Saman Ratnapriya, dirigeant d'un syndicat sri-lankais, récompensé par un siège au Parlement

Le principal parti d’opposition du Sri Lanka, le Parti national uni (UNP), a donné un siège au Parlement à Saman Ratnapriya, dirigeant du Sydicat des infirmiers gouvernementaux (GNOU).Ce bureaucrate de longue date du syndicat, qui remplace Jayampathy Wickramaratne, parlementaire de la liste nationale, a prêté serment mercredi.

Le parti proaméricain a récompensé Ratnapriya pour ses services traîtres au précédent gouvernement dirigé par l’UNP, et plus largement pour sa défense de plus de 20 ans de règne capitaliste au Sri Lanka. Ratnapriya est un proche confident du leader de l’UNP et ancien Premier ministre, Ranil Wickremesinghe.

Alors que les bureaucrates syndicaux sri-lankais se trouvent souvent soudoyés avec des postes parlementaires et même ministériels, la nomination de Ratnapriya est particulièrement importante. Elle expose en outre la transformation et la dégénérescence des syndicats en tant qu’outils directs des grandes entreprises et de l’État capitaliste.

Ratnapriya s’est mis en avant comme l’un de ces bureaucrates syndicaux qui proclamaient auparavant les vertus des syndicats militants «indépendants» et «apolitiques», comme un substitut aux syndicats établis largement discrédités. De nombreux syndicats dits indépendants sont apparus au Sri Lanka dans les années 1980 et 1990.

En 1964, le Parti Lanka Sama Samaja (LSSP) a trahi ses principes socialistes et internationalistes et a rejoint le gouvernement de coalition bourgeois du Sri Lanka Freedom Party (le Parti de la liberté de Sri Lanka). Puis, en 1970, il a rejoint un autre gouvernement de coalition du SLFP. Le Parti communiste stalinien (CP) s’est empressé de rejoindre ces coalitions.

Les syndicats alignés sur le LSSP et le CP ont soutenu ces gouvernements et ont appuyé leurs attaques contre les droits sociaux et démocratiques des travailleurs. Au cours de ces coalitions, le LSSP et le CP ont interdit toute politique dans leurs syndicats. Ils l’ont fait pour empêcher la Ligue communiste révolutionnaire (RCL), le prédécesseur du Parti de l’égalité socialiste (SEP), de s’opposer à ces attaques et de soulever les questions politiques critiques qui se cachent derrière.

Le gouvernement UNP du président J. R. Jayawardene avait réussi à faire échouer la grève générale du secteur public de juillet 1980. Il est arrivé à ses fins en exploitant politiquement les trahisons des syndicats du LSSP et du Parti communiste, ainsi que des syndicats affiliés au Parti «de gauche» Nava Sama Samaja (NSSP). Le NSSP s’était créé en 1976 de l’initiative de plusieurs membres du LSSP, dont Wickremabahu Karunaratne, qui prétendait à tort être un parti politique différent.

Dans un contexte de colère et de désillusion généralisées des travailleurs à l’égard de ces syndicats, une nouvelle variété de syndicats dits «indépendants», promettant une action plus militante, a commencé à émerger.

Saman Ratnapriya s’est fait expulser du Syndicat des infirmiers réunis du service public (PSUNU) en 1997. On l’a accusé d’avoir critiqué son chef, Muruththetuwe Ananda, qui était un moine bouddhiste et était connu pour ses liens étroits avec tous les gouvernements du Sri Lanka. Ratnapriya a créé le GNOU, en promettant une organisation militante «indépendante» et «apolitique» comme la voie à suivre pour les infirmiers du service public.

Ces affirmations se sont fait rapidement démentir, car Ratnapriya et la direction de la GNOU se sont opposés à toute discussion «politique» au sein du nouveau syndicat. Ceci était particulièrement dirigé contre la RCL, puis le SEP, qui se battait pour la discussion des questions politiques auxquelles les infirmières et d’autres sections de la classe ouvrière faisaient face.

Deux décennies plus tard, il est devenu très difficile d’identifier des différences entre le caractère dégénéré du GNOU «indépendant» et les autres syndicats.

Alors que le PSUNU est aligné sur le président Rajapakse et son gouvernement au pouvoir, le Podujana Peramuna de Sri Lanka, la GNOU et Ratnapriya se sont alliés à l’UNP de Wickremesinghe.

La dégénérescence et la transformation des syndicats ne sont pas seulement une question de corruption et de trahison de leurs dirigeants, mais expriment des processus plus fondamentaux. Autrefois les syndicats travaillaient dans le cadre national, comme des mécanismes de défense limités pour leurs membres. Cela s’est fait sapper par la mondialisation de la production capitaliste. Spécifiquement, la capacité rapide du capital international à rechercher des plateformes de travail «bon marché» pour l’extraction de la plus-value partout dans le monde.

