«Les membres de la base doivent prendre le contrôle!»

Les travailleurs de Ford et de Fiat-Chrysler appellent à une grève totale aux côtés des travailleurs de GM

Dimanche à minuit, environ 49.000 travailleurs de l'automobile ont débrayé chez General Motors (GM), interrompant la production du plus grand constructeur automobile américain.

La grève est un épisode majeur de la résurgence de la lutte des classes. Les travailleurs de l'automobile américains sont maintenant le fer de lance d'une contre-offensive mondiale des travailleurs contre la pauvreté, les inégalités et les pertes d'emplois: une lutte qui englobe non seulement les travailleurs de l'automobile, mais aussi les enseignants, les travailleurs du transport en commun, les travailleurs d'Amazon et l'ensemble de la classe ouvrière.

Le syndicat United Auto Workers (UAW, Travailleurs unis de l’automobile) a appelé à la grève face à une opposition écrasante contre la corruption généralisée des syndicats et à ses décennies de collusion avec le patronat et d’imposition de reculs. Le président de l'UAW, Gary Jones, qui est accusé d'avoir détourné des centaines de milliers de dollars du syndicat, n'a pas pu se manifester en public dimanche et n'était pas présent à la conférence de presse annonçant la grève.

En outre, l'UAW n'a appelé à la grève qu'après avoir obligé les travailleurs de GM à franchir le piquet de grève dimanche des agents de nettoyage en grève de l'UAW dans cinq usines du Michigan et de l'Ohio.

Des travailleurs à l’usine d’assemblage GM Detroit-Hamtramck, lundi 16 septembre. Dimanche à minuit, environ 49.000 travailleurs de l'automobile ont débrayé dans les usines GM aux États-Unis, mais l’UAW va reprendre les négociations avec le constructeur automobile. (Photo: AP/Paul Sancya)

Obligé de déclencher une grève, l'UAW fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher sa propagation à Ford et à Fiat-Chrysler, où le syndicat a déjà signé des prolongations des conventions collectives en vigueur. Il essaiera d’y mettre fin à la première occasion et de forcer le passage des diktats de la direction, notamment en augmentant le recours aux intérimaires et les réductions des prestations de soins de santé.

Les travailleurs de l’automobile peuvent s'affranchir de l'emprise de l'UAW en organisant des comités d'usine de base, constitués de travailleurs et redevables aux travailleurs, afin de prendre la direction de la grève et d'établir des lignes de communication et de soutien avec l'ensemble de la classe ouvrière.

Les travailleurs de l'automobile de Ford et de Fiat-Chrysler ont parlé au Bulletin des travailleurs de l’automobile du WSWSaprès l'annonce par l'UAW d'une grève chez GM et ont dit souhaiter voirune lutte déterminée en dehors du contrôle de la bureaucratie syndicale corrompue.

Un ouvrier de deuxième rang de l'usine de camions Ford Dearborn a déclaré au Bulletin:

«Tout le monde devrait se joindre aux travailleurs en grève de General Motors. Nous ne pouvons rien croire de ce que dit l'UAW. Nous n'avons même pas vu de délégués syndicaux. Les travailleurs sont très mécontents. Toute cette corruption nous fâche. Nous ne savons pas ce qui pourrait arriver.

«Les membres de la base doivent prendre le contrôle, comme ils l'ont fait à Matamoros», a déclaré le travailleur, évoquant les événements du début 2019 lorsque 70.000 travailleurs ont paralysé l'industrie des pièces automobiles dans la ville frontalière mexicaine. «Nous avons besoin de comités de la base pour pouvoir communiquer avec les autres usines et nous organiser.»

«Comment la direction de l'UAW peut-elle garder Gary Jones après qu'on a révélé qu’il était un criminel», a-t-il poursuivi. «Cela montre simplement que tout ce processus est illégitime. Si le syndicat n'était pas corrompu, le fonds de grève serait trois fois plus important. Et nous pourrions tous être en grève maintenant, avec une indemnité de grève décente de 750 dollars par semaine.

«Nous devons discuter de nos revendications, de ce qui est dans l’accord et des documents à consulter avant de voter. Pas seulement les grands traits, mais le tout, et tous les protocoles d'entente également.

«Beaucoup de personnes à l'usine sont en colère, mais elles ne savent pas vers qui se tourner. Elles se sentent obligées de respecter les règles. L'UAW ne respecte pas les règles. Ce sont des criminels. Tous les hauts responsables ont touché des primes.

«Dans ce système, à l'heure actuelle, leur seule façon de faire des profits est d’écraser la classe ouvrière.»

Un travailleur de troisième génération travaillant à l’usine d’assemblage de Sterling Heights de Fiat-Chrysler a déclaré: «Dans cette lutte contractuelle à venir, les travailleurs doivent être en mesure de prendre les devants. Nous devons dire à la compagnie comment ça va se passer. Nous devons leur dicter le programme, et non l'inverse.»

