La mobilisation continue alors que Macron se prépare à imposer sa réforme

Des centaines de milliers de grévistes, de «gilets jaunes» et de jeunes ont manifesté hier contre la réforme des retraites de Macron, qui présentait sa réforme au Conseil de ministres afin de préparer sa présentation à l’Assemblée nationale en février. Une grève de six semaines à la SNCF et à la RATP venait de prendre fin, contre une réforme permettrant à l’État de réduire drastiquement sur le long terme le montant des retraites.

Une majorité écrasante de travailleurs s’oppose à la réforme et à Macron, l’ex-banquier «président des riches». Selon un sondage Elabe cette semaine, 61 pour cent des Français s’opposent à la réforme et pour 82 pour cent leur situation personnelle s’est dégradée depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Néanmoins Macron compte présenter sa réforme à l’Assemblée, où son parti a une majorité, le 17 février.

La manifestation à Paris

Tous s’accordent que la mobilisation était plus forte que la dernière journée d’action, le 16. Mais la police et la CGT stalinienne a donné des chiffres largement divergents de 239.000 ou 1.3 million de manifestants. Alors qu’une grande manifestation s’élançait à Paris, des dizaines de milliers de gens défilaient à Marseille, Toulouse, Bordeaux, Le Havre, et à Lyon, et de grandes manifestations se déroulaient à Nice, Rouen, Nantes, Clermont-Ferrand parmi 200 manifestations au total.

A Lyon, des centaines d’avocats du Conseil national du barreau (CNB) en lutte contre la réforme ont occupé le tribunal judiciaire de Lyon. Plusieurs sites de traitement de déchets ont fait grève en région parisienne, ainsi que les personnels de la tour Eiffel.

Les tensions politiques montent toujours, alors que Macron se prépare à passer en force malgré la montée de l’opposition ouvrière. Il n’y a rien à négocier avec Macron, qui a formulé sa réforme en coordination avec les banques et la gigantesque firme de gestion d’actifs BlackRock, et qui veut à tout prix arroser les forces armées et de police ainsi que l’aristocratie financière de centaines de milliards d’euros. La seule voie pour aller de l’avant pour les travailleurs est de faire chuter Macron.

Les syndicats bloquent une lutte sérieuse contre Macron. Ils négocient cette réforme avec lui depuis son élection en 2017 etils ont appelé à la grève le 5 décembre seulement pour éviter de se faire déborder après plusieurs grèves sauvages à la SNCF. Ils ont isolé la grève illimitée à la SNCF et à la RATP, en bloquant une mobilisation similaire dans les ports, les raffineries et dans l’automobile, tout en avançant une perspective irréaliste de convaincre Macron de renégocier sa réforme.

Cédric, un travailleur RATP, a dit au WSWS: «Quand on écoute les médias, ils ont l'impression qu'il y a un moment de faiblesse parmi les grévistes, on est là aujourd'hui pour leur montrer que non. Malheureusement, si on a repris le boulot, ce n'est pas par plaisir. C'est plutôt parce que à la fin du mois, il faut se nourrir. C'est plutôt le côté financier qui nous a obligés à reprendre le travail. Mais là, on essaie de se rassembler sur des actions bien spontanées pour montrer notre mécontentement.»

Frédéric, un autre travailleur, a critiqué les syndicats pour avoir isolé les travailleurs partis en grève illimitée: «On est parti bille en tête. Il faut que quelqu’un commence. Là, si on part tous en même temps en grève illimitée pendant une semaine, c’est plié. Et oui, si les non-grévistes nous suivent. Comme dit monsieur, on ne sait pas ce qui s’est passé syndicalement. ... Perso, je suis pas encarté, je ne suis pas de syndicats. Mais il faut arrêter d’attendre».

Plusieurs grévistes ont déclaré au WSWS que si Macron impose sa réforme à l’Assemblée, ils continueront la lutte. Cédric a dit, «Ce n'est pas aujourd'hui parce que Macron a décidé de passer sa loi entre guillemets avec la minorité qui est d'accord avec cette réforme, qu'on va arrêter le combat. Maintenant, ça fait déjà 50 51 jours de grève. L'épuisement est plutôt du côté financier. C'est ce qu'il voulait de toute manière. Maintenant, le combat, il faudra le mener jusqu'à la fin de l'année. S'il faut faire deux jours de grève par semaine, on fera deux jours par semaine.»

Les conditions d’une confrontation explosive entre la classe ouvrière et le gouvernement Macron, soutenu par les banques et les marchés financiers internationaux, émergent. Dans une lutte pareille, les alliés décisifs des travailleurs français seront ceux du reste du monde, mobilisés contre les banques. Mais il est impossible de mobiliser ce soutien, ainsi que ceux de couches plus larges de travailleurs en France, sous le diktat des directions syndicales et de leurs négociations avec Macron.

Il s’agit donc de créer des comités d’action, indépendants des syndicats, afin de mobiliser les travailleurs plus largement contre Macron et le diktat de l’aristocratie financière internationale. Leur stratégie d’imposer des réformes draconiennes malgré une opposition populaire écrasante met Macron et toute la classe capitaliste sur une trajectoire vers la dictature.

Hier matin, Macron a lancé une diatribe hystérique contre ceux qui l’accusent, avec raison, de fouler aux pieds la démocratie en tentant d’imposer par la répression policière et avec un dédain affiché pour l’opinion une réforme qui appauvrira les masses.

«Aujourd'hui s'est installée dans notre société - et de manière séditieuse, par des discours politiques extraordinairement coupables -, l'idée que nous ne serions plus dans une démocratie, qu'une forme de dictature se serait installée», a dit Macron. Pourtant, il a ensuite insisté que la démocratie bourgeoise française est profondément affaiblie et que certains réfléchissent à une dictature.

«Mais allez en dictature!», a-t-il vitupéré, avant d’ajouter: «La dictature, elle justifie la haine. La dictature, elle justifie la violence pour en sortir. Mais il y a en démocratie un principe fondamental: le respect de l'autre, l'interdiction de la violence, la haine à combattre». Il a accusé «tous ceux qui aujourd'hui dans notre démocratie, se taisent sur ce sujet, sont les complices, aujourd'hui et pour demain, de l'affaiblissement de notre démocratie et de notre République.»

Les arguments de Macron sont en fait ceux d’un dictateur qui tente de justifier son règne. Malgré ses invocations hypocrites du respect et de la nonviolence, il a formulé sa réforme avec non du respect mais avec mépris pour l’opinion et les intérêts matériels de la vaste majorité de la population travailleuse. Il tente à présent d’appauvrir les travailleurs en imposant la réforme dans un parlement godillot et en faisant tabasser les travailleurs qui manifesteraient contre lui.

Macron a non seulement fait arrêter plus de 10.000 «gilets jaunes» mais aussi fait décorer les unités de police impliquées dans les morts de Zineb Redouane et de Steve Caniço. Il voulait que la police comprenne que des violences mortelles seront non seulement tolérées, mais récompensées. Il l’a souligné en 2018 avec sa déclaration, «extraordinairement coupable», que le dictateur vichyste de la France, l’antisémite génocidaire Philippe Pétain, était un «grand soldat».

La défense des droits démocratiques et sociaux fondamentaux contre Macron et les banques internationales exige la construction de comités d’action indépendants parmi les travailleurs en France et à l’international, et une lutte pour faire passer le pouvoir à ces assemblées de travailleurs.