Le SEP a publié une déclaration le 3 avril 2006, à la veille d’une grève nationale et des protestations de 200.000 travailleurs du secteur public, qui luttaient pour une augmentation de salaire de 65 pour cent. Intitulée: «La voie à suivre pour les travailleurs du secteur public sri-lankais», la déclaration expliquait les problèmes politiques auxquels cette partie de la classe ouvrière faisait face.

«Le SEP avertit sans équivoque que sans une perspective socialiste, cette campagne risque d’être battue, quelle que soit son ampleur ou son caractère apparemment militant. Les dirigeants crient “pas de la politique” dans les syndicats et se préparent à mener leurs membres dans une impasse une fois de plus. Mais, derrière les portes closes, de la politique il en aura beaucoup dans les discussions avec les ministres du gouvernement et les bureaucrates d’État, mais ce ne sera pas dans l’intérêt de la classe ouvrière.»

«Le même slogan de “pas de la politique” a été utilisé pour s’opposer à l’intervention du précurseur du SEP, la RCL, lors de la dernière grande grève du secteur public en 1980. Le LSSP, le Parti communiste et le NSSP se sont tous vigoureusement opposés à la demande de la RCL de mener une lutte politique contre le gouvernement du président J. R. Jayawardene et son programme de réformes économiques. Les travailleurs du secteur public continuent de payer le prix de cette défaite catastrophique, qui a entraîné le licenciement de 150.000 employés.»

Le Comité syndical de révision des salaires du secteur public (PSSRTUC), un groupement de syndicats «indépendants», a lancé la campagne nationale sur les salaires. Ratnapriya était l’organisateur principal des syndicats du secteur de la santé.

Tentant d’empêcher l’intervention du SEP, un groupe de partisans de Ratnapriya a menacé de recourir à la violence physique. Lorsqu’on l’a été interpellé sur cette menace antidémocratique, Ratnapriya a déclaré: «Il n’existe nulle part une telle démocratie».

Dans un acte de trahison plus récent de Ratnapriya, il s’est associé à d’autres dirigeants syndicaux pour aider Maithripala Sirisena à devenir président, en janvier 2015. Ce geste faisait partie d’une opération de «changement de régime», initiée par Washington et soutenue par New Delhi, pour évincer Mahinda Rajapakse en raison de son alliance étroite avec la Chine. Sirisena avait, en effet, été un haut dirigeant du SLFP et le ministre de la Santé de Mahinda Rajapakse.

Ratnapriya a lancé le front des «syndicats pour la justice sociale» pour soutenir Sirisena et le promouvoir en tant que «démocrate» et «pro-populaire». Il est également devenu le rassembleur de «Purawesi Balaya» (le pouvoir du peuple), une alliance de groupes de pseudo-gauche et d’universitaires chargés de faire campagne pour Sirisena.

Le gouvernement «d’unité» Sirisena-Wickremesinghe a ancré le Sri Lanka dans le camp américain et a mis en œuvre les mesures d’austérité du Fonds monétaire international.

Le gouvernement «d’unité» s’est toutefois effondré, car un nombre croissant de travailleurs sont entrés en lutte contre les politiques sociales réactionnaires du gouvernement. Ratnapriya s’est joint à Wickremesinghe pour dénoncer les grèves et les protestations des travailleurs et des étudiants, les qualifiant de conspirations antigouvernementales.

Lors de l’élection présidentielle de l’année dernière, il s’est rangé du côté du candidat de l’UNP Sajith Premadasa, affirmant que le leader du parti proaméricain était un démocrate, contre le «fasciste» Gotabhaya Rajapakse. Cela faisait partie d’une campagne menée par divers syndicats, groupes de fausse gauche, universitaires et partis tamouls pour rallier les masses derrière Premadasa. La campagne traître qui visait à empêcher toute mobilisation indépendante de la classe ouvrière n’a fait qu’aider Gotabhaya Rajapakse.

Ratnapriya est un ennemi implacable de la classe ouvrière. Sa trajectoire politique toujours plus à droite, au cours des deux dernières décennies, souligne, une fois de plus, la nécessité pour les travailleurs de se séparer des syndicats. Ils doivent construire leurs propres comités d’action et se mobiliser sur un programme socialiste et internationaliste, contre toutes les factions de la classe capitaliste sri-lankaise et leurs défenseurs syndicaux.

(Article paru d’abord en anglais 8 février 2020)

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