Trump rencontre le Conseil de sécurité au sujet des plans de guerre contre l’Iran

Le président américain Donald Trump a convoqué aujourd’hui (vendredi) une réunion de son Conseil de sécurité nationale. Il va entendre les propositions du secrétaire américain à la Défense Mark Esper et du président des chefs d’état-major conjoints, le général Joseph Dunford, concernant une attaque militaire contre l’Iran.

Selon un haut responsable de l’administration qui s’est adressé au New York Times, on s’attend à ce que les dirigeants militaires recommandent des frappes militaires «au bas de l’échelle des options». Il s’agirait notamment d’attaques contre des sites militaires iraniens susceptibles de lancer des drones ou des missiles de croisière, ainsi que des installations où ces armes sont stockées.

Les raffineries et autres installations pétrolières iraniennes ainsi que les principales bases du Corps des gardiens de la révolution islamique du pays se trouveraient à l’«extrémité supérieure» des cibles potentielles.

Le président Donald J. Trump, en compagnie du nouveau conseiller à la Maison-Blanche pour la sécurité nationale Robert C. O'Brien (photo officielle de la Maison-Blanche prise par Shealah Craighead)

Trump avait initialement approuvé une telle proposition en juin dernier après que l’Iran eut abattu un drone-espion américain au-dessus de son territoire. Il a ensuite annulé les frappes, de son propre chef, à peine 10 minutes avant que les bombes et les missiles ne soient lancés. Le président américain a prétendu à l’époque qu’il l’avait fait parce que la perte de vies humaines en Iran aurait été disproportionnée. En réalité, Washington a calculé que la réponse aux frappes américaines se ferait par des attaques iraniennes contre des navires et des bases américaines dans la région, qui feraient de nombreuses victimes parmi les troupes américaines. Apparemment, la Maison-Blanche est maintenant prête à payer un tel prix.

Le prétexte pour les actes proposés d’agression impérialiste américaine est l’attaque du 14 septembre contre les installations pétrolières saoudiennes qui a détruit la moitié de la production du royaume et a fait monter les prix du pétrole de 20 pour cent lundi.

Jusqu’à présent, Washington n’a pas présenté la moindre preuve que l’Iran était responsable de ces attentats. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a inculpé l’Iran pour les attentats dans les minutes qui ont suivi la destruction des installations saoudiennes, avant que l’on sache quoi que ce soit sur leur origine.

Utilisant la technique du «gros mensonge», les responsables américains ne cessent de répéter les allégations, en sachant qu’ils seront repris par un média bourgeois qui sert d’agence de propagande non critique pour la guerre impérialiste.

Le fait que les affirmations américaines soient totalement infondées est devenu de plus en plus évident au fur et à mesure que le récit présenté par les hauts fonctionnaires de l’administration commençait à changer.

Dans un premier temps, Pompéo, le principal faucon anti-iranien de l’administration, a déclaré l’Iran coupable et a rejeté la revendication de responsabilité faite par les rebelles Houthi au Yémen, insistant sur le fait qu’ils n’avaient pas les capacités techniques nécessaires pour mener de telles attaques.

Prenant la parole mercredi en Arabie saoudite, Pompéo a cependant écarté les questions relatives à un rapport des Nations unies qui établit que les Houthis possédaient des drones capables de frapper des cibles partout en Arabie saoudite. «Ça n’a pas d’importance», a-t-il dit. «C’était une attaque iranienne. Ce n’est pas vrai qu’on peut sous-traiter la dévastation de 5 pour cent de l’approvisionnement énergétique mondial et penser qu’on peut s’exonérer de ses responsabilités.»

Le vice-président Mike Pence s’est fait l’écho de cette ligne jeudi en déclarant à un intervieweur que «que ce soit ses mandataires au Yémen qui ont tiré ces missiles et ces drones ou qu’ils proviennent du pays lui-même, nous imposons de nouvelles sanctions à l’Iran parce qu’il est responsable».

Ce n’est pas un détail. Les Houthis ne sont pas des «mandataires» de l’Iran. Ils ont mené leur rébellion contre le régime soutenu par les Saoudiens au Yémen pour leurs propres raisons et sans le soutien de Téhéran. Ils ont défendu leurs frappes contre l’Arabie saoudite, qui ont inclus d’autres cibles précédentes, comme des actes d’autodéfense contre le régime monarchique saoudien. Ce dernier a mené une guerre quasi génocidaire contre le peuple yéménite au cours des quatre derniers ans et demi, faisant près de 100.000 morts et poussant 8 millions de personnes de plus au bord de la famine.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, a affirmé que toute attaque américaine ou saoudienne contre l’Iran conduirait à une «guerre totale».

«Je déclare très sérieusement que nous ne voulons pas nous engager dans une confrontation militaire», a déclaré Zarif dans une interview accordée à CNN. «Mais nous ne serons pas les premiers à vaciller s’il s’agit de défendre notre territoire.»

Pompéo a exploité cette déclaration, proclamant à la fin de ses pourparlers avec le dirigeant de facto de l’Arabie Saoudite, le bourreau prince héritier Mohamed ben Salman: «le ministre des Affaires étrangères de l’Iran nous menace d’une guerre totale et de vaincre jusqu’au dernier des Américains. Nous sommes ici pour construire une coalition qui vise la paix et une résolution pacifique».

