Le président équatorien menace d’expulser Julian Assange de l’ambassade d’Équateur à Londres

Menaçant clairement d’expulser Julian Assange de l’ambassade d’Équateur à Londres, le président équatorien Lenín Moreno a déclaré hier dans une interview que le fondateur de WikiLeaks avait «violé à plusieurs reprises les conditions de son asile». Son gouvernement «prendrait une décision» «à court terme» sur la situation d’Assange, a-t-il dit.

Ces commentaires sont le dernier signe public d’un complot avancé qui vise à forcer Assange à quitter l’ambassade où il a demandé l’asile politique en 2012. S’il quittait l’ambassade, il tomberait dans les mains des autorités britanniques et américaines.

S’il quitte le bâtiment ou en est expulsé, les autorités britanniques l’arrêteront sur de fausses accusations de violation de liberté sous caution. Les États-Unis demanderont probablement son extradition sur des accusations concoctées d’espionnage ou de conspiration qui le rendront passible d’une peine maximale de prison à vie ou de la peine de mort en raison de son rôle dans l’exposition par WikiLeaks de crimes de guerre, d’intrigues diplomatiques illégales et de surveillance massive.

Dans son interview à l’Association des radiodiffuseurs équatoriens, Moreno a affirmé, sans fondement et de manière diffamatoire, qu’Assange avait «piraté» des «comptes privés» et des «téléphones». Il a blâmé le fondateur de WikiLeaks pour un scandale de corruption qui secoue actuellement son gouvernement.

L'allégation de Moreno selon laquelle Assange aurait «violé les conditions de son asile» faisait allusion à un «protocole» draconien imposé au fondateur de WikiLeaks par le gouvernement équatorien en octobre. Cela suivait la fermeture de son accès Internet et une restriction sévère de son droit de visite, en mars 2018.

Le président équatorien a réaffirmé les termes du protocole, interdisant à Assange de faire des commentaires politiques, y compris sur son propre calvaire. Montrant que Moreno collabore étroitement avec les grandes puissances, Al Jazeera a rapporté que Moreno avait fait des déclarations selon lesquelles Assange ne pouvait « pas intervenir dans la politique des autres pays, en particulier ceux qui ont des relations amicales avec l’Équateur».

Le protocole équatorien est une violation flagrante du droit international. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire et d’autres organisations internationales de défense des Droits ont confirmé le statut de réfugié politique d’Assange. Rien dans la législation internationale ne permet de subordonner l’asile politique d’un journaliste et d’un éditeur à la condition qu’ils soient réduits au silence.

Pendant une bonne partie de l’interview, Moreno a cherché à attribuer l’aggravation de la crise de son gouvernement aux activités de WikiLeaks et d’Assange. Le mois dernier, quelqu’un a envoyé le contenu de son portable et de son compte Gmail à un député de l’opposition, puis les publié en ligne. Les fuites et les documents connexes, surnommés «INA papers», impliqueraient Moreno et ses plus proches collaborateurs, dont son frère, dans des affaires de corruption, de parjure et de blanchiment d’argent.

De hauts responsables du gouvernement équatorien ont commencé à mettre en cause Assange pour les fuites la semaine dernière. Moreno reprit ce thème en déclarant de façon absurde: «Avec WikiLeaks, nous avons vu des preuves d’espionnage, d’intervention dans des conversations privées au téléphone, y compris des photos de ma chambre à coucher, de ce que je mange, de comment ma femme, mes filles et mes amis dansent».

Hier, le gouvernement équatorien a déposé une plainte auprès du Rapporteur spécial de l’ONU sur la vie privée, dénonçant WikiLeaks pour le scandale de corruption. Il le fit la veille de la date où le Rapporteur devait voir Assange pour enquêter sur son allégation que les autorités équatoriennes étaient en train d’espionner illégalement ses communications.

Moreno et son gouvernement n’ont présenté aucune preuve de leurs allégations. Ils savent très bien qu’Assange n’a pas d’accès à l’Internet, le gouvernement l’ayant fermé en mars dernier. La seule «preuve» de liens de WikiLeaks avec les ‘INA papers’, fournie par les partisans de Moreno, est que le compte Twitter de l’organisation, qu’Assange ne contrôle pas, a tweeté des informations et des articles sur ces révélations.

