Macron annonce un déconfinement prématuré au profit des banques

Hier soir, Macron a prononcé un discours télévisé pour défendre sa gestion désastreuse de la pandémie COVID-19, et annoncer un déconfinement sans aucune justification sanitaire chiffrée.A travers l’Europe hier, des États imposaient une reprise du travail prématurée en pleine pandémie. A Madrid et à Vienne, la colère des travailleurs éclatait sur les réseaux sociaux face à un retour au travail dans l’industrie dicté par les syndicats, alors que des milliers de nouveaux cas se déclarent encore chaque jour. Quant à Berlin et Londres, ils arguaient qu’une majorité de la population travailleuse devrait attraper la maladie, dans l’espoir que les survivants bénéficieraient d’une immunité leur permettant de rester au travail.

Macron avait déjà évoqué la nécessité de reprendre le travail, ce qui permettrait de faire fructifier les centaines de milliards d’euros dont les banques centrales et les États abreuvent les marchés financiers; hier soir, il est resté dans ce schéma. Sans préciser les indices qui indiqueraient que le danger serait passé, permettant une fin sécurisée du confinement, il a exigé la reprise du travail. Toutefois, à la différence de Madrid ou Vienne, il a repoussé la date de cette reprise jusqu’au 11 mai.

Le «président des riches» ne mérite aucune confiance des travailleurs sur des questions de vie ou de mort, dont celle du déconfinement. Le confinement n’a été adopté en Europe qu’après une vague de grèves en Italie qui s’est répandue en France, en Espagne, en Grande-Bretagne et au-delà. A présent, la question d’une mobilisation ouvrière pour imposer une gestion scientifique de la crise à l’échelle internationale se pose.

Alors qu’un sondage Odoxa indique que 70 pour cent des Français se méfient du gouvernement, et que 88 pour cent estiment que le confinement aurait dû commencer plus tôt, Macron a entamé son discours en se félicitant de l’action de son gouvernement. Il s’est targué avec insolence du fait que «Les hôpitaux français ont réussi à soigner tous ceux qui se sont présentés.»

En fait, les hôpitaux, auxquels Macron faisait subir une cure d’austérité avant la pandémie, ont pu soigner ceux qui se présentaient parce qu’ils n’admettaient qu’une fraction des cas les plus graves. La plupart des patients ont dû se soigner chez eux; un nombre incertain de séniors sont morts dans l’épidémie qui ravage les Ehpad. L’actuelle surmortalité d’environ 50 pour cent des Français à domicile reflète vraisemblablement les morts de patients COVID-19 non-hospitalisés.

L’absence de masques et de gels hydroalcooliques en France, comme de gants et de blouses pour les personnels soignants a propagé une épidémie qui a fait au moins 119.000 morts internationalement dont 14.967 en France. La France a vu 6.019 contaminations des soignants et le décès d’au moins 7 médecins et 9 employés. Des centaines de médecins ont lancé une plainte contre le premier ministre Édouard Philippe et l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, qu’ils menacent de deux ans de prison.Macron a brièvement évoqué tous ces désastres sanitaires pour ensuite les minimiser en les traitant

de «ratés». Avec un indifférence époustouflante pour les vies humaines, il a ajouté: «Nous en tirerons toutes les conséquences en temps voulu.»

Le moment de s’assurer les stocks nécessaires de traitements et de matériel médical n’est pas dans un vague avenir, mais maintenant, quand la pandémie fait rage, et des milliers de personnes en Europe et ailleurs meurent chaque jour.Macron a annoncé la fin du confinement et la réouverture des écoles le 11 mai, tout en écartant une reprise de l’enseignement supérieur avant l’été. Il n’a pas expliqué pourquoi on rouvrirait les écoles, qui sont un lieu de transmission du virus autant voire plus que les universités, à part le fait qu’il faut les rouvrir pour permettre aux parents de rentrer au travail faire des profits pour le patronat. Macron a dit que ces réouvertures seraient «préparées avec les partenaires sociaux.»

