Allemagne: l'Académie nationale des Sciences demande la réouverture des écoles primaires

« Nos écoles devraient-elles être utilisées comme des boîtes de Pétri pour une politique d'immunité collective prévue depuis longtemps? » écrit un enseignant du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie au World Socialist Web Site. « Je suis horrifié par la manière insensible et calculée avec laquelle on prévoit de mettre en danger la vie des élèves, de leurs familles et des enseignants après les vacances de Pâques. »

La proposition de lever progressivement le confinement du coronavirus en ouvrant d'abord les écoles primaires a figuré en premier dans une déclaration publiée le lundi de Pâques par l'Académie nationale allemande des Sciences, la « Leopoldina » de Halle. La chancelière allemande Angela Merkel, qui a rencontré hier les ministres-présidents des Länders pour discuter d'une levée progressive du confinement, avait déclaré jeudi dernier que la déclaration de la Leopoldina serait « importante » pour sa décision.

Avec la justification cynique que «les plus jeunes élèves du système éducatif dépendent davantage des soins personnels, de l’orientation et du soutien», l’académie propose «d'ouvrir progressivement les écoles primaires et les premières années du secondaire». Un retour à l'enseignement normal en classe dans les classes supérieures devrait avoir lieu à une date ultérieure, selon le communiqué, car l'apprentissage en ligne pouvait être utilisé plus efficacement par les élèves plus âgés.

Manifestation contre les conditions intolérables dans les écoles (Düsseldorf, 19 février)

Deux enseignants de la Ruhr ont expliqué à la Süddeutsche Zeitung ce que cela signifierait. Si le gouvernement ouvrait les écoles la semaine prochaine, les bâtiments scolaires délabrés dans les quartiers pauvres et sensibles deviendraient des «centres de distribution du coronavirus» et des «lieux infestés par la maladie».

« Leurs écoles sont vétustes, donc le virus aurait libre cours », écrit la Süddeutsche Zeitung en résumant les propos des deux enseignants. «Plusieurs salles de classe ne peuvent même pas être ventilées avec de l'air frais. Les fenêtres sont bloquées et les poignées ont été retirées pour des raisons de sécurité sur certains cadres de fenêtres inclinables [...] et de mémoire d’homme, il n'y avait pas de savon dans les toilettes de l'école. Et il n'y a pas de porte-serviettes [ ...] le virus n'a fait que révéler des problèmes connus depuis longtemps. »

L'utilisation de jeunes enfants comme rats de laboratoire n'est qu'une des nombreuses suggestions actuellement propagées dans le but de lever les restrictions visant à lutter contre la pandémie et de permettre aux grandes sociétés de se remettre en selle le plus rapidement possible, peu importe le coût en vies humaines. Des propositions similaires ont été rédigées par le ‘Conseil d’experts Corona’. créé par le gouvernement de Rhénanie du Nord-Westphalie. dans un document intitulé «Comment nous pouvons retrouver la normalité de manière responsable».

De l'avis de la Leopoldina, tous les domaines de la vie publique devraient progressivement revenir à la normale après l'ouverture des écoles, à condition que les mesures de protection bien connues soient en vigueur. « Par exemple, les secteurs du commerce de détail et de l'hôtellerie peuvent s'ouvrir en premier, avec les opérations générales d’affaires et d’administration publique », déclare le communiqué. «De plus, des voyages d'affaires et privés peuvent être entrepris tant que des mesures de protection sont respectées.»

Contrairement à l’Académie des Sciences, l'Institut Robert Koch (RKI), l'agence fédérale de lutte contre les maladies infectieuses, a explicitement déconseillé de lever le confinement à l'heure actuelle. Le nombre de nouvelles infections se maintient à un niveau relativement élevé et il n’y a pas d’indication claire qu’il continue de baisser, a déclaré le président du RKI, Lothar Wieler. «Gardons ensemble les règles de comportement», a-t-il lancé à la population.

