Les syndicats canadiens dépensent des millions de dollars pour faire réélire les libéraux proguerre et proaustérité de Trudeau

Les syndicats canadiens ont dépensé des millions de dollars pour assurer la réélection de Justin Trudeau et de son parti de la grande entreprise, le Parti libéral, aux élections fédérales de ce lundi.

Selon une analyse des rapports financiers d'Élections Canada effectuée par CBC News, Unifor, le plus grand syndicat industriel du pays, a été le plus important donateur parmi tous les particuliers, les entreprises et les syndicats qui ont organisé ou financé des campagnes électorales de «tiers» entre le 30 juin et le 1er octobre.

Le Syndicat des Métallos a été le deuxième plus important donateur et Fairness Works, qui est appuyé par le Congrès du travail du Canada et plusieurs de ses affiliés, a été le troisième donateur en importance. Au total, les organisations syndicales représentaient plus du tiers de toutes les dépenses des tiers.

En vertu de la loi canadienne, il est interdit aux syndicats et aux entreprises de donner de l'argent aux partis politiques fédéraux et aux candidats aux élections. Mais pendant une campagne électorale fédérale et une «période préélectorale désignée», ils peuvent se livrer à des activités politiques «partisanes», comme la défense d'un parti ou d'un candidat, en s'inscrivant auprès d'Élections Canada à titre de «tiers». Pour l'élection en cours, Élections Canada a fixé à 1.023.400 $ le montant maximal qu'un tiers peut dépenser pendant la période préélectorale, qui a débuté le 30 juin, et un plafond de 511.700 $ pendant la campagne.

Le 1er octobre, Unifor s'approchait déjà des limites de financement de tiers, ayant dépensé plus de 1,3 million de dollars en cotisations des travailleurs pour dénoncer Andrew Scheer et ses conservateurs comme l’unique menace pour les travailleurs.

C’est la continuité et l'intensification de la campagne «N'importe qui sauf les conservateurs» d’Unifor, lancée en 2015 et qui faisait la promotion de Trudeau et de ses libéraux comme une alternative «progressiste» au gouvernement conservateur dirigé par Stephen Harper.

La campagne syndicale du «N'importe qui sauf les conservateurs», couplée à la campagne de type Harper «version légère» du NPD social-démocrate de Thomas Mulcair, a joué un rôle majeur dans la relance de la fortune électorale des libéraux, qui avaient remporté moins de 19 % des voix en 2011, et dans le catapultage de Justin Trudeau au poste de premier ministre.

Aujourd'hui, après quatre années au cours desquelles le gouvernement Trudeau a poursuivi le même programme fondamental de la grande entreprise que Harper – austérité, attaques sur les droits démocratiques, réarmement et intégration toujours plus profonde du Canada dans les offensives militaires stratégiques de Washington contre la Russie et la Chine –, lui et ses libéraux ont encore plus besoin des efforts d'Unifor pour qu’ils soient présentés comme des «progressistes» «protravailleurs».

Contrairement à Unifor, le Syndicat des Métallos n'est pas ouvertement en faveur de Trudeau. Ses efforts électoraux sont axés sur la promotion du NPD, le parti traditionnel de la bureaucratie ouvrière.

Mais la différence est bien moindre qu'il n'y paraît. Le NPD n'est pas moins redevable aux grandes entreprises que les libéraux, comme en témoignent les politiques d'austérité adoptées par les gouvernements néo-démocrates, quand ils ont formé des gouvernements provinciaux au cours des quatre dernières décennies, et l'appui inconditionnel du NPD aux plans des libéraux de dépenser des dizaines de milliards de dollars pour de nouveaux avions de guerre et cuirassés.

De plus, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a passé les derniers jours de la campagne électorale à proclamer l'empressement du NPD à appuyer un gouvernement dirigé par les libéraux dans un gouvernement minoritaire, ou même à se joindre à une coalition officielle après le 21 octobre.

En ce qui concerne les libéraux et le NPD, le président d'Unifor, Jerry Dias, a dit à CBC: «Il n'y a pas beaucoup de différences et, en fin de compte, nous pouvons vivre avec les deux.»

Au cours des quatre dernières années, Unifor et le reste de la bureaucratie syndicale ont réussi à «vivre» plutôt bien avec les libéraux proaustérité et proguerre de Trudeau. La direction du syndicat a développé des relations étroites sans précédent avec le gouvernement Trudeau. Pour sa part, Trudeau fait l'éloge de ses «partenaires» syndicaux, tout en sollicitant leurs conseils et leur appui pour accroître la «compétitivité», c'est-à-dire la rentabilité, des entreprises canadiennes.

En novembre 2015, quelques semaines à peine après la victoire électorale de Trudeau, plus de 100 hauts fonctionnaires syndicaux ont rencontré le premier ministre nouvellement élu pour lui promettre une étroite collaboration avec son gouvernement.

Fidèles à leur parole, les dirigeants syndicaux ont appuyé certaines des initiatives les plus à droite des libéraux, dont la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain afin de consolider un bloc commercial nord-américain en alliance avec Trump pour préparer une guerre commerciale et un conflit militaire avec la Chine. Au cours des pourparlers, Dias a dans les faits joué le rôle de conseiller officiel du gouvernement, contribuant à donner à l'accord réactionnaire protectionniste et nationaliste un aspect «progressiste», tout en faisant pression en faveur de mesures visant à éliminer les emplois dans le secteur automobile mexicain.

