Alcoa intensifie l’assaut contre sa main-d’œuvre à travers le monde

Alors que le géant de l’aluminium Alcoa tient ses quelque 1000 employés de l’usine de Bécancour au Québec en lock-out depuis plus de 16 mois pour les forcer à accepter des suppressions d’emplois et des reculs dans les conditions de travail, la compagnie cherche à imposer des concessions similaires à ses travailleurs américains. Ces attaques prennent place peu de temps après l’imposition de reculs aux travailleurs d’Alcoa en Australie et l’annonce par la multinationale de la fermeture de deux usines en Espagne, qui entraînera la perte de plus de 600 emplois.

Malgré cette offensive mondiale contre les travailleurs de l’aluminium, le Syndicat des Métallos et ses collaborateurs dans les autres pays comme l’Australian Workers’ Union continuent d’isoler systématiquement les diverses luttes et travaillent avec la compagnie pour imposer les concessions exigées.

Malgré l'expiration de leur contrat, 2700 employés d'Alcoa et 3400 d'Arconic, membres du Syndicat des Métallos, ont reçu l'ordre de rentrer au travail. Les travailleurs sont employés dans des usines au Texas, à New York, en Indiana, en Arkansas, en Iowa, au Tennessee, en Ohio et à Washington.

La convention collective qui a expiré le 15 mai avait été ratifiée par les membres des Métallos en 2014, avant qu'Arconic ne soit scindé d'Alcoa en 2016.

Le Syndicat des Métallos et la direction ont convenu de prolonger l'ancienne convention collective pour une période indéterminée afin de s'assurer qu'il n'y aura pas d'interruption de la production pendant la poursuite des négociations. On avait annoncé qu'il y aurait un vote de grève chez Alcoa/Arconic, mais le vote a été retardé dans des usines clés par les Métallos.

Vendredi, les Métallos ont tenu un vote d'autorisation de grève dans deux petites installations d'Alcoa/Arconic à Massena dans l’État de New York. Ces deux usines comptent respectivement 460 et 145 employés, membres de la section locale 420A des Métallos. Certains d'entre eux ont publié des commentaires critiques sur les médias sociaux au sujet de la façon dont le syndicat les garde dans l'ignorance. Paul Barney, par exemple, a déclaré: «S'ils ont une offre, vous devriez l'afficher, cette idée de garder les membres dans l’incertitude est absurde, ratifions-la ou faisons grève».

Les résultats du vote n'étaient pas disponibles au moment d’écrire ces lignes.

Entre-temps, les Métallos ont annoncé qu'un vote d'autorisation de grève n'aura pas lieu avant le 30 mai pour leurs 1900 membres à l'usine Arconic Davenport, en Iowa, qui compte Boeing parmi ses principaux clients. Aucune raison n'a été donnée pour expliquer pourquoi l'ensemble du personnel ne serait pas invité à voter, une manœuvre évidente visant à diviser les travailleurs.

L'entreprise, vieille de près de 130 ans, réclame des compressions dans les avantages sociaux, y compris la sécurité de la retraite, en remplaçant le régime de retraite à prestations déterminées par un régime 401(k) financé par les employés. La compagnie a proposé de geler les paiements pour les régimes de retraite horaires au 31 décembre 2020 et de les remplacer par des cotisations à un régime d'épargne 401(k) en fonction de l’âge.

Les entreprises exigent également une augmentation des coûts de l'assurance-maladie et l'élimination de la couverture des soins de santé pour retraités pour les travailleurs qui ne sont pas encore admissibles au régime fédéral d'assurance-maladie. Roy Hutt, deuxième vice-président de la section locale 105 du Syndicat des Métallos dans l'Iowa, a déclaré: «Ils exigent que nous fassions des concessions avant de discuter des salaires», ajoutant: «Nous ne savons pas si ces salaires seraient compensés par certaines des choses qu'ils demandent».

Les Métallos ont réagi en feignant l'indignation lundi dernier lors de l'annonce du dernier rachat d'actions par Arconic, d'une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars, cette fois à 500 millions de dollars US.

Alcoa a racheté Reynolds Metals inc. en 2001. Dans les années 2000, il y a eu un certain nombre d'acquisitions d'usines de fusion et d'affineries basées à l'étranger, notamment en Russie et au Brésil. Il faut également noter qu'Alcoa est l'entreprise qui a produit les panneaux de composites d’aluminium Reynobond PE qui ont pris feu lors de l'horrible incendie de la tour Grenfell en juin 2017.

