Premier débat démocrate: démagogie sur les questions sociales et silence sur la guerre

Quatre heures de débats télévisés à l'échelle nationale mercredi et jeudi entre 20 candidats démocrates à l'élection présidentielle ont démontré le décalage gigantesque entre les prétentions de ce parti proguerre et propatronal, qui dit s’inquiéter du bien-être des travailleurs et de la pauvreté et l'oppression en Amérique, dont le Parti démocrate n'est pas moins responsable que les républicains.

La mise en scène organisée par NBC a marqué le début formel d'un processus électoral dominé par l'argent et complètement manipulé par les médias officiels.

La tentative de contenir l'opposition croissante de gauche dans la classe ouvrière et de la canaliser derrière le deuxième parti capitaliste le plus ancien du monde a nécessairement pris la forme de mensonges et de démagogie. Dans la plupart des cas, les politiciens en lice, qui se situent tous dans les 10 % supérieurs de l'échelle des revenus, ont promis de fournir des soins de santé, des emplois, des écoles décentes, l’université sans frais de scolarité et un environnement propre pour tous, sachant très bien qu'ils n'ont pas l'intention de réaliser ces promesses.

Personne – ni les «experts» millionnaires des médias qui ont posé les questions ni les candidats – n'a osé mentionner le fait que le Parti démocrate vient tout juste de voter en faveur de l'octroi à Trump de 4,9 milliards de dollars supplémentaires pour rassembler, détenir et torturer des centaines de milliers d'immigrants, dont des enfants, dans le réseau croissant de camps de concentration qui se mettent en place aux États-Unis. Les faits, comme le veut l’expression, sont têtus, et ce fait en particulier démontre la complicité du Parti démocrate dans les politiques fascisantes de l'administration Trump.

La deuxième soirée du débat mettait en vedette les principaux protagonistes, l'ancien vice-président Joe Biden et le sénateur Bernie Sanders du Vermont. Biden a une longue expérience de la politique réactionnaire, y compris au sein de l'administration Obama. Sanders poursuit son rôle dans cette élection, comme en 2016, qui vise à canaliser le soutien croissant au socialisme derrière un parti de droite.

La fraude d'un candidat démocrate et présidentiel «progressiste» a été résumée dans la déclaration quasi universelle des médias selon laquelle la sénatrice Kamala Harris soit clairement sortie vainqueur, dans le cadre d'un effort coordonné pour promouvoir sa candidature. La sénatrice afro-américaine a été félicitée pour avoir attaqué Biden pour des déclarations vantant sa capacité dans le passé à collaborer avec des sénateurs ségrégationnistes et son opposition passée au transport scolaire dans un but d’intégration.

C'est Harris qui a adopté la posture la plus transparente et la plus bidon du radicalisme de gauche dans le débat de jeudi soir, déclarant à plusieurs reprises son accord avec Bernie Sanders et levant la main, avec Sanders, pour soutenir l'abolition de l'assurance maladie privée en faveur d'un système à payeur unique. Vendredi matin, cependant, elle a renversé cette position, affirmant qu'elle avait «mal entendu» la question et se déclarant en faveur du maintien de l'assurance privée.

Harris s'est hissé au Sénat en servant pendant des années dans la région de la baie de Californie en tant que procureur de district et procureur général de l'État, défendant les tueurs policiers et les banquiers impliqués dans des fraudes de saisie, dont l'actuel secrétaire au Trésor de Trump, Steven Mnuchin. Membre de la commission sénatoriale du renseignement, elle a été l'une des démocrates les plus féroces à attaquer Trump en tant que larbin du président russe Poutine. Dans le débat de jeudi, sa principale incursion dans la politique étrangère a été de dénoncer Trump pour sa mollesse envers Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.

Elle est promue avec beaucoup d'enthousiasme par les sections de la classe dirigeante, dont les vues sont défendues par le New York Times, qui veulent que la campagne démocrate soit dominée par des politiques de genre et de race afin de mobiliser la riche base de la classe moyenne supérieure du parti et de détourner et diviser la colère généralisée de la classe ouvrière contre les inégalités sociales.

