Trump abolit le droit d'asile à la frontière sud des États-Unis

L'administration Trump applique aujourd'hui une «règle provisoire finale» rédigée par les départements de la justice et de la sécurité intérieure des États-Unis, qui scellera efficacement la frontière sud des États-Unis contre les hommes, femmes et enfants demandeurs d'asile pour fuire la violence et la répression en Amérique centrale et au-delà.

Dans une autre affirmation du pouvoir exécutif sans entraves, le décret de Trump sur l'asile bafoue le droit américain et international.

La règle provisoire ordonne aux gardes-frontières américains de refuser sommairement l'asile à toute personne qui «entre ou tente d'entrer aux États-Unis par la frontière sud ayant omis de demander la protection dans un pays tiers autre que le pays de citoyenneté, de nationalité ou de dernière résidence habituelle légale de l'étranger par lequel il a transité en route pour les États-Unis.»

Cela signifie que ceux qui tentent de demander l'asile aux points d'entrée situés le long de la frontière sud des États-Unis se verront simplement demander s'ils ont demandé l'asile au Mexique ou au Guatemala et, s'ils disent non, seront renvoyés. Entre-temps, ceux qui traversent le Rio Grande et le désert et se rendent à la patrouille frontalière seront déportés pour les mêmes motifs sans la moindre procédure régulière.

Cette mesure représente un resserrement notable des politiques d'immigration déjà draconiennes et cruelles mises en œuvre par l'administration Trump. Il s'agit notamment d'une ordonnance de «rester au Mexique» qui a contraint les immigrants cherchant asile aux États-Unis à rester dans les villes frontalières mexicaines jusqu'à ce que leur cas soit jugé, sans logement, nourriture ou services adéquats, et en proie à une violence généralisée.

Le texte de l'arrêté provisoire est une parodie de principes juridiques, sans parler de principes démocratiques. Son principal argument est que le nombre de familles et d'enfants arrivant à la frontière américaine a créé trop de pression sur les départements du gouvernement qui ont appliqué la nouvelle décision et, en réponse, ils vont simplement imposer un refus d'asile général.

«L'arrestation du grand nombre d'étrangers qui entrent illégalement aux États-Unis et le traitement de leurs demandes d'asile et leurs craintes crédibles consomment une quantité démesurée de ressources de la part des départements», affirme l'arrêté.

William Barr, le servile procureur général d'extrême droite de Trump, a avancé un raisonnement similaire, affirmant que les États-Unis étaient «complètement submergés» par le flux de migrants à leur frontière sud. Il a prétendu que la nouvelle règle était un «emploi légal de l'autorité».

C'est un mensonge flagrant. La règle de Trump abroge une loi promulguée par le Congrès, le Refugee Act (Loi des réfugiés) de 1980, qui permet aux États-Unis de renvoyer les demandeurs d'asile dans un «pays tiers sûr» uniquement s'il existe un accord bilatéral ou multilatéral prévoyant un tel transfert. Un tel accord existe entre les États-Unis et le Canada.

La loi de 1980 a été promulguée pour se conformer au droit international régissant le traitement des réfugiés, des textes élaborés après la Seconde Guerre mondiale en réaction au refus criminel d'accorder l'asile aux Juifs qui furent donc renvoyés dans les camps de la mort de Hitler.

En juin, Trump avait fait pression sur le Mexique pour qu'il accepte un accord de «pays tiers sûr». Il a menacé de punir et d'augmenter les droits de douane sur les 350 milliards de dollars d'exportations mexicaines vers les États-Unis, à moins que le gouvernement du président Andrés Manuel López Obrador ne collabore plus directement à la mise en œuvre du programme fascisant anti-immigrants de la Maison Blanche.

López Obrador, malgré ses prétentions «gauchisantes», s'y est largement conformé, déployant la garde nationale mexicaine nouvellement créée aux frontières sud et nord du Mexique pour arrêter le flux des migrants, intensifiant ainsi les déportations et utilisant les méthodes de rafles et de violence. Jusqu'à présent, cependant, le gouvernement mexicain a refusé de conclure un accord de "pays tiers sûr" avec les États-Unis, malgré les affirmations de l'administration Trump en juin, selon lesquelles elle en avait un tel accord.

L'idée que le Mexique pourrait servir de tel pays est absurde. Les migrants sont régulièrement victimes de violences, de viols et de meurtres. Les médias mexicains ont récemment publié une photo d'un père et de son fils poignardés et laissés mourir à Morelos qui rappelait l'image sombre du père et de la fille salvadoriens qui se sont noyés dans le Rio Grande. L'agence mexicaine pour les réfugiés, quant à elle, a vu son budget pour 2019 réduit de 20 %, à seulement 1,1 million de dollars.

L'idée que le Guatemala puisse servir de «pays tiers sûr» est encore plus grotesque. Le taux d'assassinats dans le pays est plus élevé que le taux de mortalité en Irak ou en Afghanistan.

