Les fonctionnaires en grève contre la réforme de la fonction publique par Macron

150 manifestations se sont déroulées en France jeudi à l’appel des neufs syndicats contre le projet de réforme visant à «moderniser la fonction publique», que l’Assemblée nationale discutera à partir du 13 mai. 108 900 manifestants se sont mobilisés selon le gouvernement, 250 000 selon la CGT. Cela fait partie d’un mobilisation européenne contre la casse des services publics, avec une grève nationale belge d’un jour, la grève des transports à Berlin, et de nombreuses grèves au Portugal.

Le projet de Macron prévoit la suppression de 120.000 postes d’ici à 2022 sur les 5.5 millions de fonctionnaires. Les postes supprimés seront remplacés par des emplois moins bien rémunérés de contractuels issus du privé pour des missions ponctuelles. Les agents seront plus mobiles, devront travailler plus d’heures. Le gouvernement prévoit aussi la possibilité de ruptures conventionnelles pour les fonctionnaires d’Etat et hospitaliers volontaires comme dans le privé. Une fois la réforme validée par l’Assemblée, elle doit prendre effet le 1er janvier 2020.

Les grévistes se sont mobilisés malgré une forte méfiance des appareils syndicaux parmi les travailleurs, qui a limité l’ampleur de la mobilisation. Le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt a relevé de 3,3 pour cent de grévistes dans la fonction publique territoriale, 4 pour cent dans l’hospitalière et 11,4 pour cent dans la fonction publique d’Etat avec une forte participation des enseignants, mobilisés également contre la réforme de l’éducation. Leur ministère recense de son côté 17,59 pour cent de grévistes dans le primaire et 11,68 pour cent dans le secondaire.

Les enseignants, douaniers, aides-soignants, infirmières et contrôleurs aériens étaient mobilisés jeudi. Marseille, qui a ouvert la journée de mobilisation comptait selon l’AFP entre 3500 et 4000 manifestants; des «gilets jaunes» étaient présents. A Nice 60 pour cent des cantines étaient fermées et 40 pour cent de crèches. A Lyon 5300 personnes ont défilé, et 2000 à Bordeaux. Sur Paris, les syndicats revendiquent 30.000 manifestants.

Anita, retraitée de la fonction publique qui manifestait à Paris, a dit aux reporters du WSWS sa volonté de défendre le statut de la fonction publique, rédigé après la Libération en tant qu’acquis des luttes ouvrières contre le fascisme. Elle est venue «pour la défense du service public, la préservation de tous les acquis qui ont été gagnés de haute lutte, et pour la liberté d'être ensemble de manifester notre désapprobation vis à vis des politiques qui sont menées actuellement. Il y a de l'argent, donc nous devons le partager.»

Evoquant la lutte des «gilets jaunes», Anita a dit sa méfiance des partis établis liés aux syndicats: «Moi je voudrais qu'il y ait un parti pour partager des valeurs, mais pas de la politique fiction comme Mélenchon. Il avait donné un grand espoir parce que il rappelait un peu le passé, de la dialectique, de l'explication, de l'exposition, de la réflexion, mais là il s'est un peu fourvoyé.»

Georges, qui travaille dans le système judiciaire, a souligné aux reporters du WSWS le gel du point d’indice depuis 9 ans et sa certitude que Macron ne changera pas de politique: «De toute façon il s'en fiche. Macron c'est des riches qui le financent, donc il s'en fiche des ‘gilets jaunes’. Il fait et il mène une politique pour les riches, pour ceux qui ont financé sa campagne. Il leur est redevable.»

Georges a aussi souligné sa méfiance de l’action des appareils syndicaux: «Je pense que le dialogue social, c'est de la foutaise. Les syndicats de salariés se font prendre et certains vont aller jusqu'à accepter de l'argent parce qu'il y a des questions de représentativité. … Il faut arrêter avec ce mensonge. Il faut arrêter de se voiler la face et revenir à des formes de lutte plus courtes, plus féroces. Les ‘gilets jaunes’, c'est peut-être une solution.»

