a déclaré un autre enseignant. «Nous payons des cotisations syndicales et il n'y a pas eu de grève depuis 30 ans, donc l’argent doit exister pour qu’on puisse faire grève. Nous devrions toucher 1 000 ou 1 500 dollars pour nous aider à payer nos factures.

«Où est passé tout cet argent? Le président de l'AFT, Randi Weingarten, gagne un demi-million de dollars par an. Aucun de nous ne gagne ce genre d'argent. Et puis, le syndicat donne des millions à ces politiciens qui disent être de notre côté, mais qui une fois élus ne font rien pour nous. »

Mardi soir, dans son discours sur Facebook aux enseignants, le président d'UTLA, Alex Caputo-Pearl, a placé toute la charge de la conduite de la grève sur les enseignants, affirmant qu'il était de leur devoir d’être chaque jour aux piquets de grève «comme si c'était un jour de travail». Il n’a rien dit sur les appels croissants à une grève dans tout l’Etat et le pays, ni sur le versement d'une indemnité de grève aux enseignants.

Caputo-Pearl a au contraire tenté d'impressionner les enseignants en affirmant que la grève avait reçu le soutien de quatre candidats du Parti démocrate à la présidence en 2020, le sénateur de l'Ohio Sherrod Brown, la sénatrice californienne Kamala Harris, le sénateur de Vermont Bernie Sanders et la sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren.

Caputo-Pearl a encore déclaré que le maire de LA, Eric Garcetti, un autre candidat démocrate potentiel à la présidence, était venu au rassemblement de mardi au centre-ville et qu’il cherchait à relancer les négociations avec le district. Il était lui-même en discussion avec le nouveau gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom. «Si vous êtes frustrés sur la façon dont les écoles sont gérées», a-t-il ajouté, «soyez fiers de ce que nous changeons le cours de l’histoire et que les puissants de ce pays nous déclarent leur soutien. »

Pour ce qui est de renforcer la lutte des enseignants de LA, les déclarations creuses de soutien des politiciens démocrates ne valent pas un clou. Le Parti démocrate exerce un contrôle total sur tous les niveaux de gouvernement à Los Angeles et dans l'État de Californie. Quel que soit le nombre de déclarations bidon des Sanders, Warren & Cie sur les démocrates «progressistes», le fait est que c‘est leur parti qui a supervisé le démantèlement de l'éducation publique en Californie. Le directeur du District de LA, Austin Beutner, est un démocrate, ancien responsable des administrations Clinton et Obama, et son secrétaire à l’Education, Arne Duncan, a mené de front l’attaque contre les enseignants et chapeauté le vaste dévéloppement des écoles privées.

Les commentaires de Garcetti doivent être interprétés par les enseignants comme un avertissement que l'UTLA se prépare à vendre la grève. «La rhétorique mise à part, quand nous examinons la distance qui nous sépare», a déclaré Garcetti lors d'une conférence de presse lundi après-midi, «je crois vraiment que peu de choses nous séparent matériellement. Nous avons des problèmes de politique à régler sur des questions telles que les écoles privées, … telles que la façon dont le District de LA va être réorganisé sous le nouveau directeur et sur le rôle que les enseignants vont jouer dans cette réorganisation, mais je le sais vraiment […] à les entendre, ils ne sont pas si loin les uns des autres, et cela me donne la confiance que nous pourrons boucler cette affaire bientôt ».

Autrement dit, l'UTLA cherche à voir quel rôle il peut jouer dans le plan de Beutner pour «réorganiser» le district scolaire, et si le syndicat peut obtenir un meilleur accès aux écoles privées afin de pousser ces enseignants honteusement exploités à payer des cotisations syndicales. C'est le même rôle que les syndicats ont joué à l'échelle nationale, comme en témoigne le slogan de l'AFT, «Réforme de l'école avec nous, pas contre nous».

(Article paru en anglais le 16 janvier 2019)

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