Si Moreno cherche sans aucun doute à faire d’Assange le bouc émissaire de la crise de son gouvernement, il utilise également la publication des ‘INA papers’ comme prétexte pour accélérer des plans à long terme en vie d’expulser le fondateur de WikiLeaks de l’ambassade londonienne. Dans l’interview, Moreno a réaffirmé la position de son gouvernement, qu’il était disposé à voir Assange quitter le bâtiment à la seule condition que «sa vie ne soit pas mise en danger».

Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2017, le régime Moreno est revenu sur la décision du précédent gouvernement équatorien d’accorder l’asile à Assange. Dans le même temps, il a rapidement étendu ses relations avec les États-Unis.

Fidel Narváez, qui a été consul d’Équateur à Londres jusqu’en 2018, a averti sans détour que l’interview montrait que «le gouvernement cherch[ait] un prétexte pour mettre fin à l’asile et à la protection de Julian Assange». Narváez a écrit que Moreno utilisait le scandale de l’INA pour «céder aux pressions américaines» concernant Assange.

Les commentaires de Moreno coïncident avec l’intensification par les États-Unis des poursuites contre le fondateur de WikiLeaks. Le 8 mars, Chelsea Manning a été arrêtée et emprisonnée indéfiniment pour avoir refusé de témoigner à une audience de Grand jury à huis clos.

En 2010, Manning avait courageusement divulgué à WikiLeaks des rapports militaires de l’armée américaine et des câbles diplomatiques. Le système judiciaire l’a emprisonné pendant sept ans sous l’Administration Obama. À présent, l’Administration Trump la maintient en isolement cellulaire depuis plus de trois semaines déjà.

En même temps, l’enquête Mueller sur la collusion présumée de WikiLeaks avec Donald Trump et la Russie en 2016 s’est achevée le mois dernier sans inculpation pénale. Cela a complètement discrédité les affirmations des Démocrates, de la plupart des médias bourgeois et des agences de renseignement américaines que WikiLeaks avait collaboré avec Trump et la Russie pour priver Hillary Clinton de la présidence américaine.

Ce qui montre que la campagne sur «l’ingérence russe» a toujours été un prétexte frauduleux pour imposer des mesures de censure et de répression politique en ligne.

Mais le discrédit des allégations du Parti démocrate n’entraînera aucun relâchement dans la persécution d’Assange et de WikiLeaks. Au contraire, l’Administration Trump et ses opposants démocrates nominaux convergent de plus en plus dans leur persécution d’éditeurs dissidents et de lanceurs d’alerte comme Assange et Manning et leur vaste attaque contre les libertés civiles.

Le fait qu’aucune personnalité de l’establishment politique américain n’ait protesté contre la persécution d’Assange montre bien cette convergence. Quant à la presse bourgeoise et à tous les partis politiques officiels de Grande-Bretagne et d’Australie, ils ont eux aussi manifesté leur soutien à l’emprisonnement de Manning et à la vendetta contre Assange.

Représentant une minuscule élite industrielle et financière, ils considèrent tous que la suppression de la liberté d’expression et des droits démocratiques est essentielle pour empêcher l’émergence d’un mouvement politique de masse de la classe ouvrière dans des conditions de résurgence des luttes des classes et d’hostilité générale à la guerre, à l’austérité et à l’autoritarisme.

Les déclarations de Moreno montrent qu’il est urgent d’intensifier la lutte pour la liberté d’Assange et pour la libération immédiate de Manning. Les Partis de l’égalité socialiste en Australie et aux États-Unis ont organisé le mois dernier de fortes manifestations pour rallier les travailleurs, les étudiants et les jeunes à ce combat crucial. Nous exhortons tous les lecteurs du WSWS qui veulent entreprendre la lutte pour libérer Assange et Manning à nous contacter.

(Article paru d’abord en anglais le 3 avril 2019)

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