Quelles absurdités! Washington est entièrement responsable de la menace actuelle d’une guerre catastrophique dans le golfe Persique. C’est le gouvernement Trump qui, l’année dernière, a unilatéralement et illégalement déchiré l’accord nucléaire de 2015 entre Téhéran et les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne. Il a réimposé et intensifié des sanctions draconiennes que les responsables américains ont décrites comme une campagne de «pression maximale» qui vise à réduire à zéro les exportations pétrolières iraniennes et à affamer le peuple iranien pour le soumettre. Ces sanctions, qui visent non seulement l’Iran, mais aussi tout pays et toute entreprise qui fait affaire avec l’Iran, équivalent à un blocus économique: un acte de guerre.

C’est aussi Washington qui a fourni le soutien militaire indispensable qui a permis à l’Arabie saoudite de mener à bien le bain de sang au Yémen. Sans les avions de guerre, les bombes et les munitions, l’aide logistique et le soutien de la marine américaine pour réussir un blocus de la côte de Yémen, le régime saoudien n’aurait jamais été en mesure de mener sa guerre criminelle.

Derrière tous les mensonges de Trump, Pompeo et Pence sur les crimes présumés de l’Iran, ils poursuivent une politique d’agression impérialiste américaine et de renversement de régime qui s’est développée au cours des décennies.

Washington n’a jamais accepté le renversement en 1979 de la dictature sanguinaire du Shah d’Iran. Ce dernier s’est fait porter au pouvoir par un coup d’État organisé par la CIA contre le premier ministre nationaliste bourgeois Mohammad Mosaddegh en 1953. Tout en réprimant impitoyablement les masses iraniennes, le Shah a servi de gendarme principal de l’impérialisme américain dans toute la région.

Depuis la révolution qui a renversé le Shah, l’Iran fait partie d’un «axe du mal», un ennemi hostile et prétendument irrationnel des États-Unis. Les sanctions contre l’Iran remontent à l’administration Carter, lorsque le gouvernement américain a saisi des milliards de dollars d’actifs iraniens. En 1984, les États-Unis ont imposé de nouvelles sanctions qui interdisaient les ventes d’armes et l’aide américaine alors que Washington se trouvait derrière l’Irak dans la guerre Iran-Irak. Et en 1996, l’administration Clinton a imposé des sanctions qui ciblaient à la fois les entreprises américaines et étrangères qui investissaient dans le secteur pétrolier iranien. Les administrations américaines ont élaboré des plans d’agression militaire sous les gouvernements démocrates et républicains.

L’importance géostratégique de l’Iran en a fait un point central de l’intrigue impérialiste américaine depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle possède les quatrièmes réserves mondiales de pétrole et les deuxièmes réserves de gaz. De plus, elle occupe toute la côte orientale du golfe Persique. Elle a des frontières terrestres avec le Pakistan, l’Afghanistan, le Turkménistan, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Turquie et l’Irak. Et elle partage la côte de la mer Caspienne avec le Kazakhstan et la Russie. Avec une population de 83 millions d’habitants et l’une des économies les plus développées de la région, elle constitue également un marché lucratif.

Au cours des 18 dernières années, l’impérialisme américain a mené deux guerres en Afghanistan (à l’est de l’Iran) et en Irak (à l’ouest de l’Iran). Washington a prétexté d’abord une «guerre contre le terrorisme» et ensuite la découverte d’«armes de destruction massive». Tous deux visaient à affirmer sa domination sans entrave sur les réserves énergétiques stratégiques du bassin de la mer Caspienne et du golfe Persique. Le motif était de mettre ainsi l’impérialisme américain en mesure de rationner le pétrole et le gaz nécessaires à ses principaux concurrents, en particulier la Chine. Les États-Unis ne peuvent pas atteindre cet objectif stratégique sans une nouvelle guerre directe contre l’Iran.

Les médias bourgeois américains ont émis l’hypothèse que Trump ne veut pas de guerre ou que toute action militaire sera reportée après le débat de l’Assemblée générale des Nations Unies la semaine prochaine. De telles prédictions sont sans valeur.

C’est peu probable que Washington obtienne un soutien significatif à l’ONU. Ses anciens alliés d’Europe occidentale et d’Asie hésitent à se laisser entraîner dans une guerre pour les intérêts américains qui pourrait entraîner des conséquences catastrophiques pour le monde. Une autre présentation à la Colin Powell des «preuves» de la culpabilité iranienne n’est guère susceptible de faire changer d’idée un nombre suffisant de gouvernements.

Quant à Trump, ses vacillations quotidiennes entre menacer l’Iran de l’«option ultime» et prétendre qu’il veut éviter une guerre reflètent les pressions qu’il subit des couches conflictuelles au sein de l’establishment américain au pouvoir et de l’appareil militaire et du renseignement.

La marche vers la guerre, cependant, est objective, enracinée dans les contradictions insolubles du système capitaliste et dans les tensions sociales croissantes et la lutte des classes au sein même des États-Unis, à un point tel que la classe dirigeante américaine est poussée à les détourner vers l’extérieur dans une explosion de violence militaire.

(Article paru en anglais le 20 septembre 2019)

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