Les États-Unis et l'UE ont donné plus de 20 milliards de dollars d'aide militaire et économique à l'Ukraine depuis 2014

Le témoignage de deux hauts responsables américains de la sécurité nationale, lors de la dernière journée des auditions publiques sur la destitution du président Trump, a jeté un nouvel éclairage sur la question centrale de la crise de la destitution: les efforts énormes et prolongés de l'impérialisme américain et européen pour utiliser l'Ukraine comme base des opérations contre la Russie.

David Holmes, conseiller politique en chef à l'ambassade des États-Unis à Kiev, a témoigné aux côtés de Fiona Hill, ancienne responsable du Conseil national de sécurité, qui a assumé la responsabilité principale de la politique américaine envers la Russie et l'Ukraine de mars 2017 à juillet 2019.

Le passage clé du témoignage de M. Holmes est venu en réponse à une question sur l'étendue comparative de l'aide économique et de sécurité américaine et européenne octroyée à l'Ukraine, et sur l'importance de la retenue pendant 55 jours des 391 millions de dollars de l'aide militaire. M. Holmes a expliqué qu'il ne s'agissait que d'une fraction des 1,5 milliard de dollars d'aide militaire américaine à l'Ukraine depuis 2014. Il a continué:

«Depuis 2014, les États-Unis ont fourni à l'Ukraine une aide civile et militaire combinée d'environ 3 milliards de dollars, plus trois garanties de prêts d'un milliard de dollars [...] Ces prêts sont remboursés en grande partie [...] Les Européens, au niveau de l'Union européenne et les États membres réunis depuis 2014, ont fourni, si je comprends bien, 12 milliards à l'Ukraine en tout.»

Cela porterait à 18 milliards de dollars le soutien impérialiste combiné de l'Ukraine depuis le coup d’État d'extrême droite soutenu par la CIA en 2014 (absurdement surnommé la «Révolution de la dignité» en langage officiel). D'autres informations suggèrent que Holmes a quelque peu sous-estimé la contribution de l'UE.

Selon Carl Bildt, ancien Premier ministre suédois, coprésident du Conseil européen des relations extérieures, l'UE et ses États membres, ainsi que les institutions financières liées, ont fourni plus de 15 milliards d'euros, soit environ 16,4 milliards de dollars. Un porte-parole de l'UE a déclaré à la presse que ce total «couvre les subventions et les prêts provenant de différentes sources/instruments du budget de l'UE et des institutions financières européennes.»

Les 16,4 milliards de dollars de l'UE, combinés aux 6 milliards de dollars de prêts et de dons de Washington, porteraient le total combiné à quelque 22,4 milliards de dollars au cours des cinq dernières années, soit une moyenne annuelle de près de 4,5 milliards de dollars, ce qui est comparable à l'aide annuelle des États-Unis à Israël ou à l'Afghanistan.

L'Ukraine partage une frontière de 2000 kilomètres avec la Russie, qui était autrefois une frontière intérieure entre les républiques constitutives de l'Union soviétique. Fournir des dizaines de milliards de dollars pour construire l'Ukraine comme base d'opérations contre la Russie est une provocation flagrante. Comment Washington réagirait-il si la Chine ou la Russie investissaient des milliards dans l'armement d'un gouvernement antiaméricain hostile au Canada ou au Mexique, installé d'ailleurs par un coup politique soutenu par Pékin ou Moscou?

Qu'est-ce que les puissances impérialistes - les États-Unis, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, etc. - en ont pour leur argent? L'Ukraine est en train de devenir un État de première ligne contre la Russie, fer de lance d'une éventuelle guerre de l'OTAN contre ce pays, pour laquelle des forces avancées ont déjà été stationnées dans les États baltes et en Pologne.

D'une force militaire relativement désordonnée en 2014, l'armée ukrainienne est devenue, selon le témoignage de Holmes, «sans doute la force terrestre la plus compétente et la plus endurcie au combat en Europe.» L'Ukraine compte 250.000 hommes et femmes dans ses forces armées régulières, plus 80.000 dans les réserves, soit plus que l'Allemagne ou la France, étant seulement deuxième en importance après la Russie sur le continent européen.

Le gouvernement ukrainien consacre 5,4 % de son produit intérieur brut à l'armée - une proportion beaucoup plus élevée que celle des pays d'Europe occidentale - et son entreprise publique de production d'armes, Ukroboronprom, a fait de l'Ukraine le 12e exportateur mondial d'armes entre 2014 et 2018, plus que le Canada et la Turquie.

