Un an après la réforme ferroviaire en France, les cheminots manifestent

Face à la colère des cheminots un an après la réforme ferroviaire contre la fermeture des gares et la dégradation des conditions de travail, les syndicats ont appelé à une mobilisation le 4 juin. Cette manifestation nationale à l’appel de quatre syndicats était la première depuis la promulgation de la réforme ferroviaire qui privatise la SNCF et casse le statut des cheminots. 15 000 cheminots ont manifesté sur Paris selon la CGT pour dénoncer cette privatisation de la SNCF voulue par Macron.

La privatisation de la SNCF a créé une hécatombe sociale qui démontre la nécessité pour les cheminots de prendre en main leurs propres luttes, indépendamment des syndicats.

Environ 2.100 postes seront éliminés cette année, ainsi que 300 dans le fret, alors que de de nombreuses gares voire des lignes entières ferment surtout dans les zones rurales. Une vingtaine de suicides ont eu lieu depuis le début de l’année, en lien avec la restructuration de la SNCF, évoquant des comparaisons avec la vague de suicides causés à France Télécom par la froide décision des cadres d’essayer de démoraliser et de déprimer les travailleurs pour les forcer à démissionner.

A présent que les «gilets jaunes» débordent les appareils syndicaux depuis six mois, et que des grèves contre l’austérité se profilent à travers l’Europe, depuis le Portugal jusqu’aux enseignants polonais, les syndicats du rail se sentent obligés d’organiser une mobilisation symbolique. «Si le gouvernement ne réagit pas, c'est sûr que d'ici la fin de l'année, il y aura un conflit», a prévenu le cégétiste Laurent Brun devant l’Agence France-Presse.

La colère et la combativité des cheminots soulignent le rôle réactionnaire des syndicats qui ont négocié la loi travail avec le PS, puis organisé une grève "perlée" et impuissante contre la privatisation imposée par Macron. Ils n’ont fait qu’étrangler la puissante opposition qui existait parmi les cheminots à la profonde dégradation des conditions de travail et de service sous Macron.

Sur Paris les reporters du WSWS ont pu rencontrer Laurent, chef de gare dans l’Allier qui proteste contre «cette attaque du gouvernement Macron qui veut une réduction des conditions de travail, une réduction sociale des travailleurs ferroviaires de la SNCF en général puisque c'est un service public. Nous on veut un développement du service public. On ne veut pas de fermeture des gares, des suppressions de personnel.»

Laurent la compare la privatisation du rail sous Thatcher et les politiques libérales de Reagan avec la politique de Macron: «On veut c'est une offre pertinente pour l'environnement social, pour les voyageurs et pour le client. On a vu exactement la même chose que sous l'ère Thatcher qui a tout dynamité. Cela s’est traduit par une dégradation de l'offre, une augmentation des tarifs au détriment des voyageurs. Depuis Reagan et Thatcher on utilise toujours les mêmes méthodes. ... On se rend compte que ce sont les travailleurs qui souffrent.»

Enfin le WSWS a rencontré un ancien délégué syndical voulant rester anonyme. Celui-ci explique être venu manifester pour «le maintien du ferroviaire dans le service public»: «C'est une attaque, tout à fait. En France les chemins de fer ont été nationalisée à la fin du Front Populaire c'était avant la Deuxième Guerre mondiale. Au sortir de la guerre, il y avait 525.000 travailleurs à la SNCF. Aujourd'hui, alors qu'il y a beaucoup plus de population et des besoins supérieurs, on est à environ 145.000.»

Il a ajouté: «Progressivement on va perdre les agents au statut, qui ont encore la Caisse de prévoyance, des facilités de circulation. Tout ça progressivement ça va disparaître. Alors on aligne sur ce qu'il y a de plus mauvais, c'est à dire sur la précarité, les CDD au lieu de maintenir les emplois statutaires. On a vu en Grande-Bretagne dans les mois qui ont suivi la privatisation et l'éclatement de la British Airways en de multiples sociétés privées. On est en train de faire pareil avec les chemins de fer en France et dans de trop nombreux pays en Europe et c'est pour cela j'ai vu qu'il y avait des camarades d'Allemagne qui venaient manifester avec nous.»

Sur les suicides, l’ancien délégué a dit: «C’est abominable. Il faut que l’on empêche que des situations comme à France Télécom se produisent.»

Sur la grève perlée des syndicats contre la réforme ferroviaire de Macron, il a observé qu’elle n’a servi à rien: «Is n'entendent rien, parce qu'on a un pouvoir qui est antidémocratique. ».

En fait, le régime indubitablement antidémocratique de Macron n’explique pas à lui seul la défaite subie par les cheminots en 2018. En fait, les syndicats et les appareils politiques qui y sont liés avaient approuvé et négocié tout le processus de privatisation avec le PS et Macron. Ils négociaient déjà sous le gouvernement PS, il y a cinq ans, la privatisation de la SNCF et la casse du statut des cheminots. Pendant le mouvement des cheminots, la CGT et Sud Rail ne se sont pas dit opposés à la réforme et ont demandé à la négocier avec le premier ministre Edouard Philippe.

Comme le soulignait le magazine Challenges, les négociations entre les syndicats et le gouvernement étaient bien avancées avant l’arrivée du gouvernement Macron. Les travailleurs ne peuvent rien attendre de la CGT et de Sud Rail. Ils ont isolé les cheminots des autres secteurs en lutte comme chez Air France, l’énergie ou encore les étudiants car ils craignaient d’être débordés par un mouvement de la population qui entrerait en lutte massivement contre le pouvoir en France et à travers l’Europe.

Cette réforme ferroviaire fait partie d’une attaque plus large contre les acquis sociaux de la classe ouvrière depuis la révolution d’Octobre et plus particulièrement après les concessions accordées après la seconde guerre mondiale. Ayant lancé la privatisation de la SNCF, le pouvoir s’attaque à présent aux retraites, à l’assurance chômage et à l’éducation. Les centaines de milliards d’euros transféré à la bourgeoisie sur le dos de la classe ouvrière servent à compenser les milliards de cadeaux fiscaux fait aux riches et la modernisation de l’armée.

En organisant des grèves perlées, les syndicats refusaient d’organiser une lutte pour protéger ces acquis qui aurait mis en danger leurs relations avec la bourgeoisie, et les dizaines de millions d’euros qu’ils reçoivent des entreprises et de l’État dans le cadre du dialogue social dont ils dépendent financièrement.

Le mouvement des «gilets jaunes» qui a éclaté quelques mois après la trahison des cheminots par les syndicats a révélé gouffre qui sépare les appareils syndicaux et la pseudo gauche et des réelles aspirations de la classe ouvrière. Ce mouvement souligne la nécessité pour les travailleurs de s'organiser indépendamment des syndicats, et en mobilisant plus largement les travailleurs en France et à l'international dans une lutte véritable qui devra être une lutte pour le pouvoir.text

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