Beaucoup de candidats ont rappelé avec nostalgie l'administration Obama. Mais durant ces huit années, le plus grand transfert de richesse des travailleurs vers les super riches de l'histoire américaine a été effectué. Le rythme a été donné par le renflouement initial de 700 milliards de dollars de Wall Street, qui a été étendu à d'innombrables billions de dollars en 2009, combiné au renflouement des compagnies automobiles aux dépens des travailleurs de l'automobile, qui ont subi des réductions massives des prestations et une réduction de 50 % du salaire des nouveaux employés, avec l'aval de l’UAW.

L'administration Obama a également expulsé plus d'immigrants que quiconque, un fait qui a été soulevé dans une question au vice-président Biden, qui s'est limité à des déclarations de compassion vides pour les victimes de la persécution de Trump, tout en niant toute comparaison entre Trump et Obama.

Le sénateur Michael Bennet, du Colorado, a attaqué Biden pour s'être attribué le mérite d'un accord budgétaire bipartite conclu en 2011 avec le leader républicain du Sénat, Mitch McConnell. Loin d'un véritable compromis, a-t-il dit, l'accord «a été une victoire complète pour le Tea Party. Il a prolongé de façon permanente les réductions d'impôt de Bush», ainsi que la mise en place de réductions importantes des dépenses sociales qui se poursuivent jusqu'à ce jour. Bennet a omis de mentionner qu'il avait lui-même voté en faveur de l'accord lorsqu'il a été adopté par le Sénat avec une large majorité.

Il est remarquable que, dans des conditions où le président Trump lui-même a déclaré que les États-Unis n'étaient qu'à 10 minutes de lancer un assaut majeur contre l'Iran plus tôt ce mois-ci, les 20 candidats démocrates n’aient presque pas passé de temps à discuter de politique étrangère.

En l'espace de quatre heures, il n'y a eu que quelques minutes consacrées au monde en dehors des États-Unis. Le silence sur le reste du monde ne peut être expliqué comme l’expression d’un simple esprit de clocher.

De nombreux candidats démocrates à la présidence sont profondément impliqués soit dans l'élaboration des politiques, soit dans les opérations de combat de l'impérialisme américain. Parmi les 20 candidats figurent deux qui ont été déployés comme officiers militaires en Irak et en Afghanistan, Buttigieg et Tulsi Gabbard; Biden, vice-président pendant huit ans et ancien président de la Commission sénatoriale des relations étrangères; et cinq sénateurs qui sont membres de commissions de sécurité nationale de haut niveau: Harris et Bennet au Comité sénatorial du renseignement, Elizabeth Warren et Kirsten Gillibrand au Comité des forces armées, et Cory Booker au Comité des relations étrangères.

Si ces gens décident de ne pas discuter de politique étrangère, la raison est claire: les démocrates savent que le peuple américain s'oppose catégoriquement aux nouvelles interventions militaires. Ils cherchent donc à dissimuler les préparatifs de l'impérialisme américain pour les grandes guerres, qu'il s'agisse de conflits régionaux avec l'Iran, la Corée du Nord ou le Venezuela, ou de conflits avec des rivaux mondiaux dotés d'armes nucléaires comme la Chine et la Russie.

Dans les quelques commentaires qui ont été faits sur la politique étrangère, les candidats démocrates ont adopté un ton belliqueux. Mercredi, quatre des dix candidats ont déclaré que la principale menace mondiale pour les États-Unis était la Chine, tandis que le maire de New York, Bill de Blasio, a choisi la Russie. De nombreux candidats ont évoqué la nécessité de lutter contre l'ingérence russe dans les élections américaines – recyclant les fausses allégations selon lesquelles l'«ingérence» de la Russie aurait aidé Trump à entrer à la Maison-Blanche en 2016.

Le premier soir, la représentante d'Hawaï Tulsi Gabbard, à qui l'on a demandé de nommer la plus grande menace pour la sécurité mondiale, a répondu: «La plus grande menace à laquelle nous sommes confrontés est le risque de guerre nucléaire que nous courons aujourd'hui plus que jamais auparavant dans l'histoire.» Cette déclaration remarquable a été passée sous silence par les modérateurs et les autres candidats, et le sujet n'a pas été soulevé du tout la deuxième soirée, y compris par Bernie Sanders.

(Article paru en anglais le 29 juin 2019)

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