Les origines politiques des attaques terroristes contre New York et Washington

Le World Socialist Web Site condamne sans équivoque les attaques terroristes contre le World Trade Center et contre le Pentagone. Les responsables du détournement de quatre avions commerciaux transportant des passagers pour en faire des bombes volantes sont coupables d’assassinats de masse. Aucun progrès ne sortira jamais de la destruction aveugle et brutale de vies humaines.

Ces actes de terrorisme meurtriers sont la manifestation d’une combinaison toxique de pessimisme démoralisé, d’obscurantisme religieux et ultra-nationaliste et, il faut ajouter, d’opportunisme politique du plus vil caractère. Les organisations terroristes, en dépit de leur rhétorique anti-américaine, fondent leurs tactiques sur l’illusion que des actes de violence horribles exécutés au hasard forceront la classe dirigeante américaine de changer de politique. Finalement, ils espèrent arriver à réaliser une entente avec Washington.

Peu importe la façon dont on tente de la justifier, la méthode terroriste est fondamentalement réactionnaire. Loin de porter un coup dur au militarisme impérialiste, le terrorisme fait le jeu des éléments de l’establishment américain qui utilisent précisément de tels événements pour justifier et légitimer leur recours à la guerre pour défendre des intérêts géopolitiques et économiques de l’élite dirigeante. L’assassinat de civils innocents enrage, désoriente et sème la confusion dans le public. Il mine la lutte pour l’unité internationale de la classe ouvrière, et nuit aux efforts d’éduquer le peuple américain sur les questions historiques et politiques qui forment la toile de fond des événements contemporains au Moyen-Orient.

Néanmoins, notre condamnation des actes terroristes de mardi n’implique en aucun cas que nous diminuions notre opposition irréconciliable, sur une base de principes, aux politiques du gouvernement américain. Pour comprendre les tenants et les aboutissements des événements d’hier, il est nécessaire de réviser les gestes et les politiques des États-Unis au Moyen-Orient, surtout des trente dernières années. Les efforts incessants de l’impérialisme américain pour renforcer sa mainmise sur les ressources pétrolières de la région, qui se sont traduits, entre autres choses, en appui indéfectible pour l’oppression du peuple palestinien par l’État israélien, ont placé les États-Unis en opposition violente avec les aspirations démocratiques, nationales et sociales, légitimes et incontournables, des masses arabes.

La réaction des politiciens, des éditorialistes et des barons de la presse aux événements de mardi fut de déclarer encore et encore qu’il fallait que les Américains reconnaissent que la destruction du World Trade Center signifiait que les États-Unis étaient maintenant en guerre et devaient agir en conséquence. Mais la réalité est que le gouvernement américain a directement mené une guerre, sous une forme ou l’autre, pour la plupart des vingt dernières années au Moyen-Orient.

Sans même considérer l’important soutien qu’ils accordent aux opérations militaires de l’Israël, les États-Unis ont presque sans interruption bombardé un pays du Moyen-Orient ou l’autre depuis 1983. Les bombardiers ou les navires américains, parfois les deux, ont attaqué le Liban, la Libye, l’Iraq, l’Iran, le Soudan et l’Afghanistan. Sans déclaration officielle de guerre, les États-Unis mènent des opérations militaires contre l’Irak depuis maintenant près de douze années. Le bombardement quotidien de l’Irak, qui continue à ce jour, est à peine mentionné dans les médias américains, qui n’ont jamais tenté de définir le nombre total des morts qu’ont causés les bombardements américains depuis 1991.

Si l’on prend ces faits en considération, peut-on être surpris que ceux qui sont la cible des États-Unis aient cherché à contre-attaquer ?

Les mêmes médias qui exigent aujourd’hui du sang ont maintes fois applaudi l’utilisation de violence contre tout pays ou toute population qui a voulu faire obstacle aux intérêts américains. Nous ne rappellerons que les mots qu’a eus le chroniqueur du New York Times, Thomas Friedman, pour le peuple serbe lors de la campagne de bombardements de 1999: « Il ne devrait plus avoir de lumières à Belgrade: chaque réseau électrique, aqueduc, route et usine reliée à la production de guerre doit être bombardé ... [N]ous allons ramener votre pays dans le passé en vous pulvérisant. Vous voulez 1950 ? Nous pouvons vous donner 1950. Vous voulez 1389 ? Nous pouvons vous donner 1389. »

