Le premier ministre australien rejette l’appel de Pamela Anderson pour que son gouvernement défende Assange

Le premier ministre australien Scott Morrison a vivement rejeté l’appel envoyé par l’actrice bien connue Pamela Anderson à son gouvernement pour qu’il assume d’urgence sa responsabilité de défendre le citoyen et journaliste australien persécuté Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks.

Dans sa lettre, Anderson déclare que si Assange est extradé aux États-Unis par la Grande-Bretagne, il risque 175 ans de prison «et une possible peine de mort». Son seul crime était d’avoir «révélé la criminalité et les crimes de guerre systémiques de gouvernements».

Elle se réfère à la conclusion du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture Nils Melzer selon laquelle le fondateur de WikiLeaks présentait les symptômes de la «torture psychologique» et que sa vie était en danger suite à neuf années de persécution par les États-Unis et leurs alliés dont la Grande-Bretagne et l’Australie.

Les avertissements de Melzer ont été confirmés par plus de 60 médecins éminents qui ont adressé dimanche une lettre ouverte au ministre britannique de l’Intérieur. Ceux-ci demandent le transfert urgent d’Assange de la prison de haute sécurité de Belmarsh à un hôpital universitaire, avertissant que si rien n’était fait «M. Assange pourrait mourir en prison.»

Pamela Anderson parle en défense du journaliste persécuté Julian Assange. (Photo par Joel Ryan/Invision/AP)

Cette lettre est l’expression d’une vague croissante de soutien à Assange, ce qu’Anderson a fait remarquer: «Les citoyens australiens en masse ainsi que des parlementaires australiens se lèvent à présent pour déclarer ensemble qu’ils veulent que le gouvernement australien ‘ramène Assange chez lui’ ».

Le groupe multipartite de neuf parlementaires auquel fait allusion Anderson a tenu sa première réunion hier à la suite d’une séance d’information donnée par Jennifer Robinson, une des avocates d’Assange. Le coprésident du groupe, le député indépendant Andrew Wilkie, a déclaré ensuite dans un communiqué que la réunion avait porté sur «la détérioration de la santé d’Assange; l’injustice de son extradition potentielle vers les États-Unis; et la manière dont son traitement constituait une attaque directe contre les journalistes et le droit du public à savoir».

«Le Groupe est unanimement et fermement convaincu que la demande d’extradition américaine de M. Assange doit être annulée et qu’il doit être autorisé à retourner en Australie», a déclaré Wilkie. La réunion avait décidé que lui et le co-président du groupe, George Christensen, écriraient à l’ambassadeur des États-Unis en Australie et au Haut Commissaire britannique. Ils solliciteraient des réunions afin de «discuter de la manière dont M. Assange pourrait être ramené en Australie aussi vite que possible».

Anderson conclut sa lettre en déclarant: «Je lance un appel personnel appuyé à tous les parlementaires chargés de défendre la protection des citoyens australiens pour qu’ils se lèvent et protègent Julian Assange en contactant leurs homologues des États-Unis et de Grande-Bretagne, et exigent qu’ils refusent l’extradition et qu’on permette à Julian d’aller librement en tant que professeur et citoyen australien important».

Dans une réponse, Morrison a simplement réaffirmé lundi la position de chaque gouvernement travailliste et de coalition depuis 2010. À commencer par le gouvernement travailliste soutenu par les Verts de Julia Gillard, tous ont collaboré à la vendetta contre Assange dirigée par les États-Unis et ont refusé de faire respecter ses droits en tant que citoyen australien.

Morrison a pointé le soutien de son gouvernement à la farce judiciaire en cours en Grande-Bretagne. Il a déclaré qu’Assange avait « droit à une procédure régulière, y compris d’être représenté dans les procédures judiciaires auxquelles il est confronté au Royaume-Uni». Il a ajouté: « Pour M. Assange, l’endroit approprié pour y soulever des préoccupations au sujet de la légalité de ses actions ou de son traitement en vertu de la loi, est à travers ces processus juridiques qu’on devrait autoriser à suivre leur cours.»

En réalité, comme Melzer et d’autres experts juridiques l’ont expliqué, et Anderson le fait remarquer dans sa lettre, les droits juridiques d’Assange sont foulés aux pieds par la justice britannique.

On a entre autre refusé de lui fournir les documents et autres éléments nécessaires à la préparation de sa défense ; restreint sa capacité de consulter ses avocats ; des juges ont prononcé des insultes personnelles à son égard lors de ses audiences, dont une qui l’a traité de « personnage narcissique» ; et la juge présidant l’audience d’extradition, Emma Arbuthnot, fit preuve d’une partialité manifeste ; la famille de celle-ci étant d’ailleurs étroitement liée aux services de renseignements et opérations militaires démasquées par WikiLeaks.