L’annonce par le gouvernement de la réforme de la fonction publique, ainsi qu’une réforme des retraites confirme que Macron n’a aucune intention d’écouter les revendications ouvrières. Après six mois de mobilisation des «gilets jaunes», il compte passer en force et intensifier les politiques en faveur des riches qui ont fait de lui le président le plus impopulaire de la 5e République. Son attitude envers les travailleurs transparaît le plus clairement dans sa mobilisation des soldats de l’Opération Sentinelle en mars, avec autorisation de tirer sur les «gilets jaunes».

Il est essentiel que les travailleurs reprennent le contrôle de leurs propres luttes aux appareils syndicaux, qui négocient l’austérité avec l’État et qui ont été hostiles à la lutte des «gilets jaunes». Ces derniers ont montré sous bien des abords la voie à suivre, en s’organisant indépendamment des syndicats, via les réseaux sociaux. Ils ont bravé l’inévitable répression et la haine des médias.

Les syndicats, qui ont isolé et étranglé la grève des cheminots l’année dernière contre la casse de leur statut, n’ont aucune intention d’organiser une lutte. Financés à hauteur de milliards d’euros par les entreprises et l’état dans le cadre du dialogue social, ils voient avec hostilité l’opposition à la politique de Macron qui menace leurs intérêts matériels. Ils ont annoncé que l’objectif du rassemblement de jeudi était «d’informer, de sensibiliser et de faire monter le rapport de force contre ce projet de loi».

Face à l’intransigeance manifeste de Macron, Jean-Marc Canon de la CGT a prétendu que «les possibilités de dialogue social avec le gouvernement sont épuisées».

En fait, les appareils syndicaux ont organisé cette grève uniquement par crainte de se faire déborder par les travailleurs. Déjà ils sont bousculés par les «gilets jaunes» – qui revendiquent l’égalité sociale, des augmentations de salaires, la démission de Macron et l’élimination des privilèges – et que le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a traités d’ «infréquentables». Ils surveillent à présent avec appréhension la montée des luttes ouvrières en France et à travers l’Europe.

Les infirmières et les aides-soignantes du centre hospitalier de Chalon sur Saône sont en grève depuis mercredi. Le site Info.Chalon explique que ce mouvement se veut indépendant des syndicats. Un urgentiste explique les conditions dans lesquelles les urgentistes travaillent et d’accueil des patients: «En une année, nous avons que 5 jours sans aucun patients dans les couloirs des urgences avec parfois jusqu’à 18 patients qui dorment dans les couloirs. Et tout ça, faute de lits dans les services, avec des services qui ferment de plus en plus de lits».

L’unification des luttes en cours exige une rupture consciente avec les syndicats et la création de comités d’action afin de coordonner une lutte politique contre Macron, l’UE et l’aristocratie financière à l’échelle internationale.

28 ans après la dissolution stalinienne de l’URSS, traitée faussement de «Fin de l’histoire» et de la lutte des classes par les faiseurs d’opinions officiels, la lutte des «gilets jaunes» comme des fonctionnaires fait partie d’une résurgence de la lutte des classes à l’échelle mondiale.

Les enseignants se sont mobilisés aux Etats-Unis, en Angleterre, au Kenya et en Pologne. Des mouvements de «gilets jaunes» ont émergé en France, au Portugal, en Allemagne et au-delà. Des mouvements de masse des travailleurs et des jeunes visent à renverser les dictatures militaires en Algérie et au Soudan.

Face à l’intransigeance de l’aristocratie financière et des politiciens qu’elle place au pouvoir, seule la voie révolutionnaire est ouverte aux travailleurs. Le rôle du Parti de l’égalité socialiste est d’expliquer la nécessité de transférer le pouvoir aux organisations que les travailleurs créeront au courant de leurs luttes.

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