Le président brésilien Bolsonaro invité d'honneur à la fête de la République de l'Inde

Le président fascisant du Brésil, Jair Bolsonaro, était l'invité d'honneur du premier ministre Narendra Modi lors du défilé annuel de la fête de la République du 26 janvier en Inde, mettant en évidence encore une fois de manière frappante devant le monde, le caractère d’extrême droite du gouvernement indien du Parti Bharatiya Janata (BJP).

Bolsonaro est arrivé en Inde vendredi avec une délégation de ministres et d'hommes d'affaires, parmi lesquels les PDG de 10 fabricants brésiliens d'armes. Les gouvernements du Brésil et de l'Inde ont fait la promotion de la visite de Bolsonaro comme une occasion de renforcer considérablement les liens économiques et géopolitiques et de forger un partenariat stratégique bilatéral. À la veille des célébrations de la fête de la République, Modi et Bolsonaro ont signé 15 accords bilatéraux couvrant le commerce, la défense et d'autres domaines.

Dans une déclaration commune, les gouvernements ont affirmé leur intention de doubler les échanges commerciaux entre les deux pays sur une période de trois ans, passant de l'actuel 7 milliards de dollars à 15 milliards de dollars par an. L'un des domaines de coopération mentionnés est le secteur de l'énergie, avec des partenariats proposés dans la production d'éthanol et une hausse des importations indiennes de pétrole brésilien. Selon les analystes économiques, cela aiderait l'Inde à répondre à l’exigence de Washington de trouver un remplacement pour le pétrole qu'elle importe actuellement du Venezuela.

En ce qui concerne les liens militaires, le gouvernement brésilien souhaite consolider sa position d'exportateur d'armes vers l'Inde, deuxième acheteur étranger mondial d'armes et de systèmes d'armes. À partir d’une base d'exportations pratiquement inexistantes aujourd'hui, le Brésil a pour objectif d'atteindre un milliard de dollars de ventes d'armes à l'Inde en cinq ans.

Les deux gouvernements ont convenu de créer une commission de travail mixte sur la coopération industrielle en matière de défense. La visite a également fourni un forum pour les négociations entre les dirigeants du fabricant brésilien d'armes Taurus et l'aciériste Jindal et sa filiale d'armement, Jindal Defence en Inde. Lundi, ces sociétés ont annoncé une joint-venture pour construire une usine de fabrication d'armes légères en Inde. L'entreprise s'inscrit dans la politique «Make in India» de Modi, qui encourage à la fois la substitution des produits importés par des produits fabriqués au pays et l'émergence de l'Inde en tant que plaque tournante de la chaîne de production mondiale alternative à la Chine.

Le gouvernement indien devrait acheter 500 millions de carabines de fabrication Taurus au cours des cinq prochaines années. À la suite de l'annonce de lundi, les actions de Taurus ont grimpé à la Bourse brésilienne.

Plusieurs autres accords seraient en cours, notamment la vente éventuelle à l'Indian Air Force d'un avion de transport militaire de pointe développé par le géant aérospatial brésilien Embraer.

Eduardo Bolsonaro, le fils du président brésilien et un législateur fédéral, faisait partie de la délégation en Inde et aurait été très actif dans la promotion du Brésil en tant que centre mondial de production d'armes. À cette fin, il fait pression pour l'élimination des entraves bureaucratiques aux fabricants d'armes étrangers qui s'installent au Brésil, estimant qu'ils seront attirés par une main-d'œuvre soumise à une exploitation de plus en plus importante.

Malgré la fanfare entourant les multiples accords signés par Modi et Bolsonaro, les deux gouvernements se sont révélés incapables de résoudre un différend commercial de longue date sur les exportations indiennes de sucre. Le Brésil, l'Australie et le Guatemala accusent l’Inde d’inonder le marché mondial du sucre grâce à un régime de subventions gouvernementales. L'année dernière, l'Organisation mondiale du commerce a ouvert une enquête officielle sur ces plaintes. La visite de Bolsonaro en Inde a déclenché des protestations des producteurs de sucre indiens, qui ont soutenu que tout accord avec le Brésil serait à leurs dépens.

L'Inde et le Brésil constituent les deux plus grandes économies dites «émergentes» du monde après la Chine, et Washington cherche à entretenir des relations avec les gouvernements de droite des deux pays afin de développer un contrepoids à l'influence croissante de Pékin.

Sous Modi, l'Inde a ouvert ses bases et ses ports à l'usage courant des avions de guerre et des navires de guerre américains, a répété sans cesse la ligne provocatrice de Washington au sujet de la mer de Chine méridionale et a amorcé une alliance stratégique militaire de style OTAN avec les États-Unis et ses principaux alliés de l'Asie-Pacifique, le Japon et l'Australie: «le Quad».

