L’anniversaire de l’incendie de Grenfell utilisé par la pseudo-gauche pour promouvoir le parti travailliste et Corbyn

Le deuxième anniversaire de l’incendie de la tour Grenfell du 14 juin 2017 a attiré des milliers de personnes à la marche blanche vendredi soir dernier. Le même jour, à midi, 72 secondes de silence étaient respectées en honneur aux victimes.

Une lumière verte brillante, la couleur adoptée par la communauté locale autour de Grenfell, a été projetée sur la bâche blanche qui recouvre maintenant le squelette calciné de la tour.

Le gouvernement conservateur de Theresa May - qui n'a rien fait pour traduire en justice les criminels politiques et d’entreprises - a également recouvert la façade de la résidence officielle du premier ministre d’une lumière verte. Le palais de Kensington, résidence de l'héritier du trône, le prince William, à quelques kilomètres de Grenfell, était également éclairé en vert.

Tous les mots mielleux et les mises en scènes soigneusement orchestrées de la part du gouvernement ne peuvent dissimuler le mépris qu’ils ont pour les survivants de Grenfell, les familles et amis en deuil et tous ceux qui demandent que la justice soit faite contre les auteurs de ce crime odieux.

Rien n'a changé au cours des deux dernières années. Le deuxième anniversaire s'est déroulé dans une situation où pas une personne n’a été arrêtée, encore moins inculpée et traduite en justice pour les 72 décès. Des centaines de milliers de personnes habitent encore et fréquentent régulièrement des bâtiments publics peu sûrs.

Le jour de l'anniversaire, les recherches du Building Safety Program (le projet de la sécurité du BTP) ont montré que 328 tours en Angleterre ont toujours un revêtement extrêmement inflammable et dangereux, similaire à celui utilisé à Grenfell, et que les travaux pour l’éliminer de 221 d'entre eux n'ont pas encore été démarrés.

Les gens se rassemblent près de la tour Grenfell (en haut à droite) pour marquer le deuxième anniversaire de l'incendie

Jeremy Corbyn, leader travailliste, et le député travailliste de Kensington et de Chelsea Emma Dent-Coad assistaient à la marche blanche. Malgré quelques tweets publiés ce week-end, Corbyn et Dent-Coad ont joué un rôle essentiel dans la légitimation d'une enquête mise en place par le gouvernement, qui excluait tout examen des facteurs sociaux et économiques à l'origine de l'incendie et n'était pas habilitée à poursuivre quiconque en justice dans le cadre de la loi 2005 sur les enquêtes adoptée par le gouvernement travailliste.

L’enquête devait fournir les résultats préliminaires dans les semaines qui ont suivi l’incendie, mais pas un seul mot n’a été encore publié et ne devrait même pas publier son rapport préliminaire avant la fin de cette année.

Les groupes de la pseudo-gauche, principalement le Socialist Party (SP) et Socialist Workers Party (SWP), ont joué un rôle crucial dans la légitimation de cette dissimulation.

La réponse du SP au deuxième anniversaire insistait pour dire que le seul moyen par laquelle la justice peut être rendue est par le biais du Parti travailliste et les syndicats. Leur publication socialiste décrit un scénario fantastique dans lequel Corbyn mène un assaut, aux côtés de son chancelier fantôme, John McDonnell, non seulement contre le gouvernement conservateur, mais ce qu'ils dénomment comme «l'aile pro-capitaliste du Parti travailliste».

Jeremy Corbyn (à gauche) and Emma Dent-Coad

Le SP écrivait dans un souffle: «Les conseils municipaux travaillistes doivent refuser d’acter toutes nouvelles coupes sociales, arrêter toute privatisation de logements, de réparations et de rénovations! Le maire de Londres, Sadiq Khan, doit annuler toutes les coupes sociales imposées aux pompiers de Londres et les autres municipalités travaillistes doivent faire de même.»

«Jeremy Corbyn et John McDonnell doivent réclamer cela immédiatement et engager un futur gouvernement travailliste à rembourser toute municipalité qui utilise des réserves et des capacités d'emprunt pour rendre les logements plus sûres et annuler les coupes sociales municipales maintenant.»

«Le sentiment d'être ignoré et abandonné prévaut chez les locataires. Jeremy Corbyn et les syndicats devraient réagir en agissant comme leurs moyens d’expression […] Mais cela impliquera de se préparer à une rupture décisive avec l'aile pro-capitaliste du Parti travailliste».

C'est de la politique fantaisiste. L'appel du groupe Justice pour Grenfell et de la pseudo-gauche à un gouvernement travailliste comme la voie à suivre dans la lutte pour la justice ne peut dissimuler le fait que ce sont des conseils municipaux contrôlés par le parti travailliste qui sont en première ligne des politiques de nettoyage social (l’élimination des membres de la communauté considérés comme indésirables), alors qu’ils imposent des coupes draconiennes dans les services sociaux vitaux.