La politique étrangère des États-Unis est un mélange de cynisme, de brutalité et d’irresponsabilité. Washington a entrepris des actions qui ont enflammé la haine de larges sections de la population mondiale, créant le milieu duquel recruter pour des opérations terroristes sanglantes. Dans de rares moments de franchise, les spécialistes de la politique étrangère ont reconnu que les actions des Américains provoquent la haine et le désir de vengeance. Durant la guerre des Balkans, l’ancien secrétaire d’État, Lawrence Eagleburger a déclaré: « Nous avons offert au reste du monde l’image de la brute du village qui appuie sur un bouton, des personnes en quelque part meurent, nous n’avons rien d’autre à payer que le coût d’un missile... cela viendra nous hanter lorsque nous aurons à faire avec le reste du monde au cours des prochaines années. »

Cette compréhension n’a pas empêché ce même Eagleburger de déclarer mardi soir que les États-Unis devraient répondre à la destruction du Trade World Center en bombardant immédiatement tout pays qui aurait pu être impliqué.

L’adresse à la nation de George W. Bush de mardi soir est une incarnation de l’arrogance et l’immense myopie de la classe dirigeante américaine. Les États-Unis, loin d’être « le phare le plus brillant de la liberté et de la possibilité d’avenir au monde », sont vus par des dizaines de millions de personnes comme le principal ennemi des droits humains et des droits démocratiques, et qu’ils sont à l’origine de leur oppression. L’élite dirigeante américaine, dans son insolence et son cynisme, fait comme si elle pouvait mener ses opérations violentes à travers le monde sans créer en contrepartie les conditions politiques pour des actes violents de vengeance.

Tout de suite après les attaques de mardi, les autorités américaines et les médias accusent encore une fois bin Laden. Bien qu’il soit possible qu’il soit coupable, comme toujours, ils ne présentent aucune preuve pour appuyer leurs dires.

Mais l’accusation que bin Laden est le coupable soulève toute une série de questions troublantes. Étant donné que les États-Unis l’ont personnellement désigné comme le terroriste le plus dangereux au monde, que le moindre de ces mouvements est suivi à l’aide d’un important équipement d’espionnage des plus sophistiqués, comment bin Laden a-t-il pu organisé une telle attaque sans qu’elle ne puisse être détectée ? Une attaque, de plus, contre le même gratte-ciel qui fut frappé en 1993.

Le succès dévastateur de cet assaut tend à indiquer que, pour le gouvernement américain, la croisade contre le terrorisme a plutôt été une campagne de propagande pour justifier la violence militaire américaine à travers le monde qu’une véritable campagne pour protéger le peuple américain.

De plus, à la fois bin Laden et les mullahs talibans, qui sont accusés par les États-Unis de lui donner abri, ont été financés et armés par les administrations de Reagan et de Bush père pour lutter contre les régimes pro-soviétiques en Afghanistan dans les années 1980. S’ils étaient effectivement impliqués dans les opérations de mardi, alors la CIA et l’élite politique sont coupables d’avoir nourri les forces mêmes qui ont mené l’attaque la plus sanglante contre des civils américains de l’histoire des États-Unis.

L’escalade du militarisme américain à l’étranger sera inévitablement accompagnée d’une augmentation des attaques contre les droits démocratiques au pays même. Les premières victimes de la fièvre guerrière sont les Arabes américains, déjà l’objet de menaces de mort et d’autres formes de harcèlement en conséquence de l’hystérie des médias.

Les appels des politiciens, des républicains aussi bien que des démocrates, pour une déclaration de guerre laissent entrevoir un branle-bas de combat encore plus généralisé contre ceux qui s’opposent à la politique étrangère américaine. Le général Norman Schwarzkopf, qui commandait les troupes américaines lors de l’invasion de l’Iraq de 1991, parlait au nom de la plus grande partie de l’élite militaire et politique lorsqu’il a déclaré à la télévision que la guerre contre ceux qui sont suspectés d’être des partisans des terroristes devait être menée aussi bien à l’intérieur que l’extérieur des frontières américaines.

Ce sont les politiques américaines, imposées au nom des intérêts stratégiques et financiers de l’élite dirigeante, qui ont jeté les fondations pour le cauchemar de mardi. Les actions que Bush considèrent maintenant, tel qu’il l’a laissé entendre lorsqu’il a déclaré qu’il n’y aurait « pas de distinction entre les terroristes qui ont commis ces gestes et ceux qui les abritent », vont seulement mettre la table pour de nouvelles catastrophes.

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