Sur fond de menaces de guerre, Washington bloque la résolution de l'ONU exigeant la fin des sanctions

Washington et ses alliés ont bloqué jeudi une résolution des Nations Unies appelant à la levée des sanctions unilatérales qui entravent gravement les efforts de lutte contre la propagation de la pandémie du COVID-19.

La résolution avait été rédigée par la Russie et co-parrainée par 28 autres États membres. En plus d'appuyer l'appel lancé par l'Organisation mondiale de la santé pour une campagne coordonnée au niveau international contre le virus mortel, elle appelait tous les pays à «s'abstenir d’ériger des barrières commerciales, d'imposer de nouvelles restrictions à l'exportation ou de mettre en œuvre des mesures protectionnistes et discriminatoires incompatibles avec les règles de l'OMC [ Organisation mondiale du commerce], et de ne pas appliquer de mesures coercitives unilatérales prises sans mandat du Conseil de sécurité. »

En vertu de règles adoptées par l'ONU lorsque l'Assemblée générale n’est pas en session, l'approbation des résolutions requiert le consentement unanime. L'Union européenne et le Royaume-Uni, ainsi que les gouvernements anti-russes de droite d'Ukraine et de Géorgie, se sont joints aux États-Unis pour bloquer la résolution.

À la suite du vote tard jeudi soir, la mission russe aux Nations Unies a déclaré dans un communiqué: «Nous regrettons qu'un petit nombre d'États partisans de la politique basée sur des sanctions n’aient pas semblé disposés à répondre à l'appel du Secrétaire général des Nations Unies et aient refusé d’écarter les approches et les intérêts politisés. »

Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, avait rendu public mercredi un rapport sur la pandémie de COVID-19 qui déclarait que «les sanctions imposées aux pays devraient être levées pour garantir l'accès à la nourriture, aux fournitures essentielles, aux tests COVID-19 et à l'assistance médicale. C'est le moment de la solidarité et non de l'exclusion ».

A la place de la résolution rédigée par la Russie, l'Assemblée générale a adopté une version approuvée par Washington contenant un appel sans conséquence à la «solidarité». Celle-ci ignorait la question des sanctions contre les pays opprimés, la guerre commerciale et les mesures protectionnistes qui empêchent effectivement toute véritable approche internationale de la pandémie.

La délégation américaine n’a cependant pas réussi à faire que l'ONU qualifie la pandémie de virus « chinois » ou de «Wuhan », un thème colporté par le gouvernement Trump pour exploiter la crise dans le sens d’une confrontation géostratégique de l'impérialisme américain avec Pékin ; et pour détourner l'attention de son échec abject à préparer ou organiser une réponse adéquate à la propagation incontrôlée du virus dans la population américaine.

Malgré les appels mondiaux à l'allégement des sanctions, Washington n'a fait qu'intensifier les sanctions unilatérales et illégales imposées à l'Iran et au Venezuela, des mesures dites de « pression maximale » qui équivalent à un état de guerre. Les États-Unis ont imposé de nouvelles sanctions contre ces deux pays le mois dernier.

L'Iran, avec 53.183 cas de COVID-19 officiellement signalés et 3.294 décès - tous deux considérés comme des sous-estimations majeures des véritables ravages de la maladie - connaît l'un des taux de mortalité les plus élevés au monde. « D'après nos informations, toutes les 10 minutes, une personne décède du coronavirus et une cinquantaine de personnes sont infectées par le virus toutes les heures en Iran », a déclaré jeudi le porte-parole du ministère iranien de la Santé, Kianush Jahanpur.

Même avant la pandémie, le système de santé du pays s’écroulait sous l'impact de sanctions radicales qui ont empêché le pays d'acheter des médicaments essentiels et des fournitures médicales sur le marché mondial, entraînant la mort de nombreuses personnes atteintes de cancer et d'autres maladies. Le gouvernement Trump a affirmé à plusieurs reprises cyniquement que les fournitures humanitaires étaient exemptées de sa campagne de «pression maximale», mais la réalité est que l'accès a été effectivement bloqué par la mise sur liste noire de la banque centrale iranienne et la menace de sanctions contre des tiers menant des transactions financières avec le pays.

L'Académie iranienne des sciences médicales a publié jeudi une déclaration cinglante adressée au Secrétaire général de l'ONU, déclarant que l'ONU et l'OMS, «qui prétendent défendre les droits de l'humanité, n'ont pris aucune mesure efficace pour lever les sanctions cruelles contre nos chers enfants, femmes, hommes et malades ».

Dénonçant les États-Unis pour l'escalade des sanctions, le communiqué poursuit: «Il est certain que l'histoire jugera l'inefficacité et le silence des organisations internationales revendiquant la protection du droit international et des droits de l'homme contre de tels crimes. Ces institutions sont devenues sans effet, sinon complices, et nous assisterons sans aucun doute à l'effondrement de notre ordre mondial en raison de ce refus de prendre des mesures contre les violations flagrantes du droit international et humanitaire par le régime américain.»

