Les enseignants de l'Ontario ont besoin d'un programme socialiste pour vaincre l'austérité et défendre l'éducation publique

Ce texte est la traduction d’un article paru initialement en anglais le 21 février, jour du débrayage de 200.000 travailleurs de l’éducation en Ontario.

Pour la première fois depuis plus de deux décennies, 200.000 enseignants et membres du personnel de soutien scolaire de l'Ontario sont réunis dans un rassemblement à l'échelle de la province.

La grève du 21 février fait partie d'une montée mondiale de la classe ouvrière contre l'austérité capitaliste, l'inégalité sociale et la guerre impérialiste. Les enseignants ont été au premier plan de cette contre-offensive croissante. Depuis 2018, une vague de grèves d'enseignants a balayé les cinq continents, des États-Unis à l'Argentine et à l'Inde.

En effet, partout, les élites capitalistes sont déterminées à saccager l'éducation publique, dans le cadre de leur volonté de démanteler tous les services publics et de détruire les droits sociaux de la classe ouvrière afin de gonfler les profits des investisseurs.

Les partis de l'establishment – notamment les libéraux, les conservateurs et le NPD – travaillent en tandem pour imposer ce programme de guerre de classe.

Derrière un écran de fumée de faux discours progressistes, le gouvernement libéral minoritaire de Trudeau, soutenu par les syndicats et le NPD, détourne des dizaines de milliards de dollars des soins de santé pour financer de nouvelles flottes de navires et d'avions de guerre. De plus, il intègre de plus en plus le Canada dans les guerres de Washington, les opérations de «changement de régime» et sa «concurrence stratégique» avec la Russie et la Chine, toutes deux dotées de l'arme nucléaire, dans le but de faire progresser les intérêts commerciaux et stratégiques prédateurs de l'impérialisme canadien.

Pendant ce temps, une cabale de gouvernements provinciaux de l'Ontario, du Québec et de l'Alberta, ouvertement très à droite, est le fer de lance d'une nouvelle vague d'austérité, visant les services publics et les salaires et emplois des travailleurs qui les administrent.

Doug Ford, le premier ministre de l'Ontario pour qui Trump est un modèle, s'attaque à l'éducation publique. Cette attaque comprend: près d'un milliard de dollars par an de réductions des dépenses d'éducation, l'augmentation de la taille des classes, l'imposition de cours en ligne obligatoires et la suppression de 10.000 emplois d'enseignants. Le gouvernement du Québec vient de faire passer une loi (la loi 40) abolissant les commissions scolaires afin de centraliser le pouvoir au sein du ministère de l'Éducation de la province pour imposer des réductions de dépenses et s'attaquer aux droits d'ancienneté.

Les enseignants doivent reconnaître que leur combat est au cœur d'une lutte politique, et ce, pour deux raisons.

Tout d'abord, la lutte pour défendre l'éducation publique est une lutte sur la manière dont les ressources de la société doivent être réparties. L'affirmation selon laquelle il n'y a «pas d'argent» pour les services publics essentiels est un mensonge. Mais pour mobiliser les ressources nécessaires, il faut s'attaquer systématiquement à la richesse de l'élite capitaliste et réorganiser la vie socio-économique afin de faire de la satisfaction des besoins sociaux, et non du profit privé, le principe moteur.

Deuxièmement, les grandes entreprises font respecter leur programme de guerre de classe par le biais de leurs représentants au sein du gouvernement, des tribunaux et de la police.

Derrière les fausses négociations de contrats, Ford et le ministre de l'Éducation Stephen Lecce préparent une législation visant à criminaliser toute grève des enseignants. En novembre dernier déjà, les conservateurs ont fait adopter à toute vapeur la loi 124, qui impose des réductions de salaires et d'avantages sociaux en dollars réels à plus d'un million de travailleurs du secteur public chaque année pendant les trois prochaines années.

L'affirmation des syndicats selon laquelle un affrontement frontal entre les enseignants et le gouvernement Ford peut être évité par des grèves tournantes est un mensonge.

Pour l'emporter, les enseignants et leurs partisans doivent systématiquement élargir la lutte et mobiliser l'immense opposition de la classe ouvrière à Ford et tout le programme d'austérité de l'élite capitaliste.

Une grève illimitée des enseignants à l'échelle de la province doit devenir le catalyseur d'une grève générale politique pour faire tomber le gouvernement Ford détesté, et pour la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière à travers le Canada dans la lutte pour le pouvoir ouvrier.

