Perspectives

Les questions de classe dans la pandémie de coronavirus

Le coronavirus ne fait aucune discrimination fondée sur l’origine ethnique, le genre, la nationalité ou l’orientation sexuelle. Cependant, le facteur qui est sans aucun doute essentiel pour éviter l’infection et améliorer ses chances de survie est la richesse.

Comme pour tout événement naturel ou épidémiologique, le coronavirus est à l’intersection de la réalité d’une société déchirée par les inégalités sociales. Les conditions de vie de la grande masse de la population la rendent beaucoup plus vulnérable à l’infection et beaucoup moins apte à faire face aux conséquences de la catastrophe économique en expansion.

Cette réalité de classe s’exprime d’innombrables façons. Vendredi, le New York Times a publié un article intitulé «Les données de localisation disent tout: rester à la maison pendant un coronavirus est un luxe». L’article montre que les riches aux États-Unis, pays aujourd’hui au cœur de la pandémie, ont pu observer les mesures de «distanciation sociale» beaucoup plus facilement que les pauvres.

Quatrième semaine de quarantaine à Asunción au Paraguay, le 2 avril 2020: Fabian Ramirez, 11 ans, et des membres de sa famille fouillent une poubelle pour récupérer des légumes qui ont été jetés [Source: AP Photo/Jorge Saenz]

«Bien que les gens de toutes les catégories de revenus se déplacent moins qu’avant la crise», note le Times, «ce sont les personnes les plus riches qui restent le plus souvent à la maison, surtout pendant la semaine. De plus, dans presque tous les États, ils ont commencé à le faire quelques jours avant les pauvres, ce qui leur a donné une longueur d’avance sur la distanciation sociale au fur et à mesure de la propagation du virus, d’après les données agrégées de la société d’analyse de localisation Cuebiq qui suit quotidiennement environ 15 millions d’utilisateurs de téléphones portables dans tout le pays».

L’analyse a noté qu’au 16 mars, lorsque l’administration Trump a finalement commencé à conseiller aux gens de rester chez eux, les mouvements dans tous les domaines avaient déjà diminué. «Mais à cette date, ceux qui se trouvaient dans les endroits où les revenus sont les plus élevés avaient déjà réduit leurs déplacements de près de moitié. Les zones plus pauvres n’ont connu une baisse similaire que trois jours plus tard».

Dans de nombreuses grandes régions métropolitaines, les dix pour cent les plus riches ont réduit leur mouvement à zéro. En revanche, les dix pour cent les plus pauvres se rapprochent de zéro le week-end avant de remonter en semaine. De nombreux travailleurs à bas salaire ont dû continuer à travailler dans des conditions insalubres et sans protection adéquate.

Un sondage de KFF sur la santé, réalisé au cours de la dernière semaine de mars, est paru mercredi et a trouvé que 57 pour cent des adultes aux États-Unis déclarent craindre de s’exposer à des risques parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de s’absenter du travail. Pour le segment des adultes qui gagnent moins de 40.000 dollars par an, ce chiffre s’élève à 72 pour cent, soit près des trois quarts.

Ensuite, il y a bien sûr les soins de santé. Les travailleurs à faibles revenus n’ont souvent pas d’assurance maladie ou doivent souscrire une assurance privée pour laquelle le ticket modérateur et les franchises sont élevés. Même avant que le virus ne frappe, l’espérance de vie des pauvres aux États-Unis était de 20 ans inférieure à celle des riches, en raison notamment du système de santé fondé sur les classes sociales.

En ce qui concerne les tests, les travailleurs découvrent que même s’ils présentent les symptômes de la COVID-19 – fièvre, toux sèche, difficultés respiratoires – ils ne peuvent pas subir le test.

Nathan Tetreault, employé d’une épicerie dans le sud de l’Alabama, a déclaré à la «National Public Radio» que malgré tous les symptômes, il ne pouvait même pas faire le test parce qu’il était trop jeune et ne répondait pas aux autres critères. Le médecin lui avait dit: «Vous allez devoir vous débrouiller tout seul». Après avoir pris un congé de maladie limité, Tetreault doit retourner au travail sans savoir s’il est atteint de la maladie ou s’il est encore contagieux.

De telles histoires se répètent des milliers de fois par jour.

Les travailleurs immigrés, dont une part importante est sans-papiers, évitent de se faire dépister ou soigner par crainte d’être expulsés ou d’exposer leurs proches à l’expulsion du pays. Les personnes détenues par les services de l’immigration et des douanes protestent et réclament leur libération, alors que la maladie fait son chemin dans les camps de prisonniers surpeuplés et insalubres. Les mêmes conditions prévalent pour les plus de deux millions de prisonniers du pays.