«Mes opinions personnelles sont conformes au Bulletin des travailleurs de l’automobile. J'ai étudié l'économie du travail au lycée. Et ce que je lis dans le Bulletinest bien plus cohérent et vrai que ce que l’on m’avait appris à l’école ou ce que j’ai entendu dire de la part de dirigeants et organisations syndicaux dans le passé. Les choses sont tout simplement incohérentes.

«La façon dont les travailleurs temporaires sont traités est grave. Permettre à l'entreprise d'indiquer dans l’accord un libellé divisant les travailleurs en ordre de rangs – pourquoi accepterions-nous cela? Le pot-de-vin était-il si généreux que ces responsables de l'UAW seraient disposés à introduire ce cancer de division dans l’accord?»

«Les principes sur lesquels les syndicats ont été soi-disant établis – d'être unis – je ne le vois pas de la part de l'UAW. Je veux dire, regardez ce qui s’est passé hier, quand les responsables de l’UAW ont ordonné aux travailleurs de franchir le piquet de grève des agents de nettoyage. Ils nous divisent.»

«Les travailleurs doivent être directement impliqués dans les réunions de négociation. Elles devraient être diffusées en direct. Le pouvoir appartient à nous, les travailleurs, pas les dirigeants.»

Un ouvrier de l'usine Warren Truck de Fiat-Chrysler a déclaré: «Je vais vous le dire, et c'est ce que je ressens depuis mon adhésion au syndicat en 1995. Je n'ai jamais compris pourquoi une seule entreprise était concernée par une grève. Je crois que si l’UAW voulait vraiment envoyer un message, les trois constructeurs automobiles seraient touchés tous en même temps par une grève. Cela aurait plus d'impact qu'une seule entreprise en grève.»

Une employée de deuxième rang de Warren Stamping, située à proximité, a déclaré qu'elle n'était même pas au courant de l'annonce de la grève avant de l’apprendre du Bulletin.

«C'est fou. À moins de regarder le journal télévisé, on ne nous dit rien sur les négociations.» Elle dit n’avoir aucune nouvelle du syndicat. «La plupart des informations que je reçois sont dans votre bulletin ou les actualités.»

En entendant parler de la grève, sa première réaction fut de dire: «C’est une bonne chose, s'ils n’obtiennent pas ce qu'ils méritent. Ils ont prolongé notre contrat d’emploi. Je pensais que ça devrait être tout le monde ensemble.»

Si la grève est laissée entre les mains de l'UAW, elle a déclaré: «J'ai peur. S'il y a tant de choses qui se passent [avec le scandale de corruption]… on ne sait pas ce qui pourrait se passer d'autre. Je ne pense pas qu'ils cherchaient en premier lieu à la déclencher [la grève], mais ils craignaient que les gens débrayent quand même.»

«Je sais que nos délégués disent que nous allons simplement nous préparer. Mais je veux dire, même si nous faisions grève, cela toucherait beaucoup de gens. Les [travailleurs temporaires à temps partiel (TPT)] ne touchent pas d’allocations chômage. Et si le syndicat met fin à la grève avant huit jours écoulés, personne ne touche aucune indemnité de grève.»

«Dans notre usine, nous avons beaucoup d’intérimaires. Cet accord les touche d'une manière qu'ils ne comprennent pas encore parce qu'ils sont nouveaux.» Bien qu'ils travaillent aux côtés des employés permanents, elle a déclaré: «On fait parfois travailler les intérimaires et les temps partiels plus durement que les travailleurs permanents.»

La travailleuse a déclaré avoir débuté à l'usine en tant que temporaire à temps partiel (TPT) avant d'être intégrée l'année dernière. «Mais j’ai toujours un deuxième emploi. Ce n'est toujours pas assez rémunéré. C’est suffisant pour un bout, mais je n’ai pas beaucoup de sécurité financière.»

«J'ai eu 3 semaines sans indemnité parce que j'ai été mise à pied [quand j'étais TPT]. On n’obtient pas beaucoup d'avantages dont bénéficient les travailleurs à temps plein. Je n'ai pas eu de congés payés, je n’avais pas droit aux allocations de chômage. Je n'ai pas eu droit à tous les avantages pour la santé.»

«S'il n'y a pas de prolongation ni de contrat d’emploi, pourquoi ont-ils dû attendre la réunion de dimanche?» a déclaré un autre travailleur dimanche après-midi. «Et il y a des employés chez Aramark membres de l’UAW dans les usines qui se sont mis en grève, et l’UAW a demandé aux travailleurs de la production de se rendre au travail et de franchir le piquet de grève. Les travailleurs syndiqués ne sont pas censés franchir les piquets de grève et leurs dirigeants leur ont maintenant dit de franchir leur propre piquet de grève!»

«Le vice-président de l'UAW [Terry Dittes] a déclaré maintenant que la grève est pour ce soir, mais il n’a pas obtenu de prolongation du contrat d’emploi. Alors la grève devrait être maintenant! On dirait que c’est déjà positif pour GM.»

(Article paru en anglais le 16 septembre 2019)

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