Mercredi, Trump a brandi une menace explicite d'agression militaire contre l'Iran, affirmant, sans fournir la moindre preuve, que l'Iran « ou ses mandataires » en Irak préparaient une « attaque sournoise » contre « des troupes et/ou des biens américains en Irak » ; l'Iran allait « payer un prix très élevé ».

Le Pentagone a déployé des batteries de missiles Patriot en Irak, malgré les protestations du gouvernement irakien. Bagdad s'est opposé aux déploiements des missiles, les considérant comme une préparation potentielle à une guerre totale qui pourrait transformer l'Irak (déjà un champ de ruines), en un nouveau champ de bataille. En janvier, le Parlement irakien avait voté, suite à l'assassinat par drone du général Qassem Suleimani, l'un des plus hauts dirigeants iraniens, une résolution demandant le retrait immédiat des troupes américaines occupant le pays.

Les menaces contre le Venezuela, la cible de sanctions également punitives, ont été encore plus explicites. Trump a annonçé mercredi que des navires de guerre américains et d'autres forces étaient déployés au large des côtes vénézuéliennes sous prétexte de lutter contre le trafic de drogue. Cette annonce faisait suite à une inculpation du président vénézuélien, et d'autres hauts responsables, par le ministère américain de la Justice sur de fausses accusations relatives à la drogue, y compris en faisant afficher des avis «Wanted» avec prime de 15 millions de dollars sur la tête de Maduro.

La menace de violence militaire suit l'imposition le mois dernier d'une nouvelle série de sanctions contre le Venezuela.

Jusqu'à présent, le Venezuela n'a signalé que 146 cas confirmés et cinq décès, mais la crise du système de santé du pays sous l'impact des sanctions américaines menace de transformer la pandémie en condamnation à mort pour un nombre incalculable de travailleurs et de pauvres.

Les menaces militaristes tous azimuts de la Maison Blanche, une tentative désespérée de détourner la colère croissante contre l'échec catastrophique du gouvernement américain à atténuer les effets du coronavirus, ont provoqué des signes de dissension au Pentagone au moment où le gratin militaire fait face au risque que la pandémie n’éclate dans les unités militaires opérant dans des espaces étroits, navires et troupes déployées à l'étranger.

Vendredi, le magazine Foreign Policy a publié un article en ligne rapportant que « le Département américain de la Défense a fortement objecté à la décision du président Donald Trump d'envoyer une flottille pour interdire les expéditions de drogue dans la mer des Caraïbes ». Il a cité des responsables disant que le déploiement était «tout politique» et arrivait à un moment où le Pentagone «interrompait certains déploiements en raison de l’impact du COVID-19».

Cela fait suite à la tempête à propos de l'éruption de coronavirus sur le porte-avions nucléaire USS Theodore Roosevelt et le limogeage de son commandant, le capitaine Brett Crozier. Celui-ci avait exigé que la Marine fournisse des installations de quarantaine à plus de 4 000 marins à bord du navire ayant été exposés au virus mortel.

Crozier fut limogé après que son appel à la Marine fut divulgué au San Francisco Chronicle. Il y insistait pour dire que les marins n'avaient « pas besoin de mourir. Si nous n'agissons pas maintenant, nous ne parvenons pas à prendre correctement soin de notre atout le plus fiable - nos marins ».

Justifiant sa décision de relever Crozier de son commandement, le secrétaire par intérim de la marine américaine Thomas Modly - installé après le limogeage de Richard Spencer en lien avec le pardon par Trump du criminel de guerre condamné des Forces spéciales, Eddie Gallagher - a déclaré que son plaidoyer avait « créé la perception que la Marine n'est pas à la barre, que le gouvernement n'est pas au travail et ce n'est tout simplement pas vrai ».

Le plaidoyer du capitaine, prononcé face au refus de la Marine ou du gouvernement Trump de prendre des mesures, était vrai, en effet, non seulement en ce qui concernait l'USS Theodore Roosevelt, mais également par rapport à toute la réponse du gouvernement à la pandémie de coronavirus.

La réponse de son propre équipage est révélée clairement dans des vidéos publiées sur Facebook tôt vendredi et montrant plusieurs centaines de marins rassemblés dans un hangar qui scandent son nom alors qu'il descend du navire.

Une pétition en ligne publiée sur change.org demandant la réintégration de Crozier a recueilli 150 000 signatures en à peine 24 heures. Parmi les signataires figuraient des membres de son équipage, des vétérans de la Marine et des proches de marins en service actif.

Un marin écrit: «Il est mon commandant et je veux qu'il sache qu'il a bien fait à notre égard, même si cela ne le ramènera pas.»

Un autre signataire déclare: «Le travail principal du capitaine est de protéger la santé et le bien-être de son équipage. Le capitaine Crozier l'a fait. Et il a été puni. En revanche, les soldats condamnés pour crimes de guerre sont graciés par Trump. C'est épouvantable et mauvais. C’est le monde à l'envers. »

Et un troisième écrit: « Tout ça parce que sa chaîne de commandement était prête à laisser le navire se transformer en morgue flottante, et lui le refusait.»

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(Articla paru en anglais le 4 avril 2020)

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