Lors de la scission d’Arconic et Alcoa, l’entreprise et le syndicat avaient promis des garanties aux travailleurs. Derrière la scission se trouvait le fonds spéculatif d'actionnaires Elliott Management, dirigé par le milliardaire Paul Singer, qui est ce que les publications du secteur financier appellent un «fonds vautour». Ces fonds dépouillent les actifs des entreprises et s'attaquent aux emplois, salaires et avantages des travailleurs.

Singer est également un partisan de l'extrême droite et a fait don d'un million de dollars au comité inaugural de Donald Trump.

Un communiqué de presse des Métallos concernant la scission déclarait alors: «Les Métallos sont heureux que le régime de retraite couvrant les employés horaires d'Alcoa Corporation soit entièrement capitalisé sur la base de l'ERISA après la scission». Nous sommes convaincus que la répartition des obligations en matière de pensions et de soins de santé des retraités est équilibrée et durable. Le résultat, cependant, a été d'affaiblir et de diviser les travailleurs au profit des riches investisseurs.

Le Syndicat des Métallos, qui a été un ardent partisan des politiques commerciales nationalistes qui divisent la classe ouvrière internationale, compte plus de 850.000 membres actifs. Plutôt que de préparer les travailleurs de toute l'industrie à une grève contre les demandes de concessions des entreprises du monde entier, elle a uni ses forces à celles de la direction pour priver les travailleurs des droits et avantages durement acquis.

Le comité de négociation des Métallos est dirigé par le vice-président international Tom Conway. En réponse à la rupture des pourparlers avec Alcoa, il a déclaré: «La direction devrait maintenant comprendre que nous sommes déterminés à négocier des ententes équitables et rien de moins».

Il a ajouté que «nos membres à Alcoa créent une valeur inestimable et ont mérité un contrat qui reconnaît leur contribution au succès continu de l'entreprise».

En 2015, Alcoa a acheté RTI à Niles, dans l'Ohio, qui fait maintenant partie d'Arconic, où les travailleurs ont été contraints par les Métallos de travailler sans contrat depuis le 30 juin 2018. En 2017, Arconic a annoncé un contrat de 1,1 milliard de dollars pour la fourniture de pièces en titane destinées aux avions de combat Lockheed-Martin commandés par l'armée américaine. En mars dernier, l'usine a annoncé la mise à pied de 12 des 750 employés.

En décembre et mars derniers, Arconic et Alcoa avaient respectivement conclu des accords avec la New York Power Authority (NYPA), supervisée par le gouverneur démocrate Andrew Cuomo, qui a donné aux centrales de Massena accès à de l’énergie bon marché pour augmenter les profits des investisseurs.

De nombreux travailleurs ont pris la mesure de la servilité de la bureaucratie envers les entreprises, illustrée par le slogan du Syndicat des Métallos «Un contrat équitable maintenant!»

Sur la page Facebook de la section locale 105 du Syndicat des Métallos dans l'Iowa, un travailleur a demandé aux clients d'Arconic ce qu’ils penseraient de la baisse de qualité des produits entraînée par le travail de briseurs de grève. Susan Pyle Davis a répondu: «Je travaille chez Arconic à Niles, en Ohio, dans le service des inspections depuis maintenant 23 ans. Il y a eu tellement de changements ici, c’est incroyable ! Nous n'avons pas de contrat depuis près d’un an. J'ai aussi été en grève et en lock-out avec l'ancien RMI, qui est maintenant Arconic. Le contrat de défense ne signifiait rien pour eux pendant les 18 mois de grève. J’ai bien peur que nous ayons une lutte qui approche».

Sur les médias sociaux, le Syndicat des Métallos s'est montré évasif lorsqu'il a répondu aux questions concernant le report du vote de grève et a expliqué que tout le monde devrait «assister aux réunions syndicales» sans quoi la direction serait au courant de ses plans. Un travailleur a décrit avec justesse le motif des cachotteries du syndicat. «On dirait que nous devons attendre qu'ils aient suffisamment de travailleurs [pour maintenir la production] avant de déclencher la grève».

(Article paru en anglais le 25 mai 2019)

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