Perspectives

La grève chez GM en danger

Alors que la grève de plus de 49.000 travailleurs de l'automobile chez General Motors aux États-Unis entre dans sa deuxième semaine, un avertissement est de mise: la grève risque d'être vaincue par les dirigeants corrompus du syndicat United Auto Workers (UAW, Travailleurs unis de l’automobile).

La grève chez GM a gagné le soutien et la sympathie des travailleurs non seulement chez Ford, Fiat Chrysler et d’autres secteurs, mais également dans d’autres pays (Mexique, Canada, Brésil et ailleurs), où les travailleurs s’apprêtent à riposter contre les attaques des entreprises qui veulent toujours plus de profits.

Mais l'UAW n'a pas de stratégie pour que la grève l’emporte; il a une stratégie pour le faire perdre. La grève peut être victorieuse, mais seulement si elle est enlevée des mains de la bureaucratie corrompue de l'UAW, qui espère isoler et affamer les travailleurs de GM.

Il n'y a pas de temps à perdre. Pour éviter la défaite de la grève, les travailleurs doivent immédiatement former des comités d'usine de base afin de prendre le contrôle de leur lutte. Des ressources et un soutien adéquats doivent être mobilisés! L’indemnité de grève doit être portée à 750 dollars par semaine, le débrayage doit être étendu aux travailleurs de Ford et de Fiat Chrysler, et un appel urgent doit être lancé pour le soutien des travailleurs d’autres secteurs et d’autres pays.

Des travailleurs manifestent devant une usine de General Motors à Langhorne, en Pennsylvanie , le mardi 17 septembre 2019. (AP Photo / Matt Rourke)

L'UAW manœuvre selon une stratégie employée par la bureaucratie syndicale depuis les années 1980 et 1990: isoler les travailleurs dans leurs luttes, refuser de mobiliser toute la force de la classe ouvrière, attendre que les travailleurs soient affamés et imposer des reculs. Il l’a déjà fait d'innombrables fois et se préparent à le faire à nouveau.

Tout au long des «négociations» orchestrées sur le nouvel accord de travail chez GM, Ford et Fiat Chrysler, l'UAW a gardé ses membres dans l’ignorance, cachant ses véritables objectifs. L'UAW n'a pas présenté de liste de revendications concrètes, car il n'en a jamais rédigé.

L’UAW a reçu ses instructions des directeurs généraux de l’automobile il y a longtemps: à savoir une augmentation du nombre de travailleurs intérimaires, une dégradation des conditions de travail, une baisse des salaires et une augmentation des contributions aux soins de santé. Ce que l’on appelle les «négociations collectives» ont été en réalité des séances de stratégie à huis clos entre les représentants du syndicat et des responsables de la société pour déterminer le moyen le plus efficace de faire passer en force ces nouvelles attaques.

GM est fermement décidée à réduire ses coûts de main-d'œuvre, et l'UAW le sait bien. Il s’agit de beaucoup plus que la marge bénéficiaire de GM qui est en jeu: le cadre défini dans le nouvel accord servirait de nouvelle base à l'exploitation des travailleurs non seulement chez Ford et Fiat Chrysler, mais également dans l'ensemble des secteurs de constructeurs d’automobiles et les secteurs de l’industrie plus générale, avec des implications pour l'ensemble du système économique capitaliste mondial.

Derrière GM, ceux qui tiennent ses ficelles financières à Wall Street ont fait savoir qu’ils n’accepteraient aucune concession faite aux travailleurs.

Le complot entre l'UAW et les entreprises a toutefois été chamboulé par l'escalade du scandale de la corruption, qui a révélé que l'UAW est un gang criminel, acheté et payé par la direction.

Il y a moins d'un mois, le FBI a effectué une descente dans les maisons de l'actuel président de l'UAW, Gary Jones, et de son prédécesseur, Dennis Williams, ainsi que dans d'autres locaux de l'UAW. Parallèlement, un nombre croissant de responsables syndicaux de haut niveau ont été incarcérés ou mis en accusation pour avoir utilisé des fonds illicites pour financer des modes de vie fastueux. Le dernier en date, Jeffery Pietrzyk, est un ancien codirecteur du centre des ressources humaines UAW-GM, qui a été inculpé vendredi dernier.

Le président Jones de l'UAW, et le dirigeant de la région 5 de l'UAW, Vance Pearson, ont passé la plupart de leur temps ces dernières semaines à discuter avec leurs avocats et le ministère de la Justice, principalement à «négocier» la durée de leur peine d'emprisonnement potentielle.

N'ayant pas d'autre choix que d'appeler à la grève dimanche dernier, l'UAW affame les travailleurs en grève avec seulement 250 dollars par semaine d’indemnité de grève, qui ne sera déboursée qu'à partir du 15e jour de la grève. Ce montant misérable a pour but de créer une pression économique sur les travailleurs pour qu'ils acceptent les conditions de l'entreprise, tout en veillant à ce que la «caisse de grève» de 750 millions de dollars que les responsables de l'UAW utilisent comme leur caisse noire, soit ponctionnée au minimum.