Il semble que la mise en œuvre de la nouvelle règle anti-asile ait été programmée pour coïncider avec une réunion à la Maison-Blanche lundi entre Trump et le président guatémaltèque Jimmy Morales, au cours de laquelle l'accord sur les «pays tiers sûrs» devait être signé. M. Morales a cependant annulé la réunion au dernier moment après que la Haute Cour guatémaltèque eut prononcé une injonction à la fin de la journée de dimanche au motif qu'un accord de ce type devrait être approuvé par l'assemblée législative du pays.

Le défi a été lancé par un groupe d'anciens ministres des affaires étrangères du Guatemala, dont l'un a déclaré aux médias qu'il ferait du pays «le plus grand camp de concentration de l'histoire». Les deux candidats de droite qui se disputent la succession de M. Morales lors du second tour de l'élection présidentielle du mois prochain s'y sont également opposés.

L'accord aurait permis aux États-Unis d'envoyer au Guatemala non seulement des ressortissants des États d'Amérique centrale, mais aussi les Haïtiens, les Africains et les Sud-Asiatiques se présentant à la frontière sud des États-Unis.

Faire du Guatemala un «pays tiers sûr» mettrait effectivement un terme au flux de réfugiés en provenance d'El Salvador et du Honduras qui doivent passer par ce pays. Vraisemblablement, les Guatémaltèques, qui fuient également la violence et la répression d'un État éperdument corrompu, se verraient refuser l'asile aux États-Unis au motif qu'ils n'ont pas demandé l'asile au Mexique.

Kevin McAleenan, secrétaire intérimaire à la Sécurité intérieure de Trump, a quant à lui affirmé que la nouvelle règle «contribuerait à réduire un facteur d'attraction majeur qui provoque la migration illégale.»

La réduction du «facteur d'attraction» est un objectif poursuivi par la brutalisation flagrante des immigrants et des réfugiés, qui ont été entassés dans des cages à la frontière dont la taille permet les gens de rester «debout seulement» et privés de nourriture et de conditions sanitaires adéquates.

Ce qui est ignoré dans l'adoption de ces politiques, c'est le «facteur d'incitation», qui sont les conditions de violence, de pauvreté et de corruption gouvernementale créées en Amérique centrale par plus d'un siècle d'oppression impérialiste américaine. Il s'agit notamment des guerres civiles violentes menées avec le soutien des États-Unis et des dictatures militaires imposées avec le soutien de Washington, qui ont entraîné la mort de centaines de milliers de civils. Au Guatemala, le régime militaire soutenu par les États-Unis a mené une campagne génocidaire pour éliminer des populations indigènes entières

L'influence malveillante de Washington s'est poursuivie sans interruption, l'administration Obama et la secrétaire d'État américaine de l'époque, Hillary Clinton, ayant appuyé un coup d'État au Honduras en 2009 qui a entraîné une escalade spectaculaire de la violence dans ce pays.

L'administration Trump a foulé au pied le droit d'asile à la suite de manifestations massives aux États-Unis, en opposition à la menace de rafles contre les immigrés dignes d'un État policier qui devaient commencer dimanche dernier.

Lundi, M. Trump a déclaré aux journalistes sur la pelouse de la Maison-Blanche que «les raids de l'ICE ont été très réussis», ajoutant que «Beaucoup, beaucoup ont été sortis dimanche - vous ne le saviez tout simplement pas.»

Rien n'indique toutefois qu'il y ait eu des ratissages massifs, et les responsables du département de la sécurité intérieure ont déclaré à certains médias que seule une «poignée» d'immigrés avaient été détenus.

Il y avait sans doute des raisons tactiques qui ont motivée la décision de ne pas lancer de rafles massives dans des conditions où l'intensification de la propagande pour la répression par la Maison-Blanche avait mis en état d'alerte les immigrants et une plus grande partie de la population. Dans certains cas où il y a eu des rafles, elles se sont heurtés à la résistance des voisins des personnes ciblées.

La large opposition aux politiques racistes et xénophobes anti-immigrés de l'administration Trump ne trouve cependant aucune expression dans le système politique existant. Le Parti démocrate est pleinement complice de la répression, ayant fourni une majorité de votes démocrates à la Chambre et au Sénat pour adopter un projet de loi de crédits d'urgence de 4,6 milliards de dollars pour construire un réseau de camps de concentration pour immigrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Pendant ce temps, les démocrates parrainent un projet de loi, le Northern Triangle and Border Stabilization Act (Loi du Triangle du nord et de stabilisation de la frontière), qui aurait le même effet que l'ordonnance anti-asile de Trump, créant des «centres de traitement» pour les réfugiés dans les pays d'Amérique centrale qu'ils fuient pour les empêcher de rejoindre la frontière américaine.

La répudiation par l'administration Trump du droit américain et international afin de réprimer les réfugiés vulnérables à la frontière sud des États-Unis, tout en tentant d'attiser la haine xénophobe et raciste contre eux, s'inscrit dans une attaque plus large contre toutes les formes de régime démocratique. Des méthodes de violence d'un Etat policier sont préparées contre l'ensemble de la classe ouvrière afin de défendre la richesse et les privilèges de l'élite dirigeante américaine contre une marée montante de la lutte des classes.

(Article paru en anglais le16 juillet 2019)

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