Perspectives

Mobiliser la classe ouvrière pour défendre le droit à l’avortement

Des milliers de personnes ont manifesté et organisé des rassemblements aux États-Unis mardi dans le cadre de manifestations «Fin aux interdictions» pour défendre le droit à l’avortement. Les manifestations sont une réponse à un assaut sans précédent contre ce droit démocratique fondamental tant au niveau fédéral que des États. Ces personnes reflètent le large soutien de la population au droit des femmes de choisir.

Donald Trump a mis l’annulation du jugement rendu en 1973 par la Cour suprême dans l'affaire Roe c. Wade, qui interdisait aux États de proscrire les avortements, au centre de sa campagne de réélection. Depuis son entrée en fonction il y a 26 mois, une législation antiavortement a été adoptée dans 16 États.

Seulement depuis janvier, quatre États – la Géorgie, le Kentucky, le Mississippi et l'Ohio – ont promulgué des lois interdisant l'avortement après la sixième semaine de grossesse. Le seul objectif de ces lois est de bloquer la grande majorité des avortements, car peu de femmes sont même certaines qu'elles sont enceintes six semaines seulement après la conception.

L'attaque s'est intensifiée la semaine dernière. Mercredi, l'Alabama a promulgué la loi la plus sévère à ce jour. Elle impose une peine de prison pouvant aller jusqu'à 99 ans à tout médecin pratiquant un avortement, sauf pour sauver la vie d'une femme enceinte. Vendredi, le Missouri a adopté sa propre loi interdisant l'avortement après huit semaines de grossesse et imposant des peines de prison pouvant aller jusqu'à 15 ans d'emprisonnement à l'encontre des médecins qui en violent les termes.

Comme beaucoup de ces lois, une mesure introduite au Texas définit la vie comme commençant par la conception, faisant potentiellement de chaque femme qui subit un avortement une candidate pour le couloir de la mort. En Louisiane, le gouverneur démocrate John Bel Edwards a annoncé jeudi qu'il signerait un projet de loi «battement de cœur» lorsqu'on lui présenterait sur son bureau.

Toutes ces lois violent la décision Roe c. Wade et les décisions ultérieures en matière de droits d'avortement de la Cour suprême et seront contestées devant les tribunaux et probablement bloquées, mettant en place une confrontation au sein de la Cour suprême. Personne ne devrait croire que l'on puisse compter sur cette institution de l'État capitaliste, avec sa majorité d'extrême droite antiavortement, pour protéger ce droit. La majorité d’extrême droite de la Cour suprême, composée de cinq membres, cherche à infirmer le jugement Roe c. Wade, malgré les déclarations superficielles faites par quatre des cinq personnes au cours de leurs audiences de confirmation du fait que Roe était un précédent établi.

Ces lois étatiques sont des actes de barbarie médiévale. Leurs conséquences, si elles étaient confirmées par les tribunaux, seraient d’obliger les femmes qui demandent un avortement à se lancer dans des procédures en coulisses, avec un risque considérablement accru de mort ou de mutilation. Ce danger concernera particulièrement les femmes de la classe ouvrière, car les femmes plus riches pourront se rendre dans d'autres États pour bénéficier de la procédure.

Au-delà de la contre-révolution légale contre Roe, c’est le retrait du soutien social aux femmes qui demandent un avortement. Selon le Guttmacher Institute, 90% des comtés américains n’ont aucune clinique d’avortement. Dans sept États américains, il n'y a qu'une seule clinique d'avortement dans l'ensemble de l'État. L'Alabama n'en a que trois. Même un grand État du Midwest densément peuplé comme l'Ohio n'en compte que dix, contre 45 en 1992. Vingt-sept grandes villes américaines ne disposent d'aucune clinique d'avortement.

Les principales organisations qui organisaient les manifestations de mardi – Planned Parenthood, la Marche des femmes, l'American Civil Liberties Union et NARAL-Pro-Choice America – sont politiquement liées au parti démocrate. Mais on ne peut pas compter sur ce parti des grandes entreprises américaines pour défendre ce droit fondamental.

