Un ancien haut responsable militaire remporte l’élection présidentielle au Sri Lanka

La Commission électorale sri-lankaise a annoncé hier que Gotabhaya Rajapakse, candidat du Sri Lanka Podujana Peramuna (SLPP), avait remporté l’élection présidentielle samedi.

Gotabhaya Rajapakse, ancien colonel de l’armée et frère de l’ancien président Mahinda Rajapakse, a été secrétaire à la Défense du Sri Lanka entre 2005 et 2014. Il a été salué par une partie de l’élite dirigeante sri-lankaise, les militaires et les racistes cingalais pour sa poursuite impitoyable de la guerre contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), qui a pris fin en mai 2009. Il est aussi largement détesté pour sa répression brutale des luttes ouvrières et des critiques du gouvernement, y compris les journalistes.

Le candidat du SLPP a reçu 6,9 millions de voix, soit 52 pour cent du total des voix, dont une grande partie provenait des zones rurales. Sajith Premadasa, le candidat du Parti national uni (UNP), au pouvoir, a obtenu 5,5 millions de voix, soit environ 42 pour cent du total des suffrages. Environ 82 pour cent des électeurs inscrits ont participé au scrutin de samedi, l’un des plus élevés d’une élection au Sri Lanka.

Les élections se sont déroulées dans un climat de profonde hostilité à l’égard du président Maithripala Sirisena et du gouvernement au pouvoir dirigé par l’UNP. Hostilité aussi à l’égard de la mise en œuvre des exigences d’austérité du Fonds monétaire international (FMI) par ces derniers. Beaucoup ont voté pour le candidat du SLPP. Mais c’était un vote de protestation contre le gouvernement de l’UNP. Toutefois ils n’ont confiance en aucune des promesses électorales de Rajapakse selon lesquelles il atténuera la détérioration des conditions sociales.

L’élection de Gotabhaya Rajapakse, cependant, loin d’améliorer le sort des travailleurs ordinaires, verra l’intensification du programme d’austérité poursuivie par le gouvernement actuel. Rajapakse va aussi approfondir la répression sans merci de l’opposition des travailleurs, des jeunes et des pauvres.

Au cours de la campagne, Rajapakse s’est vanté de son rôle dans la fin de la guerre contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) en 2009. Il est loué comme l’«homme fort» nécessaire pour amener un gouvernement stable. En tant que secrétaire à la défense, il a présidé au massacre d’au moins 40.000 civils tamouls et est directement impliqué dans des crimes de guerre. Il est également responsable des escadrons de la mort parrainés par l’armée. Ces équipes ont perpétré des centaines d’exécutions et de «disparitions» parmi d’anciens membres de l’appareil judiciaire, notamment de politiciens de l’opposition, de critiques et de journalistes.

L’élection de Rajapakse marque un changement radical vers des formes autocratiques de gouvernement et l’abandon des normes constitutionnelles et juridiques fondamentales. En tant que président, il se tournera inévitablement vers les mêmes méthodes criminelles pour traiter avec la classe ouvrière que celles qu’il a employées avec son frère contre leurs opposants politiques et la population tamoule pendant la guerre.

Le SLPP a renforcé l’opposition antigouvernementale à la suite des attaques terroristes soutenues par l’État islamique contre le National Thowheeth Jamma'ath le 21 avril, qui ont tué près de 300 personnes, en affirmant que le gouvernement avait affaibli l’appareil de renseignement.

Gotabhaya Rajapakse tente de détourner les tensions sociales sur des lignes communautaires, a promu un sentiment antimusulman. Il a affirmé que le Sri Lanka faisait face à une nouvelle menace terroriste islamique et a allégué que le «terrorisme LTTE est en train de renaître».

La campagne électorale de Gotabhaya Rajapakse était centrée sur son agitation pour une plus grande «sécurité nationale» pour vaincre le terrorisme. Son but réel est de construire l’appareil militaire et de renseignement contre la classe ouvrière. Premadasa, candidat de l’UNP, a partagé ce programme réactionnaire dans sa plate forme électorale. Le parti Janatha Vimukthi Peramuna (JVP) a fait compagne sur le même programme. Ce dernier a également appelé à renforcer la sécurité nationale pendant la campagne électorale.

L’Alliance nationale tamoule (TNA) et les partis musulmans ont appelé les Tamouls et les musulmans à rejeter Gotabhaya Rajapakse et à voter pour le candidat UNP. Mais le TNA et les partis musulmans ont été discrédités par leur soutien au dernier gouvernement. La population tamoule et musulmane a quand même massivement rejeté Rajapakse. Ce n’était pas afin de soutenir l’UNP mais plutôt de peur que Rajapakse reprenne son rôle dirigeant dans le massacre de dizaines de milliers civils lors de la fin de la guerre contre les tamouls en 2009. Par conséquent, il a été vaincu dans chaque district du Nord et de l’Est.

Fait significatif, Rajapakse tiendra sa cérémonie d’assermentation demain à Anuradhapura, qui est vénérée par l’establishment bouddhiste et les racistes cinghalais. La ville est l’emplacement de l’ancien royaume du légendaire roi Dutu Gamunu qui gouverna la région après avoir vaincu un roi tamoul.

Premadasa a admis sa défaite et a démissionné de son poste de chef adjoint du parti. Le Premier ministre actuel, Ranil Wickremesinghe, a déclaré qu’il aurait des discussions avec le nouveau président soit de dissoudre le parlement soit de siéger dorénavant dans l’opposition. Plusieurs ministres, notamment ceux des finances et du commerce international, ont déjà démissionné.