«Au-delà de l’assistance consulaire, il est important de noter que l’Australie n’a pas qualité pour agir et n’est pas en mesure d’intervenir dans les procédures judiciaires de M. Assange», a ajouté Morrison.

Cette affirmation est un mensonge, démasqué comme tel non seulement par les préceptes du droit international et de la diplomatie, mais aussi par les actions mêmes de gouvernements australiens successifs, dont celui de Morrison.

Comme le WSWS l’a noté l’année dernière: «Le gouvernement australien a le droit légal de demander la protection diplomatique de Julian Assange. Une telle action peut impliquer des requêtes diplomatiques et des représentations auprès du gouvernement britannique, et, dans certaines conditions, l’introduction d’une procédure contre la Grande-Bretagne, devant les tribunaux britanniques. Les bases factuelles pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’Australie de protéger Assange sont à la fois extrêmes et capitales. Les circonstances dans lesquelles une nation souveraine peut agir pour protéger ses sujets sont très étendues».

(voir: «Le gouvernement australien a l’obligation de protéger Julian Assange»)

En outre, le gouvernement a clairement la capacité de condamner publiquement la tentative de conduire Assange dans une prison américaine pour des activités de publication protégées par la loi, et de mobiliser l’opposition publique face à la menace de son extradition.

Il ne fait aucun doute que si Assange était un journaliste australien accusé des mêmes «crimes» et détenu dans des conditions brutales par la Chine, la Russie ou un autre pays dans la ligne de mire de l’impérialisme américain, alors le gouvernement australien publierait des dénonciations publiques stridentes et demanderait sa libération.

Les gouvernements australiens ont exercé leurs pouvoirs et pris des mesures publiques dans un certain nombre de cas. Entre autre:

L’Australie a participé aux négociations avec les talibans afghans, qui ont abouti à la libération de l’universitaire australien Timothy Weeks et d’autres prisonniers de cette organisation au début du mois.

Le gouvernement Morrison est intervenu pour libérer deux touristes australiens accusés d’activités d’espionnage en Iran en octobre, et fait des représentations au nom d’un universitaire australien détenu dans le pays.

Morrison et de hauts ministres ont fait des dénonciations publiques stridentes et de l'emprisonnement par le gouvernement chinois de Yang Hengjun, un citoyen australien naturalisé, cette année.

Le gouvernement a fait des représentations au début 2019 au nom de Hakeem Al-Araibi, un résident permanent australien détenu en Thaïlande qui risquait l’extradition vers Bahreïn. La libération d’Al-Araibi faisait suite à une importante campagne publique menée par la communauté du football.

L’intervention à un haut niveau du gouvernement pour obtenir la libération, l’année dernière, du cinéaste australien James Ricketson, condamné sur de fausses accusations d’espionnage. Ricketson a fait campagne publiquement pour la défense d’Assange, et a noté les parallèles avec son propre calvaire.

On pourrait citer de nombreux autres cas, notamment l’intervention du gouvernement de coalition de Howard en 2006-2007, qui a mené au retour de David Hicks en Australie depuis la prison militaire américaine de Guantanamo Bay ; ainsi que les représentations gouvernementales ayant contribué à la libération du journaliste Peter Greste d’une prison égyptienne en 2015.

Le refus des députés travaillistes et de la Coalition de prendre des mesures similaires pour défendre Assange est indissolublement lié au soutien des partis parlementaires officiels à l’alliance militaire avec les États-Unis. Il est lié aussi à leur propre tournant vers des mesures d’État policier contre la liberté de la presse et l’opposition sociale et politique des gens ordinaires.

L’establishment politique et l’appareil d’État australiens considèrent non moins que leurs homologues britanniques et américains le procès d’Assange comme un précédent crucial pour la suppression du journalisme d’investigation, l’intimidation de voix critiques du gouvernement et pour la répression du sentiment anti-guerre dans la population dans le contexte d’explosion du militarisme impérialiste.

Un bilan de neuf années, et la dernière déclaration de Morrison, montrent qu’un gouvernement australien n’honorera son obligation de défendre Assange que s’il y est obligé par la pression politique d’un mouvement de masse venu d’en bas.

Dans le contexte de la vague internationale de soutien au fondateur de WikiLeaks, tous les défenseurs des libertés civiles et des droits démocratiques doivent se battre pour la mobilisation la plus large pour exiger la liberation immédiate et inconditionnelle de Julian Assange. Cela comprend des campagnes dans les quartiers populaires et les universités, l’adoption de motions sur les lieux de travail, la création de comités de défense et l’organisation de réunions publiques et de manifestations.

(Article paru d’abord en anglais le 27 novembre 2019)

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