De façon la plus claire et accablante montrant les intentions de l’UAW à vouloir saboter la lutte, ce dernier a ignoré les demandes des travailleurs du secteur de l’automobile en faveur d’une grève totale contre le secteur automobile, en maintenant ses quelque 100.000 membres.

Beaucoup de travailleurs de l'automobile savent que l'UAW manigance une trahison. Pour éviter cela et gagner la bataille, voici ce qui est essentiel:

1. La conduite de la grève doit être soustraite au contrôle de l'UAW par la formation de comités d'usine de base. Les travailleurs doivent tenir des réunions hors de la vue de l'UAW et de la direction, élire des représentants des travailleurs les plus militants et dignes de confiance et se réunir pour formuler leurs propres revendications, notamment:

* L'abolition du système de rémunération à plusieurs niveaux

* Augmentation immédiate de 40 pour cent des salaires et le rétablissement de l’indexation des salaires sur le coût de la vie (COLA)

* La conversion de tous les travailleurs temporaires et à temps partiel en emplois à temps plein

* La réouverture de Lordstown et d'autres usines fermées et la réembauche immédiate de tous les travailleurs licenciés

* Fully paid-for health care and pensions

* Les plans de retraite et couverture de santé financés intégralement par l’entreprise.

2. La grève doit être immédiatement étendue aux travailleurs de Ford et de Fiat Chrysler. Comme l’a expliqué un travailleur de l’automobile de l’usine de montage chez Ford à Chicago à l’Autoworker Newsletter (bulletin des travailleurs de l’automobile): «Tout le monde ici demande: Pourquoi ne sommes-nous pas tous en grève ensemble!?»

Un appel doit être lancé pour le soutien de toute la classe ouvrière: dans les usines de pièces automobiles et de fournisseurs, dans les industries du transport, de la logistique et de l'acier, et au-delà.

3. La lutte doit être connectée et coordonnée au niveau international. Les travailleurs ne peuvent pas se battre et vaincre l'une des plus grandes entreprises transnationales de la planète sur une base nationale. Les travailleurs de GM doivent faire appel à leurs vrais alliés: les millions et les milliards de travailleurs à travers le monde qui entrent en lutte et cherchent un moyen pour se battre contre la pauvreté et l'exploitation.

La grève de GM fait partie d'une recrudescence mondiale de la lutte de la classe ouvrière. Cette année a commencé avec une vague de grèves sauvages touchant 70.000 travailleurs de l'automobile et autres travailleurs dans les ateliers de misère de la maquiladora à Matamoros, au Mexique, qui ont marché jusqu'à la frontière et ont appelé leurs frères et sœurs américains à les rejoindre.

Aujourd'hui, les travailleurs de l'automobile au Mexique soutiennent la grève des travailleurs de GM et ceux de GM à Silao s'organisent courageusement (article en anglais) pour s'opposer aux tentatives de l’entreprise d'accélérer la production, risquant ainsi leur emploi, voire leur vie. Lors de réunions en ligne organisées par le World Socialist Web Site Autoworker Newsletter au cours des deux dernières semaines, des centaines de travailleurs de plusieurs pays - les États-Unis, le Canada, le Mexique et le Brésil - ont appelé à la solidarité et à la collaboration entre travailleurs.

4. Les travailleurs doivent adopter une stratégie qui oppose leurs intérêts à ceux de la classe capitaliste. Les travailleurs de l'automobile ne sont pas seulement engagés dans une grève contre GM, mais dans une lutte politique. L’État capitaliste et deux grands partis d’affaires, du républicain Donald Trump au parti démocrate en passant par tous les candidats à la présidence, représentent l’industrie automobile et Wall Street.

Le gouvernement Trump est en proche contact avec GM pour trouver un moyen de mettre fin à la grève et de poursuivre une nouvelle restructuration de l’industrie automobile, à la suite de l’accompagnement de la faillite de l’industrie menée par le gouvernement Obama en 2009, qui définit les conditions abominables auxquelles les travailleurs sont désormais confrontés.

Joseph Biden, Elizabeth Warren et Bernie Sanders jouent pour la gallérie en déclarant faussement leur soutien aux travailleurs de l'automobile lors de rassemblements de la fin de semaine et des prochains jours. Mais s’ils pensent que cela devient nécessaire, les démocrates et les républicains sont prêts à mobiliser la police - comme cela s’est déjà produit, notamment à l’usine GM d Springhill (Tennessee) (article en anglais) - ou éventuellement la Garde nationale ou d’autres forces armées contre les travailleurs en grève.

Pour s'y opposer, un mouvement politique de masse et un parti de la classe ouvrière doivent être construits, indépendants des partis capitalistes.

Pour que les moyens de subsistance et les intérêts des travailleurs soient assurés, le secteur automobile doit être réorganisé comme une entreprise publique placée sous le contrôle démocratique des travailleurs, dans le cadre de la lutte pour le socialisme, c'est-à-dire l’organisation de la société pour répondre aux besoins humains, et non aux intérêts de profit insatiables de l'aristocratie patronale et financière.

(Article paru en anglais le 23 septembre 2019)

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