Cette lutte ne doit pas être confiée aux syndicats d'enseignants, à la Fédération du travail de l'Ontario (OFL), à Unifor et à leurs alliés du NPD. Au contraire, elle ne sera organisée que si les enseignants, le personnel de soutien scolaire et les autres travailleurs prennent la lutte en main par la formation de comités de grève indépendants des appareils syndicaux procapitalistes et en opposition politique à ceux-ci.

Les syndicats d'enseignants ont tout fait pour diviser et démobiliser les enseignants, chacun poursuivant sa propre stratégie de négociation et de «mobilisation». Les contrats des enseignants et du personnel de soutien ont expiré il y a près de six mois, et l'automne dernier, ils ont voté massivement en faveur de la grève. Pourtant, c'est aujourd'hui le tout premier jour où les syndicats ont appelé à une action conjointe.

Comme l'OFL, ils n'ont pas lancé d'appel à la lutte commune aux travailleurs hospitaliers, aux enseignants des collèges, aux fonctionnaires ou aux centaines de milliers d'autres travailleurs du secteur public visés par la loi 124.

Le plus révélateur est que les syndicats d'enseignants ont maintenu un silence radio sur les préparatifs du gouvernement pour criminaliser la lutte des enseignants et du personnel de soutien. Qu’on ne s’y trompe pas, c'est parce qu'ils ont l'intention d'invoquer l'adoption par le gouvernement d'une loi de retour au travail comme prétexte pour mettre fin à la lutte des enseignants, comme le font les syndicats à travers le Canada depuis des décennies.

Les couches de la classe moyenne supérieure qui dirigent les syndicats et le NPD sont totalement opposées à ce que la classe ouvrière fasse tomber le gouvernement Ford, car cela saperait la position «concurrentielle mondiale» des grandes entreprises canadiennes, déstabiliserait le pouvoir capitaliste et menacerait ainsi leurs propres privilèges. Leur opposition se résume au compte à rebours qui se trouve en première page du site de l'OFL et qui compte les jours, les heures et les minutes avant l'élection d'un «gouvernement progressiste» en 2022.

Par «gouvernement progressiste», ils entendent un gouvernement libéral ou néo-démocrate favorable aux grandes entreprises, semblable à l'actuel gouvernement libéral fédéral, ou à ceux que les syndicats ont soutenus pendant 15 ans en Ontario sous Dalton McGuinty et Kathleen Wynne, qui ont imposé l'austérité, y compris des réductions de salaire pour les enseignants, tout en réduisant l'impôt sur les sociétés.

L'une des caractéristiques essentielles de la contre-offensive ouvrière mondiale – du mouvement des gilets jaunes en France et des grèves sauvages des travailleurs de l'automobile de Matamoros au Mexique aux grèves des enseignants aux États-Unis – est qu'elle s'est développée en dehors des syndicats corporatistes et des partis de «gauche» de l'establishment et de plus en plus en opposition consciente à eux.

L'autre est son caractère international. De plus en plus, les travailleurs reconnaissent qu'ils constituent une classe internationale engagée dans une lutte mondiale contre les sociétés transnationales qui déplacent la production là où les rendements sont les plus élevés, et contre les puissances impérialistes, comme le Canada, qui, par l'agression, l'intrigue et la guerre, assurent des marchés, des ressources et des positions d'avantage stratégique pour les grandes entreprises.

Ces développements doivent devenir la base de la stratégie de la classe ouvrière. Les enseignants et autres travailleurs ont besoin de nouvelles organisations de lutte. Des comités d'action, entièrement indépendants des syndicats, doivent être mis en place pour mobiliser systématiquement la classe ouvrière contre le large éventail de mesures anti-ouvrières introduites par Ford, préparer une grève générale et la contestation de toute loi antigrève, et tendre la main aux travailleurs à travers le Canada, aux États-Unis, au Mexique et au-delà.

Plus important encore, la classe ouvrière doit se constituer en une force politique indépendante afin d’imposer sa propre solution à la crise du capitalisme mondial. Cela signifie construire un parti ouvrier révolutionnaire afin de lutter pour un gouvernement ouvrier et le socialisme international.

Nous invitons les enseignants, les étudiants et les autres travailleurs qui cherchent à trouver un moyen de lutter contre l'austérité, de défendre l'éducation publique et d'autres droits démocratiques et de s'opposer à la guerre à lire le World Socialist Web Site et à contacter et rejoindre le Parti de l’égalité socialiste.

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