Le Parti travailliste n’a pas daile pro-capitaliste. C’est un parti pro-capitaliste et s’il avait été au pouvoir dans l’arrondissement du Royal Borough de Kensington et Chelsea, il aurait réalisé les mêmes politiques antisociales de logement que les conservateurs.

Le SWP n'a rien de politique à dire sur l’incendie, si ce n'est une description de la façon dont les conservateurs protègent les coupables, car en dire davantage, cela aurait des répercussions sur leurs relations avec la bureaucratie syndicale et travailliste.

Un article paru dans Socialist Worker du SWP deux ans après l'incendie conclut que des milliers de personnes vivent toujours dans des immeubles peu sûrs et que «l'inaction des conservateurs risque de produire de nouveaux Grenfell. A moins que les militants qui se battent pour la justice puissent riposter à la campagne pour faire trainer les choses et de se refiler la patate chaude.»

La manière d'y arriver n’est jamais expliquée.

Le SWP a joué un rôle central au sein de Justice pour Grenfell dans l'organisation de la Marche de solidarité pour Grenfell samedi. Elle était soutenue par le Congrès des syndicats de la région de Londres Est et Sud-Est, le Syndicat des pompiers et le Syndicat des chemins de fer, du maritime et des transports. Mais ce qui était présenté comme un rassemblement national était encore plus petit que celui de l'année dernière, avec seulement quelques centaines de personnes présentes.

Pour donner de l’apparence d'un rassemblement plus substantiel, Justice pour Grenfell avait appelé les sections syndicales à y assister avec leurs banderoles. Ceci a permis au SWP, cherchant constamment à renforcer l'autorité affaiblie des syndicats, de se vanter dans son compte rendu du rassemblement: «Les bannières FBU[pompiers] étaient très présentes venant de toute la Grande-Bretagne, à côté de celles de Hackney NUT (enseignants), London Met Unison, Dundee TUC [Fédération syndicale], London Magazine NUJ [syndicat des journalistes de Londres], le syndicat Unite de Londres et de l’Est et Greenwich et Bexley TUC.»

La marche était axée sur les appels à maintenir la campagne pour la justice liée aux appels au gouvernement conservateur d’agir. La porte-parole de Justice pour Grenfell et partisane du SWP, Moyra Samuels, a commencé en pointant le doigt à Downing Street [résidence du premier ministre] et a déclaré: «Il est temps de mettre ce gouvernement devant ses responsabilités pour qu’il rende justice aux survivants en deuil et à la communauté de Grenfell […] nous voulons qu’on nous rende des comptes, nous voulons établir les responsabilités et nous ne pouvons pas attendre avec des promesses vides.»

Corbyn, dans un rituel maintenant connu depuis qu'il est devenu chef du Parti travailliste, a envoyé un message au rassemblement en déclarant: «Je suis désolé de ne pouvoir être avec vous aujourd'hui.»

Le lendemain de l'incendie de Grenfell, il avait demandé: «Comment cela peut-il se produire dans le quartier le plus riche d'une des villes les plus riches du monde?». La question «n'a toujours pas été résolue et les responsables n'ont toujours pas été tenu de répondre aux faits.»

Corbyn sait pertinemment qu'il n'y a pas de réponse car tout le monde a été contraint de soutenir une enquête gouvernementale. La police a déclaré qu'il n'y avait aucune possibilité que des accusations soient portées contre qui que ce soit avant la fin de l'enquête, et encore.

S'exprimant au nom de la FBU des pompiers, son président Ian Murray a été obligé de formuler certaines critiques sur cette enquête discréditée alors même que son syndicat l'approuvait toujours. Il a déclaré: «Cette [enquête] ne peut être autorisée à se transformer en une autre enquête du genre de Hillsborough [ enquête sur la catastrophe de football] qui prend 30 ans pour obtenir la vérité et obtenir des réponses.»

Mais tout en affirmant qu’un autre résultat comme Hillsborough serait opposé, il a ajouté: «Peu importe le temps quils prennent pour éterniser lenquête sur la tour Grenfell, nous ne laisserons pas cela devenir une tentative de dissimulation et tant que nous n’aurons pas obtenu les réponses et obtenu la vérité, nous seront de retour ici année après année à l'occasion de l'anniversaire de Grenfell… »[Soulignement ajouté]

Kasim Ali, conseiller municipal travailliste du quartier Gelgarno de Kensington et de Chelsea a été accordé une place de choix sur la tribune. Ali était auparavant conseiller présidentiel pour le programme de développement national auprès du président somalien. Il a raconté qu'il était un résident qui avait assisté à l'incendie de Grenfell et avait décidé que le seul moyen de réagir était de rejoindre le Parti travailliste. Ce que tout le monde devrait faire maintenant, a-t-il conseillé, c’est d'attendre l'arrivée d'un nouveau gouvernement travailliste.

(Article paru en anglais le 17 juin 2019)

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