Québec: le gouvernement de la CAQ s’arroge plus de pouvoirs pour imposer des coupes majeures en éducation

Le gouvernement provincial droitier de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a adopté sous bâillon, le 8 février dernier, une réforme majeure en éducation. Sous le couvert d’une réduction de la «bureaucratie», la loi 40 concentre les pouvoirs entre les mains du Ministre de l’éducation pour accélérer et faciliter les coupures et la privatisation.

Parmi une série de mesures, la nouvelle loi élimine les commissions scolaires pour les transformer en «centres de services», augmente les pouvoirs des directions d’école, et crée des «conseils d’administration» composés de quinze membres bénévoles dont le rôle sera essentiellement réduit à la simple approbation des directives ministérielles.

La loi 40 facilite également l’inscription d’un enfant à une école publique qui n’est pas son école de quartier. Comme les écoles sont financées en fonction du nombre d’élèves, cette mesure va accentuer le sous-financement des écoles moins attrayantes des quartiers ouvriers appauvris, et en condamner plusieurs à la disparition. Sachant que le gouvernement prévoit créer plusieurs écoles «à vocation», l’objectif visé est une prolifération des écoles privées, déjà massivement subventionnées.

La loi 40 est comparée à juste titre à la loi 10 sur les services de santé (dite «réforme Barrette») adoptée en 2015 par le précédent gouvernement libéral. Au moyen d’une centralisation des services et d’une restructuration du réseau, elle a imposé des coupures budgétaires massives et ouvert la voie aux privatisations. Des services et programmes ont été lourdement touchés avec des conséquences désastreuses pour la population, alors que pour les travailleurs, la surcharge de travail et l’épuisement professionnel ont augmenté en flèche.

De manière similaire, la restructuration du réseau scolaire se fera au détriment des élèves et des travailleurs de l’éducation. Les offres patronales déposée en décembre dernier dans le cadre du renouvellement des conventions collectives indiquent que le gouvernement est déterminé à imposer des reculs majeurs au demi-million d’employés du secteur public.

L’attaque lancée contre les travailleurs québécois est similaire à ce qui prend place à l’échelle nationale et internationale. La tentative du gouvernement Doug Ford en Ontario d’imposer des hausses salariales nettement sous l’inflation (un pour cent par année sur trois ans), d’augmenter le ratio maître/élèves en éducation et d’introduire des cours en ligne obligatoires engendre une colère grandissante, notamment parmi le personnel scolaire qui a lancé une série de grèves tournantes, soutenue par une majorité de la population. Aux États-Unis, les enseignants font partie des contingents de la classe ouvrière à avoir fait grève au cours des deux dernières années, dans un contexte d’une résurgence de la lutte des classes à l’échelle internationale.

Pour diviser la classe ouvrière, le gouvernement Legault fait une promotion accrue du chauvinisme anti-immigrants. C’est l’objectif de sa loi 21 adoptée l’an dernier qui, sous le couvert de la « laïcité de l’état », interdit l’embauche dans les écoles primaires et secondaires de tout enseignant portant un signe religieux – mesure anti-démocratique qui cible directement les minorités culturelles, particulièrement les femmes de confession musulmane.

Le recours au bâillon pour forcer l’adoption de la loi 40 – la quatrième fois en huit mois que le gouvernement a recours à cette mesure anti-démocratique pour imposer des lois impopulaires – doit être vu comme un sérieux avertissement que la CAQ va utiliser tout le pouvoir répressif de l'État, y compris les lois spéciales, pour mater et réprimer la moindre opposition parmi les enseignants et la population en général face à son programme d’austérité sauvage.

La lutte qui attend les enseignants et l'ensemble des travailleurs du secteur public n'est pas une simple lutte autour des conventions collectives. Il s’agit d’une lutte politique qui soulève la question fondamentale de l'allocation des ressources de la société. Faut-il, comme l’exige la classe dirigeante, de nouvelles coupes massives dans les services publics et les conditions de travail pour baisser l'impôt sur les plus nantis et enrichir les marchés financiers ? Ou faut-il utiliser les vastes ressources disponibles pour répondre aux besoins criants en santé, en éducation et pour hausser le niveau de vie des travailleurs qui forment la majorité de la population et produisent par leur labeur toutes les richesses de la société ?

Une lutte des travailleurs basée sur la deuxième option ne pourra aller de l’avant qu’en opposition aux syndicats pro-capitalistes. Ces derniers n’ont aucune intention de mener une véritable lutte pour défendre les services publics et les travailleurs qu’ils prétendent représenter. Leur rôle est plutôt d’étouffer la lutte des classes et d’imposer à leurs membres les concessions exigées par le patronat. Fois après fois au cours des quatre dernières décennies, ils ont saboté les luttes ouvrières, y compris celles ayant éclaté dans le secteur public contre les attaques des gouvernements péquistes et libéraux successifs.

L’expérience de la lutte du secteur public de 2015-2016 doit servir de leçon. Pendant des mois, les syndicats ont gardé le silence sur la menace d’une loi spéciale du gouvernement, l’invoquant uniquement à la dernière minute pour forcer leurs membres à accepter des contrats de travail remplis de reculs.

Et lors de la dernière campagne électorale, les dirigeants des grandes centrales syndicales ont présenté Legault – cet ex-PDG multi-millionaire et ancien ministre péquiste adepte de la privatisation – comme un potentiel allié des travailleurs. Après sa victoire électorale, le président de la FTQ parlait même d’une «lune de miel» avec le gouvernement de la CAQ.

La défense de l’éducation est indissociable de la lutte pour défendre tous les services publics et les acquis sociaux des travailleurs qui fournissent ces services. En plus de s’unir au reste des employés de l’État, les enseignants québécois doivent se tourner vers les enseignants ontariens qui luttent contre le gouvernement Ford, et les travailleurs à travers le Canada dans une contre-offensive commune contre tout le programme d’austérité de la classe dirigeante.

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