Des membres de gang attaquent les manifestants à Hong Kong

Environ 430.000 personnes ont de nouveau manifesté dimanche à Hong Kong en participant à une marche à travers les quartiers du centre et de l’ouest de la ville. Largement paisible, la nuit s’est cependant terminée par des violences dans différents quartiers de la ville, notamment lors d’une attaque dans une gare menée par des membres présumés du crime organisé ayant des liens avec le gouvernement de Hong Kong.

Cette attaque a eu lieu dimanche soir à la gare de Yuen Long, qui se trouve dans les Nouveaux Territoires. Armés de bâtons de métal, en bois et autres armes, des hommes semblant appartenir aux «triades» chinoises et vêtus de blanc – contrairement aux nombreux manifestants vêtus de noir – ont battus des passagers se trouvant dans un train revenant de la manifestation, envoyant 45 personnes à l’hôpital, dont une en état critique.

Un témoin a déclaré: «Ils frappaient les gens dans le wagon sans distinction de qui qu’ils soient, même ceux qui rentraient chez eux après le travail... des hommes nous protégeaient de leur corps. Ils ne se sont pas défendus, sinon nous aurions été battus encore plus fort. Ils ont battu même des femmes et des enfants.»

La police n’a pas réagi et a permis que l’attaque ait lieu, laissant les membres présumés des triades quitter les lieux, puis revenir une deuxième fois pour poursuivre leur attaque. Les policiers qui ont vu des hommes en blanc à proximité de la gare ont affirmé ne pas avoir vu d’armes et n’ont rien fait pour les arrêter, disant qu’ils ne pouvaient pas être sûrs s’ils étaient impliqués.

«Hong Kong permet-elle maintenant aux triades de faire ce qu’elles veulent, en tabassant les gens dans la rue avec des armes?» a demandé le législateur du Parti démocrate Lam Cheuk-ting, comptant parmi ces blessés.

Une vidéo montre le législateur pro-Beijing Junius Ho serrant la main d’hommes en blanc et les saluant avec un pouce en l’air. Ho a affirmé lors d’une conférence de presse lundi qu’il n’avait rien à voir avec l’attaque, mais a suggéré absurdement que les hommes «semblaient être des résidents normaux, tout comme les manifestants à vos yeux». Ho a déclaré que les agresseurs étaient ses amis et que «nous pouvons pardonner aux pécheurs».

Cette attaque marque une escalade de la violence de la part des autorités de Hong Kong. Il serait d’ailleurs tout à fait naïf de conclure que cette attaque a eu lieu sans le soutien de Beijing, qui craint de plus en plus que le mouvement de protestation ne s’étende au continent, où le mécontentement social est également élevé. Les militants de Hong Kong ont souligné le fait que les autorités du sud de la Chine ont l’habitude d’engager des membres de gangs pour intimider les manifestants ou quiconque a des griefs.

Selon le professeur T. Wing Lo, spécialiste des sociétés triadiques à la City University de Hong Kong: «Beijing affirme officiellement que certains dirigeants des triades sont aussi des patriotes et qu’ils aident à maintenir l’ordre social à Hong Kong... le [Parti communiste chinois] essaie de coopter beaucoup de gens, et notamment les chefs des triades. Ceux-ci reçoivent beaucoup d’argent du PCC par le biais d’intermédiaires. Il poursuit: si le PCC pense qu’il ne peut pas faire quelque chose, il va utiliser les triades pour le faire à sa place.»

La cheffe de l'exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, a cherché sans ménagement à blâmer les manifestants eux-mêmes pour cette attaque. «La violence ne fera qu’engendrer plus de violence et, en fin de compte, c’est l’ensemble de Hong Kong et du peuple qui en souffrira», a-t-elle déclaré.

Cette attaque s’inscrit dans le cadre d’une campagne intensifiée visant à maîtriser le mouvement de protestation. Incapable de contraindre les manifestants à mettre fin à leur lutte en suspendant le projet de loi controversé sur l’extradition qui avait initialement déclenché les manifestations, le gouvernement recourt de plus en plus à la violence, que celle-ci soit exercée par la police ou par des voyous engagés. Les autorités tenteraient également d’intimider les manifestants en utilisant des logiciels de reconnaissance faciale pour traquer 700 «principaux» manifestants.

Au cœur du mouvement de protestation, il y a beaucoup plus que le projet de loi sur l’extradition, dont les opposants craignent qu’il ne soit utilisé pour extrader des dissidents politiques vers le continent. Les manifestants réclament également le droit d’élire directement leurs dirigeants, ce qui a toujours été refusé à Hong Kong, tant par les anciens dirigeants coloniaux britanniques que maintenant par Beijing. De profondes inégalités sociales alimentent également le sentiment de désespoir que ressentent beaucoup de gens à Hong Kong, ce qui les pousse dans la rue.

Officiellement, 20 % de la ville vivent en dessous du seuil de pauvreté, bien que celui-ci soit en plus artificiellement bas. Ainsi, pour une personne célibataire, un revenu mensuel supérieur à 4000 $HK est suffisant pour ne pas être considéré comme étant pauvre, mais selon Oxfam dans une étude publiée l’an dernier, un travailleur aurait besoin d’au moins 10.494 $HK pour gagner sa vie.

Le taux de chômage est plus élevé chez les jeunes de 20 à 24 ans, s’établissant officiellement à 7%, comparativement à 2,8 % pour l’ensemble de la ville. Pourtant, bon nombre de ceux qui ont un emploi sont embauchés par l’entremise d’organismes contractants qui retiennent entre 20 et 40% du salaire d’un travailleur. Une personne qui gagne ainsi 13.000 $HK mensuellement peut voir dans les faits ce montant réduit à aussi peu que 8000 $HK.

Les problèmes fondamentaux posés ici ne sont pas simplement propres à Hong Kong, mais à toute la classe ouvrière internationale. La seule solution progressiste passe par l’unité de toute la classe ouvrière chinoise contre les conditions d’exploitation imposées à la fois par le régime stalinien à Beijing et par la bourgeoisie de Hong Kong, les deux s’enrichissant aux dépens des travailleurs. Les travailleurs du monde entier luttent contre des formes d’oppression similaires, des «gilets jaunes» en France aux travailleurs participant à la grève massive dans le territoire américain de Porto Rico.

Cette unité de la classe ouvrière est ce que Beijing craint le plus. Jeudi dernier, le South China Morning Post rapportait que les responsables de Beijing préparaient des plans à court et à long terme pour Hong Kong. Citant un fonctionnaire anonyme, le Post a publié que «la priorité immédiate (pour Beijing) est de développer une stratégie pour garder Hong Kong stable et empêcher les troubles de se propager ou d’affecter d’autres politiques et programmes nationaux importants.»

Beijing a sauté sur l’occasion des affrontements entre la police et les manifestants dimanche alors que des milliers de personnes se sont séparées de la manifestation principale officielle approuvée, pour aller manifester au bureau de liaison de Beijing. La police a alors utilisé des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour disperser les manifestants qui ont peint des graffitis sur les murs de l’immeuble à bureaux.

L’agence de presse étatique Xinhua relevant de Beijing, a écrit que les manifestations dans les bureaux du gouvernement «contestent ouvertement l’autorité du gouvernement central et s’en prennent au principe de base "un pays, deux systèmes", ce qui est absolument intolérable.»

Les travailleurs et les jeunes doivent prendre cela et l’attaque menée par les voyous à la gare comme un avertissement que Beijing s’apprête à intervenir avec de nouvelles méthodes encore plus violentes pour contrôler le mouvement de protestation.

(Article paru en anglais le 23 juillet 2019)

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