Le dirigeant du SLPP, Mahinda Rajapakse, a publié hier une déclaration dans laquelle il a dit qu’il espérait que l’UNP au pouvoir «honorerait le mandat électoral». Il a indiqué que la priorité devrait être donnée au règlement des «complications créées par le 19e amendement à la Constitution» après l’investiture du nouveau président.

L’ancien président a également déclaré que des mesures seraient prises pour «reconstruire l’économie de bas en haut et introduire des réformes constitutionnelles et juridiques pour atteindre cet objectif.»

En d’autres termes, le SLPP et Gotabhaya Rajapakse veulent que le gouvernement dirigé par l’UNP démissionne. Leur but est d’appeler de nouvelles élections législatives et d’établir un nouveau régime afin de mettre en œuvre son programme de droite de lutte contre la classe ouvrière.

Les prétendues «complications créées par le 19e amendement» font référence aux mesures limitées introduites par le gouvernement dirigé par l’UNP pour réduire certains pouvoirs du président. Bien que cela ne soit pas ouvertement dit, les réformes juridiques et les changements constitutionnels à venir seront utilisés pour orienter le pays vers des formes autoritaires de gouvernement.

Les élections de samedi se sont déroulées dans un contexte d’aggravation de la crise politique et économique du gouvernement et de l’élite dirigeante et de lutte croissante de la classe ouvrière contre l’austérité. Toutes les factions de l’élite dirigeante cherchent à établir un régime policier étatique. Ayant remporté les élections présidentielles, le SLPP commencera à mettre en œuvre ces mesures.

La référence de Mahinda Rajapakse à la «reconstruction de l’économie à partir de la base» est également significative. Le Sri Lanka est embourbé dans l’endettement croissant et fait face à un ralentissement économique.

Au nom de la résolution de la crise, le FMI a exigé des réformes économiques radicales, y compris la privatisation des entreprises d’État et la réduction des programmes sociaux. Alors que le FMI souhaite que le déficit budgétaire soit ramené à 3,5 pour cent du PIB d’ici 2020, le déficit de cette année est passé à 5,6 pour cent du PIB. Au début du mois, le gouverneur de la Banque centrale du Sri Lanka, Indrajit Coomaraswamy, a averti que si ces objectifs n’étaient pas atteints, il y aurait un «scénario essentiellement grec».

Le SLPP a été créé par une faction du Parti de la liberté du Sri Lanka (SLFP) de la Présidente Sirisena deux ans après l'éviction de Mahinda Rajapakse lors des élections de 2015, au milieu d'une opposition massive. Faisant appel au chauvinisme cingalais, il a rallié le soutien d'une couche de moines bouddhistes et de forces racistes, dont le fasciste Bodu Bala Sena, et de certains secteurs de la hiérarchie militaire.

La pseudo-gauche et les syndicats ont politiquement désarmé les travailleurs pendant les élections et ont contribué à créer les conditions qui ont amené Gotabhaya Rajapakse au pouvoir en promouvant l’UNP de droite. Ce dernier a également une longue histoire de méthodes de gouvernement antidémocratiques.

Lors de cette élection, le parti Nava Sama Sama Samaja (NSSP), de la pseudo gauche, fonctionne comme un appendice du gouvernement de l’UNP. Il a appelé à voter pour le candidat de l’UNP, Sajith Premadasa, affirmant que cela permettrait d’arrêter Gotabhaya «le fasciste». De même, le Parti socialiste unifié (USP) a indirectement soutenu Premadasa en déclarant que la tâche principale est d’arrêter «le fasciste Gotabhaya.»

Au cours de la récente vague de grèves et de protestations des travailleurs sri-lankais au sujet des salaires et des conditions de travail, les syndicats ont soutenu le gouvernement dirigé par l’UNP. Un autre groupe pseudo gauche, le Parti socialiste d’avant-garde a limité et politiquement isolé les luttes que les ouvrières ont menées. Il prétendait que l’action syndicale pourrait faire pression sur le gouvernement et les entreprises pour qu’ils accordent des concessions.

Ces formations se sont toutes opposées à la lutte du Parti de l’égalité socialiste pour la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre toutes les factions de la classe dirigeante et pour établir un gouvernement ouvrier et paysan afin de mettre en œuvre les politiques socialistes. Les syndicats et la pseudo gauche ont ainsi contribué à renforcer l’élite dirigeante alors qu’elle passe à des formes dictatoriales de gouvernement.

Le SEP a été le seul parti à se présenter aux élections sur la base d’un programme socialiste international, contre la guerre impérialiste, l’austérité et les attaques contre les droits démocratiques. De nombreux travailleurs et jeunes ont bien accueilli la campagne du SEP notre candidat ayant reçu 3014 votes à travers l’île. Bien que petit, il s’agit d’un vote de classe en faveur du socialisme.

Tôt ou tard, la classe ouvrière entrera en conflit direct avec le nouveau président Gotabhaya Rajapakse et son gouvernement. Pour vaincre les attaques, les travailleurs doivent se baser sur un programme socialiste international. Nous exhortons les travailleurs et les jeunes à se joindre à nous et à faire du SEP le parti révolutionnaire nécessaire à cette lutte.

Article paru d’abord en anglais le 18 novembre 2019)

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