La semaine dernière, la marine ukrainienne a pris possession de deux anciens garde-côtes américains, et d'autres navires sont attendus, ce qui a fait qu'un officier de la marine, Andrii Ryzhenko, se soit vanté que «nous pouvons patrouiller sur toute la mer Noire.»

Des témoins pour la destitution venant du Département d'État, du Conseil de sécurité nationale et du Pentagone ont fait référence à plusieurs reprises à la «guerre chaude» en cours dans l'est de l'Ukraine, où les forces militaires ukrainiennes affrontent des séparatistes soutenus par la Russie dans les régions de Donetsk et Lugansk.

Ce conflit a été soigneusement étudié par les planificateurs, les stratèges et les tacticiens militaires américains, comme une arène inestimable pour observer les tactiques russes et apprendre à les combattre.

Un rapport publique du Groupe de guerre asymétrique de l'armée américaine dit: «Les forces américaines devraient maintenant commencer à réfléchir à la meilleure façon dont nos formations devraient se préparer aux menaces auxquelles les forces armées ukrainiennes (FAU) font face et identifier les lacunes dans notre propre doctrine [...] Les États-Unis n'ont pas connu ce type de conflit depuis presque une génération et doivent se transformer pour combattre et gagner dans une guerre complexe de manœuvres.

En d'autres termes, le renforcement militaire soutenu par l'impérialisme a une signification à la fois qualitative et quantitative.

David Holmes n'est pas un personnage mineur. Ses affectations passées comprennent Moscou, New Delhi (Inde), Kaboul (Afghanistan), Bogotá (Colombie) et Pristina (Kosovo). Il a servi à Washington en tant que directeur pour l'Afghanistan au Conseil de sécurité nationale, ce qui laisse entendre qu'il est un fonctionnaire très influent. Son poste, conseiller politique à l'ambassade des États-Unis à Kiev, est fréquemment utilisé comme couverture par le chef de la station de la CIA dans les capitales étrangères.

Et malgré le titre de «conseiller politique», Holmes a personnellement passé en revue les opérations militaires de l'Ukraine. Il a dit au Comité du renseignement de la chambre des représentants, «J'ai eu l'honneur de rendre visite au principal centre d'entraînement dans l'ouest de l'Ukraine avec des membres du Congrès et de ce même comité, où nous avons vu des soldats de la Garde nationale américaine, ainsi que des alliés, donner des formations à des soldats ukrainiens. Depuis 2014, des unités de la Garde nationale de Californie, d'Oklahoma, de New York, du Tennessee et du Wisconsin se sont entraînées côte à côte avec leurs homologues ukrainiens.»

C'est ce renforcement militaire impérialiste massif qui sous-tend la crise politique à Washington qui a donné lieu à l'enquête de destitution. L'appareil du renseignement militaire et ses avocats du Parti démocrate n'ont pas pris Trump pour cible simplement parce qu'il a demandé à l'Ukraine d'enquêter sur un rival politique.

Ils réagissent parce que les actions de Trump en retenant l'aide militaire ont perturbé l'une des opérations impérialistes les plus critiques en cours. C'est ce que signifie le refrain constant des démocrates et des médias selon lequel Trump est coupable de mettre en danger la «sécurité nationale» des États-Unis.

Dans la terminologie de Washington, «sécurité nationale» signifie poursuivre les objectifs mondiaux de l'impérialisme américain. Cela n'a rien à voir avec la défense du peuple américain contre une menace quelconque, ni, d'ailleurs, avec la défense de la population de l'Ukraine. Cette opération s'inscrit plutôt dans le cadre des préparatifs de futures guerres qui mettraient les deux plus grandes puissances nucléaires en conflit direct, avec des conséquences incalculables pour l'humanité.

Tous les membres du Comité du renseignement de la Chambre des représentants se prosternent devant cet objectif politique. Les membres républicains cherchaient à défendre Trump en soulignant sa plus grande volonté d'envoyer une «aide létale» à l'Ukraine, y compris des missiles antichars Javelin, bien qu'il ait insisté pour les vendre à profit aux Ukrainiens.

De même, lors du débat présidentiel démocrate de mercredi soir, tous les candidats démocrates ont approuvé le récit de la destitution, où Trump doit être limogé, non pas pour ses crimes réels contre les immigrés et les droits démocratiques, ou ses efforts pour construire un mouvement raciste et fasciste, mais parce qu'il est entré en conflit avec des éléments puissants de l'appareil de sécurité nationale.

(Article paru en anglais le 21 novembre 2019)

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