Depuis des décennies, les démocrates capitulent devant la droite républicaine sur le droit à l'avortement, érodant ces droits au point que pour les femmes de la classe ouvrière dans la plus grande partie du pays, le droit à l'avortement a été détruit pratiquement. Les avortements ne sont pas couverts par Medicaid ou Obamacare, ce qui signifie que les femmes participant à ces programmes doivent payer la note. Les femmes de la classe ouvrière ne peuvent pas se rendre à New York, Chicago ou Los Angeles pour mettre fin à une grossesse non désirée. Obama a autorisé à ce que les employeurs puissent imposer des restrictions à la couverture du contrôle des naissances selon leur appartenance religieuse.

Nancy Pelosi a tweeté cette semaine contre «cette attaque républicaine incessante et cruelle sur la santé des femmes». Mais au cours de la campagne 2018, elle a déclaré que la défense du droit à un avortement n'était pas un «test décisif» et a insisté pour soutenir des démocrates dans certaines circonscriptions du Congrès qui avaient des vues tout aussi «cruelles».

Bernie Sanders, Joe Biden, Kamala Harris, Kirsten Gillibrand et d’autres candidats à la présidence ont également condamné la loi de l’Alabama. Mais aucun d'entre eux n'a fait de la défense du droit à l'avortement, en particulier dans le sud et dans les zones rurales, une caractéristique majeure de sa campagne. Ceci malgré les promesses répétées de Trump de renverser Roe c. Wade.

L'éviscération systématique du droit à l'avortement dans une grande partie du pays n'a attiré qu'une infime fraction de l'énergie, de l'argent et de l'attention des médias consacrés à la campagne réactionnaire #MeToo des démocrates, qui vise à améliorer le sort des femmes à revenus élevés – actrices, cadres supérieures, professeures titulaires – en destituant leurs supérieurs et leurs pairs masculins avec des allégations largement inventées de mauvaise conduite sexuelle.

Maintenant, le discours incessant sur «l'empowering» des femmes – ce qui signifie, bien sûr, des femmes bourgeoises – se heurte au spectacle embarrassant de la première gouverneure de l'Alabama, jadis saluée comme une influence modératrice sur le parti républicain, promulguant la législation anti-femme la plus restrictive de l’histoire récente des États-Unis.

L'attaque contre le droit à l'avortement est liée à la croissance colossale de l'inégalité sociale, aux menaces de guerre de Washington contre l'Iran, le Venezuela, la Corée du Nord, la Russie et la Chine et à la militarisation de la société à l'intérieur des frontières des États-Unis, à la campagne de censure d'Internet, aux agressions contre les immigrants et à l’appel aux sentiments racistes et fascistes de Trump et sa volonté d'établir un régime autoritaire personnaliste. Les démocrates ne s’opposent pas aux politiques pro-entreprises de Trump et restent pratiquement silencieux face à l'attaque de la police contre les immigrants. Au lieu de cela, ils basent leur opposition sur une campagne de droite pour une politique plus agressive envers la Russie et la défense de la CIA et du FBI.

Le chef de file démocrate, Joe Biden, a lancé sa campagne présidentielle ce week-end avec un appel à l'unité bipartite avec les républicains, en se présentant comme «l’unificateur» et en évitant toute mention des inégalités sociales ou de la pauvreté.

La lutte pour la défense du droit à l'avortement et de tous les droits démocratiques exige une rupture et une lutte contre le parti démocrate et l'ensemble du système capitaliste bipartite. La tendance à la dictature et à la barbarie médiévale est un phénomène international impulsé par la crise la plus profonde de l'histoire du capitalisme mondial.

La demande pour des services gratuits d'avortement et de régulation des naissances doit être avancée dans le cadre d'un système de santé socialiste garantissant des soins médicaux de haute qualité à chaque homme, femme et enfant.

La lutte pour cette revendication et pour la défense des droits démocratiques exige une lutte pour mettre fin au capitalisme et établir le socialisme. La seule force sociale capable de mener à bien cette tâche est la classe ouvrière. Ceux qui sont déterminés à défendre le droit à l'avortement et les droits démocratiques en général doivent associer ces questions à la lutte contre la guerre et aux inégalités sociales et s'adresser à la masse des travailleurs et de la jeunesse. La défense du droit à l'avortement doit être liée aux luttes croissantes des enseignants et des travailleurs de la santé et aux batailles à venir des travailleurs de l'automobile.

Ceux qui sont d'accord avec cette perspective devraient adhérer au Parti de l'égalité socialiste et aux Étudiants et jeunes internationalistes pour l'égalité sociale afin de former la direction révolutionnaire qui dirigera les luttes de masse à venir.

(Article paru en anglais le 21 mai 2019)

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