Alors que le COVID-19 se propage dans ses rangs, le Pentagone fait une démonstration de force à l’égard de la Chine

L'armée américaine a organisé une démonstration de force cette semaine sur son territoire insulaire du Pacifique, Guam, dans le but évident de menacer la Chine.

Des milliards de dollars en avions de guerre américains ont défilé lundi sur le tarmac de la base aérienne d'Andersen à Guam dans ce qu'on appelle «Elephant Walk», un terme utilisé pendant la guerre du Vietnam pour décrire les lentes manœuvres de bombardiers B-52 en attendant le décollage pour des frappes aériennes qui ont coûté la vie à des centaines de milliers de Vietnamiens et de Cambodgiens.

La démonstration de lundi comprenait 14 avions de guerre, dont cinq bombardiers stratégiques B-52 Stratofortress à capacité nucléaire, six ravitailleurs aériens KC-135 Stratotanker, un hélicoptère MH-60S Knighthawk et deux véhicules aériens sans pilote: un Air Force RQ-4 Global Hawk et un MQ-4C Triton de la marine.

Des B-52 alignés à la base aérienne d'Andersen

Ces opérations visent à préparer les pilotes au lancement d'avions de guerre entièrement armés lors d'une attaque de masse contre une cible commune. Dans le cas de la base d'Andersen Air Force, située à 3000 km à l'est de la Chine, l'identité de la cible est claire.

La 36e Escadre de l'Air Force, qui fait partie du Commandement Indo-Pacifique, a publié une déclaration disant que l’Elephant Walk «met en valeur la disponibilité et la capacité de la 36e Escadre à générer une puissance aérienne de combat à tout moment pour assurer la stabilité régionale dans l'ensemble de l'Indo-Pacifique.»

Cette «mise en valeur» de la capacité de l'armée américaine à lancer une guerre nucléaire contre la Chine «à tout moment» intervient en pleine campagne anti-Chine de plus en plus virulente menée par le gouvernement Trump, et ce dans le but de détourner la colère sociale croissante envers un gouvernement américain qui n’a pas pris les mesures élémentaires pour contenir le virus mortel qui a coûté la vie à 30.000 Américains.

C'était également une démonstration de la puissance aérienne américaine dans des conditions où ses porte-avions, l'un des principaux instruments de projection de la puissance militaire de l'impérialisme américain en Asie et à l'étranger, ont été mis hors d’opération par la propagation du coronavirus dans les quartiers exigus des navires de la marine américaine.

L'USS Theodore Roosevelt reste amarré à Guam, son équipage en quarantaine avec près de 600 personnes testées positives et l'une d'elles est décédée lundi de COVID-19, le deuxième membre de l'armée américaine à succomber à la maladie. Cinq autres marins du navire ont été hospitalisés, et l'un d'eux est en soins intensifs.

L'évacuation de l'équipage du porte-avions, à l'exception d'une équipe minimum dévouée à l’entretien des réacteurs nucléaires et ses systèmes d'armes, est survenue après une vive controverse déclenchée par une demande du commandant du navire, le capitaine Brett Crozier, que son équipage soit mis à terre en quarantaine. Après que sa hiérarchie immédiate a bloqué son appel, Crozier a envoyé une lettre à au moins 20 officiers supérieurs de la marine dans laquelle il déclarait: «Nous ne sommes pas en guerre. Les marins n'ont pas besoin de mourir. Si nous n'agissons pas maintenant, nous ne prenons pas soin de notre atout le plus fiable: nos marins.»

La lettre, qui gênait la tentative de l'administration Trump de minimiser l'impact de la pandémie ainsi que la détermination du Pentagone à ne pas laisser l'épidémie entraver ses opérations agressives dans le monde entier, a déclenché une tempête politique. Le secrétaire par intérim de la Marine Thomas Modly a relevé Crozier de son commandement – apparemment aux ordres directs de Trump – puis s'est rendu à Guam pour s'adresser à l'équipage du Theodore Roosevelt, qualifiant le capitaine de «stupide», «naïf» et traître, tout en réprimandant l'équipage pour avoir organisé une démonstration de soutien à Crozier lors de son débarquement du porte-avions. La diatribe a été diffusée sur les haut-parleurs du navire, sans aucun contact entre Modly et l'équipage. Lorsqu’un enregistrement de celle-ci a fait surface sur les réseaux sociaux, Modly lui-même a été contraint de démissionner.

Alors que l'équipage du Theodore Roosevelt reste en quarantaine à Guam, d'autres porte-avions sont également paralysés. L'USS Ronald Reagan est amarré à Yokosuka, au Japon, à cause des cas de COVID-19 à bord. L'USS Nimitz, quant à lui, a vu son équipage mis en quarantaine dans l'État de Washington après que des infections y ont été signalées. La promiscuité à bord de ces navires entraine la propagation rapide de la maladie.

Sur fond de la mise hors-service des porte-avions américains, la marine chinoise a envoyé le Liaoning, son premier porte-avions opérationnel, ainsi que deux destroyers lance-missiles, deux frégates lance-missiles et un navire de ravitaillement, dans les eaux entre les îles japonaises de Miyako Okinawa et la côte est de Taiwan.

Le ministère américain de la Défense a annoncé mercredi que son nombre total de cas de COVID-19 avait dépassé les 5000, dont plus de la moitié étaient des militaires en service actif. Il y a de plus en plus d'incriminations au sein de l'armée américaine sur ce que l'on savait du virus mortel et l’absence – comme dans la société américaine dans son ensemble – de mesures pour protéger rapidement le personnel des forces armées.

Le commandement militaire américain a indiqué que, quelle que soit la propagation de la maladie dans ses rangs, il était prêt à ordonner aux troupes américaines de se battre. «Je ne veux pas que quiconque dans le monde pense que, d'une manière ou d'une autre, l'état de préparation de l'armée américaine est considérablement dégradé. Ce n'est pas le cas», a déclaré la semaine dernière le chef de l’état-major, général Mark Milley. Pour défendre les intérêts de l'impérialisme américain, il est prêt à envoyer en mer des porte-avions avec des équipages de marins malades contre la Chine. Comme l'a dit Milley à propos de l'USS Theodore Roosevelt, «il pourrait appareiller rapidement si nous devions le faire.»

En février, alors que le coronavirus se répandait dans le monde, y compris aux États-Unis et dans ses forces armées, le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a déclaré au Congrès que «la plus haute priorité restait la Chine, car son gouvernement continuait à utiliser – et à utiliser à mauvais escient – sa force diplomatique, économique et militaire dans une tentative de modifier les rapports de force et refaçonner le monde à son avantage, souvent au détriment des autres».

Cela demeure la priorité géostratégique de Washington. La catastrophe provoquée par le coronavirus aux États-Unis et dans le monde n'a nullement découragé l'agression militaire américaine. Là où il peut, comme au Venezuela et en Iran, tous deux sous le joug des sanctions américaines, Washington cherche à utiliser la maladie comme d’une arme. Dans le cas de la Chine, comme le montre le défilé d’avions de guerre à Guam, les ravages de la maladie ne font qu'exacerber la politique impérialiste téméraire américaine et la menace d'une guerre mondiale.

(Article paru en anglais le 16 avril 2020)

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