Les manifestants de Hong Kong font appel au soutien des Chinois du continent

Une autre manifestation massive a eu lieu dimanche à Hong Kong, la dernière en date depuis la colère suscitée par un projet de loi controversé sur l'extradition qui a fait descendre un million de personnes dans la rue il y a un mois. Cette fois, les manifestants ont marché à Kowloon, qui est relié au continent. Les organisateurs ont estimé que 230.000 personnes ont participé à la marche qui avait pour but de lancer un appel aux Chinois de la Chine continentale visitant la ville. La police a estimé la participation à 56.000 personnes.

Les manifestants de Hong Kong ont été motivés par la peur de l'érosion des droits démocratiques et de la désillusion générale part rapport à l'avenir dans une ville où 20% de la population vit dans la pauvreté. La marche de dimanche a commencé à Tsim Sha Tsui, un quartier qu'affectionnent les touristes chinois, et s'est terminée à la gare de West Kowloon où le train à grande vitesse arrive de Guangzhou et de Shenzhen.
Les manifestants étaient motivés par le désir de surmonter la censure des événements de Hong Kong qui est très stricte sur le continent. Eddison Ng, un manifestant de 18 ans, a déclaré à l'AFP : «Nous voulons montrer aux touristes, y compris aux touristes de Chine continentale, ce qui se passe à Hong Kong et nous espérons qu'ils pourront ramener cette idée en Chine.»

Les manifestants ont utilisé le Bluetooth pour envoyer des tracts écrits en mandarin aux téléphones cellulaires des gens et des bannières et des pancartes tenues par les manifestants ont été écrites avec des caractères chinois simplifiés. Les deux sont utilisés sur le continent tandis que les caractères cantonais et chinois traditionnels prédominent à Hong Kong.

Alors que la marche elle-même était pacifique, la police et les manifestants se sont affrontés dans le quartier voisin de Mong Kok, un quartier ouvrier densément peuplé de Hong Kong. Lorsque quelques centaines de manifestants ont refusé de se disperser, la police anti-émeute les a attaqués à coups de matraque et procédé à de nombreuses arrestations.

La marche de dimanche était la première depuis que les manifestations ont commencé à avoir lieu sur l'île principale de Hong Kong où se trouve le complexe gouvernemental. Les manifestants ont continué de faire les mêmes demandes, dont le retrait total du projet de loi d'extradition soutenu par Pékin, dont ils craignent qu'il soit utilisé pour arrêter et envoyer des dissidents politiques sur le continent. À l'heure actuelle, le projet de loi n'a été reporté que pour une période indéterminée.

Les autres revendications portent sur une enquête indépendante sur les violences policières, l'amnistie pour toutes les personnes arrêtées lors des récentes manifestations et la démission de la Directrice générale Carrie Lam. Pékin a continué à la soutenir publiquement et rien n'indique qu'elle ait l'intention de se retirer. Le gouvernement de Mme Lam a répondu aux demandes avec mépris.

L'une des conseillères de Lam et membre du Conseil exécutif, Fanny Law, a déclaré samedi: «La politique est l'art du compromis... et le gouvernement a déjà suspendu le projet de loi sans l'intention de le présenter de nouveau. C'est en fait la même chose que de le retirer. Que voulez-vous d'autre?» Law a également dénoncé le refus des étudiants d'accepter une réunion à huis clos avec Lam, qualifiant leur décision de «coup publicitaire».

Pékin a également proféré des menaces voilées selon lesquelles il pourrait utiliser sa garnison militaire stationnée à Hong Kong pour réprimer les protestations si elles se poursuivent ou si elles débordent les autorités de Hong Kong. Le PLA Daily, le journal officiel de l'armée chinoise, a publié le 2 juillet un rare reportage sur les exercices militaires de la semaine précédente de la garnison de Hong Kong. Le reportage a été publié un jour après que des manifestants se sont introduits par effraction dans le bâtiment du Conseil législatif (LegCo) et l'ont occupé.

Pékin craint profondément que les protestations ne s'étendent au continent, où le mécontentement social est également très vif. Les médias publics ont bloqué la plupart des reportages sur les manifestations, mais ils ont couvert l'occupation de LegCo, dénonçant les manifestants comme «ultra-radicaux» et «extrêmement violents», par rapport aux «gens de tous les milieux à Hong Kong» qui célébraient le 1er juillet l'anniversaire de la rétrocession de la ville à la Chine par la Grande-Bretagne.

Des sections des grandes entreprises de Hong Kong qui avaient initialement soutenu les protestations contre le projet de loi sur l'extradition ont retiré leur soutien en invoquant la violence. En réalité, cependant, ils ne font que couvrir leurs traces avec des banalités moralisatrices. Leurs véritables préoccupations ont été résumées dans un article du Financial Times du 7 juillet. Roy Lim, un dirigeant de l'entrepriseTung Hing Automation, le plus grand distributeur d'équipement d'automatisation de Mitsubishi en Chine, a déclaré avoir initialement marché avec des manifestants début juin. Il a dénoncé un sit-in au bureau des impôts de Hong Kong le 24 juin.

«Je ne suis pas du tout d'accord avec ce que les gens ont fait, ce n'est pas nécessaire, surtout quand le gouvernement a déjà fait marche arrière[sur le projet de loi d'extradition]», s'est plaint Lim. «C'est vraiment devenu incontrôlable. Nous voulons que les choses se calment parce que si les gens continuent d'entourer les édifices gouvernementaux, cela affectera[le milieu des affaires].»

En d'autres termes, alors que certaines parties de la bourgeoisie soutenaient la suspension du projet de loi sur l'extradition, craignant qu'il n'affecte négativement les opérations commerciales s'il était adopté, craignent maintenant que les manifestations ne fassent de même. Ils craignent également que les manifestations en cours ne commencent à soulever des questions sociales plus larges dans l'une des villes les plus inégales du monde et ne conduisent à des revendications qui remettent directement en cause le pouvoir capitaliste.

Ceux qui s'intéressent réellement aux droits démocratiques et à l'égalité sociale à Hong Kong et dans l'ensemble de la Chine doivent en prendre note: aucune section de la bourgeoisie n'est leur alliée, qu'il s'agisse des grandes entreprises à Hong Kong ou de leurs représentants politiques dans les pan-démocrates. Il en va de même pour l'impérialisme américain et britannique, auquel les pan-démocrates et les dirigeants protestataires ont également fait appel. Tous chercheront à utiliser le mouvement de protestation à leurs propres fins tout en le détournant vers des voies balisées.

C'est pourquoi il est si important de tendre la main aux Chinois du continent. La seule façon de lutter pour les droits démocratiques et sociaux fondamentaux passe par l'unité de toute la classe ouvrière chinoise sur la base de l'internationalisme socialiste dans une lutte politique contre les gouvernements de Hong Kong et Beijing qui, les deux, défendent le système capitaliste.

(Article paru en anglais le 9 juillet 2019)

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