Dias et le président du CTC, Hassan Yussuff, ont continué de se vanter de leur accès sans précédent à Trudeau et à ses ministres alors qu'ils dévoilaient des plans visant à augmenter les dépenses militaires de plus de 70 % d'ici 2026, à réduire de dizaines de milliards les dépenses en santé au cours des dix prochaines années et à criminaliser la grève des travailleurs des postes à l'automne 2018.

Malgré le bilan de droite des libéraux, les syndicats tentent encore une fois de tromper les travailleurs en leur promettant l’abondance, si seulement les conservateurs peuvent être bloqués. Le site Web FairnessWorks.ca, financé par le CTC, proclame le besoin d'un gouvernement prêt à «investir dans les gens», à «confronter la haine» et à garantir de «bons emplois». Cela après quatre ans au cours desquels le gouvernement libéral appuyé par le CTC a maintenu l'austérité financière de Harper et les faibles impôts pour les grandes sociétés et les riches, et a aidé et encouragé la répression anti-immigrante brutale de Trump.

Les congrès d’Unifor et de la Fédération canadienne des enseignantes de cet été ont offert aux libéraux une plate-forme pour leur campagne de réélection. Trudeau s'est adressé aux deux rassemblements. La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, le principal faucon de guerre du gouvernement, a également été l'une des conférencières vedettes au congrès d'Unifor à Québec.

Pendant le congrès, Dias a exposé sans ambages la politique de son syndicat en disant au magazine Maclean's: «C'est n'importe qui, sauf les conservateurs.» En plus de chanter les louanges de Trudeau, il a applaudi l'ancienne première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, qu'il a qualifiée de «l'un des leaders les plus progressistes que nous ayons jamais eus dans ce pays». Le gouvernement Wynne, avec le plein soutien des syndicats, a imposé des mesures d'austérité brutales et a interdit les grèves des enseignants et autres travailleurs avant de subir une débâcle lors des élections en 2018.

Les Métallos, qui sont en faveur du NPD, ont collaboré non moins pleinement et sans réserve qu’Unifor avec le gouvernement libéral et la grande entreprise canadienne dans le cadre de la renégociation de l'ALENA.

Le Syndicat des Métallos se spécialise dans la combinaison d'un nationalisme vulgaire et de positions militaristes explicitement proguerre. Lorsque Trump a imposé des droits de douane sur les importations canadiennes d'acier et d'aluminium, les Métallos ont soutenu qu'ils devraient être levés parce que les États-Unis ont besoin d'acier fabriqué au Canada pour fabriquer leurs chars et leurs avions de combat: un argument rapidement repris par Freeland et Trudeau.

Le fait que les différences entre les factions ouvertement prolibérales et pro-NPD de la bureaucratie syndicale constituent un désaccord tactique sur la meilleure façon de défendre les privilèges de la bureaucratie et leurs divers appareils syndicaux est surtout démontré par leur rôle commun dans la répression de la lutte des classes. Pendant des décennies, les syndicats procapitalistes ont imposé des réductions d'emplois et de salaires et d'autres concessions, saboté la lutte de masse contre l'austérité comme le mouvement de masse anti-Harris des années 1990 ou la grève étudiante québécoise de 2012, et fait respecter les lois antigrèves adoptées par les gouvernements de toutes tendances, des conservateurs aux libéraux et au NPD en passant par le Parti québécois.

Il y a un peu plus de dix jours, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) – le plus grand syndicat du pays et l'un des plus ardents défenseurs syndicaux du NPD – a accepté des réductions réelles des salaires et des avantages sociaux de 55.000 employés de soutien scolaire en Ontario.

S'inclinant devant les exigences du gouvernement conservateur de Ford, le SCFP a accepté son cadre de «rémunération du travail». Ce cadre, qui sera bientôt promulgué, limite les augmentations totales des salaires et des avantages sociaux à 1 % par année pour les trois prochaines années.

L'accord du SCFP pour le personnel de soutien scolaire ouvre la voie au gouvernement populiste de droite Ford pour qu’il impose les mêmes conditions de réduction des salaires à plus d'un million de travailleurs du secteur public dans toute la province. De plus, il divise les travailleurs de l'éducation de la province, ce qui facilite la volonté du gouvernement d'augmenter considérablement la taille des classes et d'éliminer 10.000 emplois dans l'enseignement.

Cette trahison doit servir d'avertissement quant à la nature réelle d'une alliance gouvernementale libérale-néo-démocrate après le 21 octobre. Tout comme le gouvernement libéral actuel, une telle alliance – que ce soit sous la forme d'une coalition ou d'un appui «externe» de Singh et de son NPD – utiliserait une rhétorique progressiste, une politique identitaire et un partenariat corporatiste renforcé avec les syndicats comme écran de fumée pour poursuivre le programme de la bourgeoisie: réarmement, affirmation agressive des intérêts impérialistes canadiens dans le monde et attaque sans fin sur la position sociale et les droits des travailleurs.

(Article paru en anglais le 19 octobre 2019)

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