Pendant ce temps, les ultra-riches se retirent dans les confins confortables de leurs manoirs, de leurs résidences d’été ou de leurs bunkers de survie bien remplis.

S’ils attrapent le coronavirus, les riches peuvent s’attendre à des résultats de tests rapides et à des soins de santé de conciergerie, à l’abri de la foule dans des hôpitaux débordés. Une pénurie de services de jet privé est rapportée, étant donné que de nombreux riches ont fui New York et d’autres villes. Forbes rapporte que le milliardaire David Geffen, cadre du secteur du divertissement, s’est réfugié sur son yacht de plusieurs millions de dollars dans les Caraïbes.

Les zones les plus touchées de New York, l’épicentre mondial actuel, se trouvent dans les quartiers les plus pauvres du Queens, de Brooklyn et du Bronx. À Detroit, la grande ville la plus pauvre d’Amérique, où des milliers de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau courante chez elles, les hôpitaux sont déjà pleins. Cela place le Michigan juste derrière New York et le New Jersey pour les infections et les décès.

Les conséquences économiques, bien sûr, retomberont aussi lourdement sur les travailleurs, dont beaucoup vivent au jour le jour et n’ont pas d’économies pour faire face à une urgence sanitaire.

Le Congrès a remis des billions de dollars en fonds de sauvetage à Wall Street, pour soutenir les banques et les grandes entreprises, tout en offrant un maigre revenu à la classe ouvrière. Alors que des millions de personnes perdent leur emploi, les quelques milliers de dollars distribués par personne arrivent trop peu, trop tard.

Déjà, les travailleurs doivent choisir entre payer la nourriture de leur famille ou payer un loyer. On estime que 40 pour cent des locataires de la ville de New York ne paieront pas leur loyer ce mois-ci. Dans chaque ville, des milliers de personnes font la queue pendant des heures aux banques alimentaires. Beaucoup se tournent vers ces services pour la première fois.

Ces conditions se répètent sous différentes formes dans le monde entier. Le quotidien espagnol El País, dans un article qui documente les disparités fondées sur la richesse, cite un employé d’une épicerie de Madrid: «Nous sommes la troisième classe du Titanic. Nous risquons nos vies pour rien. On est vendu».

Les pays et les régions où les niveaux de pauvreté sont les plus concentrés sont les plus vulnérables. Lorsque le virus se répandra dans les camps de réfugiés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord – ainsi que dans les bidonvilles et les quartiers populaires très peuplés d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie du Sud –, les conséquences vont devenir catastrophiques.

Alors que la pandémie prend de l’ampleur, la lutte des classes éclate, avec un mouvement croissant de travailleurs d’Amazon, dans les épiceries et dans l’industrie qui demande qu’on les protège contre la maladie. Les grèves sauvages des travailleurs de l’automobile le mois dernier ont eu lieu après que les travailleurs aient testés positifs au coronavirus. Ils ont réussi à forcer la fermeture de la plupart des usines de montage automobile en Amérique du Nord, malgré un effort conjoint de l’UAW et des directions des entreprises pour maintenir les usines en activité.

Ce mouvement de la classe ouvrière en pleine croissance doit être guidé par une direction consciente avec un programme anticapitaliste et socialiste clair.

Le Parti de l’égalité socialiste exige l’arrêt immédiat de toute production non essentielle, y compris de nombreuses entreprises de services qui continuent à fonctionner. Tous les travailleurs qui sont licenciés doivent recevoir leur plein salaire. On doit imposer un moratoire sur tous les loyers, les services publics et autres factures.

Les soins de santé doivent être gratuits et accessibles à tous sur une base absolument égale, quels que soient les revenus ou la couverture d’assurance. Les travailleurs immigrés doivent bénéficier des mêmes droits et des mêmes avantages que tous les autres travailleurs.

La richesse accumulée par les riches doit être confisquée et utilisée pour protéger la vie des travailleurs essentiels qui doivent continuer à travailler pendant la pandémie pour produire des respirateurs et d’autres équipements nécessaires, et pour subvenir aux besoins de ceux qui devront rester chez eux.

Ces mesures ne peuvent être réalisées qu’en mobilisant toute la force organisationnelle et sociale de la classe ouvrière, sur la base d’un programme socialiste dont le but est le transfert du pouvoir politique de la classe capitaliste aux travailleurs. L’inégalité du capitalisme doit être remplacée par l’égalité du socialisme.

(Article paru en anglais 4 avril 2020)

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