La Léopoldina était à peine connue du grand public avant qu’elle n’apparaisse avec ses déclarations sur le coronavirus. Fondée en 1652 et nommée d'après le Kaiser Leopold I, elle a réussi à survivre, bien que fortement abîmée, à la dictature nazie et à la République démocratique allemande stalinienne (RDA). Elle a été déclarée, largement loin des regards, Académie nationale des Sciences en 2008. Elle n'effectue pas ses propres recherches, mais fonctionne en association avec des professeurs à ambition politique. En 2016, elle a rédigé un document sur le système de santé allemand qui déclarait indirectement que 1300 des 1600 hôpitaux du pays étaient superflus.

De façon remarquable, il n'y a pas un seul professeur spécialisé en virologie parmi les 26 qui ont signé la dernière déclaration sur la pandémie. Au lieu de cela, il y a des sociologues, des juristes, des pédagogues, des théologiens, des chimistes et des biologistes, et deux porte-parole explicites des intérêts d’affaires: le président de l'Institut Ifo, Clemens Fuest, et Lars Feld, le chef des Experts économiques, un organe consultatif auprès du gouvernement allemand.

Le document salue les plans de sauvetage de milliards de milliards d'euros organisés par le gouvernement et la Banque centrale européenne pour les banques, les grandes sociétés et le marché boursier, et exige qu'on retourne dès que possible aux politiques d'austérité.

«Les mesures de politique économique adoptées pendant la crise doivent être retirées ou adaptées dans les plus brefs délais pour soutenir une économie durable dans le cadre du marché libre», précise le dernier paragraphe du communiqué. «Cela comprend le retrait de l'État des entreprises, dans la mesure où des interventions ont été nécessaires pendant la crise, et la réduction de la dette publique.»

L'appel à évaluer les mesures prises pour lutter contre la pandémie «dans le contexte de leur coût et de leurs avantages» imprègne la déclaration de la Léopoldina du début à la fin. Cela signifie que la vie humaine et les intérêts économiques doivent être mis en balance. «D'une part», dit le document, les mesures devraient «ralentir la propagation de l'infection et minimiser les risques pour la santé de la population, d'autre part, elles devraient réduire au minimum les effets sociaux et économiques négatifs».

Les auteurs tentent à plusieurs reprises de minimiser les conséquences dramatiques de la pandémie, mises en évidence par les terribles images de l'Italie et de New York. Un chapitre entier est consacré à la propagande étatique, ou, comme l'appelle le document, à l'amélioration de la «communication des risques». Elle doit «remplir simultanément deux objectifs». Elle doit d'une part «encourager la volonté des citoyens à respecter les mesures nécessaires» et « d'autre part éviter d’encourager une peur injustifiée».

Pour préparer la population à la levée des mesures de protection, la Leopoldina déconseille explicitement d'utiliser des graphiques «qui montrent l'augmentation rapide quotidienne des nouvelles infections et le nombre cumulé de décès dus au COVID- 19». Elle prévient que «cette densité d'informations et la présentation sélective de nombres absolus augmentent la menace ressentie subjectivement et rendent plus difficile l'identification des risques réels».

Les taux de mortalité devaient être «calculés sur la base de toutes les personnes infectées et de l'ensemble de la population, plutôt que sur celle des cas enregistrés», ce qui réduirait les taux de mortalité substantiellement. Le nombre de décès dus au COVID-19 doit être comparé au «nombre de décès, dans une période de temps comparable, dans un groupe d'âge équivalent, dus à d'autres maladies». À partir de cette évaluation différenciée des risques, il deviendrait clair «que la peur et la panique exagérées des individus sont sans fondement».

La déclaration de la Leopoldina fait partie de l'effort des élites dirigeantes du monde entier pour organiser une reprise du travail le plus rapidement possible tout en risquant la mort de centaines de milliers de personnes.

La campagne de Trump pour rouvrir les entreprises menace des centaines de milliers de vies

(Article paru en anglais le 15 avril 2020)

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