Toutefois, Macron a indiqué que la reprise le 11 mai n’était pas garantie, jetant le doute sur la stratégie dite d’ «immunité collective» préconisée par Londres et Berlin. Au lieu d’assumer cette stratégie de laisser froidement infecter une large majorité de la population par une maladie mortelle, Macron a proposé de miser sur des vaccins et des traitements contre le COVID-19.

«Aujourd’hui, d’après les premières données qui seront prochainement affinées», a-t-il dit, «une très faible minorité de Français ont contracté le COVID-19. Ce qui veut dire que nous sommes loin de ce que les spécialistes appellent l’immunité collective, ce moment où le virus arrête de lui-même sa circulation parce que suffisamment d’entre nous l’avons eu. C’est pourquoi la première voie pour sortir de l’épidémie est celle des vaccins. Tout ce que le monde compte de talents, de chercheurs y travaille. La France est reconnue dans la matière».

Ceci soulève des questions auxquelles Macron n’a apporté aucune réponse. Il a dit vaguement que le développement d’un vaccin nécessiterait «plusieurs mois» – 12 à 18 mois, selon les médecins. Mais il a fait le silence sur ce qu’il faudrait faire entre le 11 mai et la date à laquelle un vaccin effectif contre le virus serait disponible.

Surtout, Macron n’a pas expliqué son attitude envers la stratégie d’ «immunité collective» proclamée par Londres et Berlin. Or, même si l’on part d’une estimation très basse du taux de mortalité du COVID-19 (1 pour cent), laisser infecter 70 pour cent de la population aboutirait à un demi-million de morts en France, et des millions à l’échelle européenne.

La crainte d’une explosion sociale en France et à l’international est un facteur décisif, bien que rarement évoqué, dans la politique de Macron. Terrifié par deux années de mobilisation des «gilets jaunes» et ébranlé par les débrayages dans l’automobile et à Amazon en Europe et en Amérique, il a choisi de ne pas assumer la politique quasi-génocidaire prônée ailleurs en Europe. Le risque d’avoir à réimposer un re-confinement chaotique si un déconfinement prématuré provoquait une nouvelle flambée du virus, possibilité qu’il a brièvement évoquée, aura joué un rôle.Toutefois, aucune différence fondamentale ne sépare sa politique de Macron de celles de Berlin ou de Londres. Tous veulent imposer aux travailleurs une reprise du travail, sans que les conditions pour le faire en sécurité ne soient réunies, afin de grossir les profits de l’aristocratie financière.

Macron a tenté d’adoucir hypocritement cette brutale réalité de classe en citant la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen: «Notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nous économies reconnaissent et rémunèrent si mal. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. Ces mots, les Français les ont écrits il y a plus de 200 ans.» Il a prétendu que ces promesses révolutionnaires «s’imposent aujourd’hui à nous», en ajoutant par-dessus le marché une proposition d’annuler une part de la dette africaine.

Les travailleurs ne peuvent accorder aucun crédit aux promesses creuses de Macron, discrédité par

des années d’austérité et de guerre, puis sa gestion catastrophique de la pandémie. Ce que cette crise a démontré, c’est que les distinctions sociales fondées sur les inégalités de classe jouent un rôle désastreux et mortel aujourd’hui. Or on sait que Macron est un défenseur sanglant des privilèges de l’aristocratie financière. Il négocie avec le Medef et les syndicats une nouvelle cure d’austérité avec l’amputation des congés payés et l’imposition d’heures-sup impayées.

C’est aux travailleurs qu’il revient de décider du déconfinement, en toute indépendance des partis et des appareils syndicaux qui pactisent avec Macron. Regroupés en comités d’action indépendants des syndicats, ils pourront lutter pour un déconfinement sécurisé, et la garantie des salaires et d’un traitement médical décent pour tous pendant le confinement, y compris prisonniers et réfugiés. Ces revendications nécessiteront également une lutte pour le socialisme contre le capitalisme et l’Union européenne, et pour faire chuter Macron et ainsi faire passer le pouvoir politique aux travailleurs.

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