Bolsonaro avait lui-même fait campagne sur une plate-forme anti-chinoise et a exprimé son objectif de réduire la dépendance de l'économie brésilienne à l'égard de la Chine. La réalité, cependant, est que le commerce bilatéral brésilo-indien ne représenterait qu’à peine un dixième de celui entre le Brésil et la Chine, même si les objectifs annoncés par les deux dirigeants au cours du week-end devaient être atteints.

La rencontre entre Modi et Bolsonaro a souligné leur engagement commun dans les politiques les plus réactionnaires sur la scène mondiale. Ils ont consacré un long passage de leur déclaration commune à ce qu'ils ont appelé la «lutte contre le terrorisme international». Ils ont annoncé leur engagement à forger un «partenariat international plus fort pour contenir le terrorisme et l'extrémisme violent, y compris par un meilleur partage des renseignements», et «à coopérer contre les menaces terroristes spécifiques identifiées par chaque pays. »

Cela a marqué, d'une part, leur alignement sur la politique étrangère de l'impérialisme américain, qui justifie ses guerres d'agression et ses crimes de guerre comme l'assassinat ce mois-ci du général iranien Qassem Soleimani au nom de la lutte contre le terrorisme. D'un autre côté, les deux gouvernements revendiquent le droit de réprimer violemment toute forme de contestation sociale, qui peut être librement «identifiée par chaque pays» comme une «menace terroriste».

Ce n'est pas de la spéculation. Alors que Bolsonaro appelle les actes de protestation sociale des actes terroristes et que le Congrès brésilien promeut des lois pour organiser des coups montés contre les manifestants en vertu de la loi sur le terrorisme, le gouvernement indien a imposé un état de siège au Cachemire et à ses 13 millions d'habitants sous prétexte de lutter contre le terrorisme, et a organisé de coups montés contre des militants accusés de terrorisme dans le cadre de la Prévention des activités illicites en Inde.

Dans la campagne actuelle pour l'élection de l'assemblée dans le Territoire de la capitale nationale de Delhi, le lieu du défilé du 26 janvier, des politiciens de premier plan du BJP ont à plusieurs reprises scandé le slogan «fusillez les traîtres», une référence à ceux qui manifestaient récemment contre l’adoption par le gouvernement Modi de la loi antimusulmane sur la modification d’accès à la citoyenneté.

Lors de leur réunion, Modi s’est plié en quatre pour faire l’éloge de Bolsonaro, qu'il a qualifié de «cher ami». Le gouvernement a décoré les rues de New Delhi d'affiches portant le visage du président du Brésil. Modi a insisté sur le fait que les deux pays réalisent «un partenariat stratégique basé sur une idéologie et des valeurs similaires». Cette «idéologie» et ces «valeurs» consistent en les politiques nationalistes d’extrême droite et fascisantes menées par les deux présidents.

Modi – un membre à vie du mouvement fasciste hindou Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) – s'identifie à coup sûr avec la défense enthousiaste de Bolsonaro de la dictature militaire sanglante qui gouverna le Brésil pendant plus de 20 ans. Interrogé pour savoir s’il était conscient de la réputation de Modi en tant que menace pour la démocratie indienne, Bolsonaro a fait preuve de leur affinité politique en répondant cyniquement que: «Ils disent que je suis aussi une menace pour la démocratie».

Bolsonaro a été contraint d'annuler une visite aux États-Unis l'année dernière face à des menaces de manifestations contre sa présence et est considéré comme toxique dans une grande partie de l'Europe. Mais l'Inde est un pays où il pouvait compter sur le gouvernement et les médias institutionnels pour ne pas soulever de questions sur l'attaque de son gouvernement contre la liberté de la presse et d'autres droits démocratiques fondamentaux.

Les similitudes politiques entre les chefs de gouvernement de pays ayant des antécédents historiques si différents reflètent les préoccupations communes des classes dirigeantes indiennes et brésiliennes, qui se vautrent toutes les deux dans une richesse sans précédent au milieu de la pauvreté de masse et des dysfonctionnements sociétaux, et craignent, surtout, une opposition sociale croissante de la classe ouvrière. Dans les deux pays, les travailleurs sont confrontés aux mêmes problèmes fondamentaux: chômage de masse, détérioration des conditions de vie et de travail, l’austérité gouvernementale et les trahisons perpétrées par les syndicats et les faux partis des travailleurs (en Inde, communistes staliniens) qui se présentent comme «de gauche» tout en imposant les diktats des grandes entreprises.

Les conditions communes d'exploitation des travailleurs sont profondément enracinées dans le processus de mondialisation de la production capitaliste. En même temps, elles offrent d'immenses possibilités révolutionnaires pour unifier les revendications politiques et coordonner les luttes des travailleurs à travers le monde.

(Article paru en anglais le 30 janvier 2020)

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