Le bilan de la pandémie en Europe dépasse les 100.000 morts

Dimanche a marqué une étape terrible, puisque le nombre de décès dus au coronavirus a dépassé les 100.000 dans toute l’Europe. Les 3.287 décès supplémentaires enregistrés dimanche portent à 102.565 le nombre de décès officiellement enregistrés sur le continent. On a annoncé près de 1,1 million de cas de coronavirus (1.088.651), ce qui signifie que plus de 102.000 décès représentent un taux de mortalité de près de 10 pour cent.

Alors même que les médias des grandes entreprises soulignent une diminution du nombre de décès dans certains pays, le nombre de morts s’accroît de façon effroyable: une condamnation de l’ensemble du système de profit. Les cinq principaux pays d’Europe – l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni – sont responsables d’environ 85.000 des 100.000 décès et plus.

En Espagne, on a signalé 565 décès samedi et 410 nouveaux décès dimanche. L’Espagne est le troisième pays à atteindre l’horrible étape des 20.000 morts, derrière l’Italie et les États-Unis.

En Italie, on a annoncé 482 décès supplémentaires samedi et 433 ce dimanche, soit 23.660 morts au total. Cette semaine, l’Istituto Superiore di Sanità, le principal organisme technique-scientifique italien, a publié un rapport qui révèle que 2.724 décès de patients âgés dans des établissements médicaux résidentiels étaient des infections prouvées au COVID-19. On ne précise pas le nombre exact de décès par COVID-19 dans les maisons de soins. Souvent, les médecins ne peuvent pas se présenter et ainsi les décès ne sont pas signalés aux autorités municipales.

Samedi, la France a enregistré 642 décès, et 395 autres dimanche (total de 19.718 décès).

En Allemagne, 186 décès ont été annoncés samedi et 104 l'ont été dimanche. L’Allemagne est régulièrement décrite dans les médias d’entreprise comme un modèle en matière de lutte contre le virus, mais le nombre de décès avoisine aujourd’hui les cinq mille (4.642). Quelque 145.184 cas de COVID-19 ont été enregistrés par Berlin.

Le Royaume-Uni est plongé dans une catastrophe sociale dont la classe dirigeante est pleinement responsable. La Grande-Bretagne a environ quatre semaines de retard sur l’Italie et l’Espagne en ce qui concerne la propagation du virus, mais elle est devenue l’épicentre de la pandémie en Europe.

Samedi, on a annoncé 888 décès et 596 le dimanche, alors que le nombre de victimes a atteint 16.060. Quelque 5.589 de ces décès sont survenus la semaine dernière. Les affirmations d’une «lueur de bonnes nouvelles» alors que la «première vague» du virus atteignait son point culminant au Royaume-Uni (Daily Mail) ont été infirmées: les 5.525 nouveaux cas de samedi représentaient la troisième hausse la plus importante depuis le début de la pandémie en Grande-Bretagne. On a signalé un nombre encore plus élevé de 5.850 nouveaux cas dimanche.

Le gouvernement conservateur de Boris Johnson a refusé de publier dans son bilan quotidien le nombre de personnes décédées dans les maisons de soins ou dans leur propre maison. On estime que le nombre de décès pourrait être le double, voire plus, que le décompte officiel.

Les conservateurs dissimulent également le nombre réel de travailleurs de la santé qui ont péri. Le site web «Nursing Notes» rapporte que 86 personnes étaient déjà mortes le dimanche matin, principalement à cause du manque chronique d’équipements de protection individuelle (ÉPI). Ce week-end, les hôpitaux du NHS étaient sur le point de manquer de blouses de protection et beaucoup ont averti qu’ils manquaient d’oxygène.

L’impact dévastateur de la politique d’«immunité collective» du gouvernement Johnson se traduit par des pertes massives de vies humaines. L’équipe du Sunday Times Insight a rapporté dimanche qu’en dépit de l’avertissement donné par les scientifiques à la mi-janvier d’une catastrophe en cours, le gouvernement a poursuivi sa stratégie d’«immunité collective». Cette stratégie a été officiellement annoncée comme une politique du gouvernement par le conseiller scientifique en chef du gouvernement, Sir Patrick Vallance, le 12 mars.

Johnson et son gouvernement n’ont rien fait pour combattre le virus pendant cinq semaines, du 24 janvier au 2 mars. Le 24 janvier, le gouvernement a tenu une réunion d’urgence du COBRA, mais comme le rapporte le Times, cette réunion n’avait pour but que d’«ignorer la menace du coronavirus… Matt Hancock, le ministre de la Santé, a quitté Whitehall après avoir présidé la réunion et a déclaré aux journalistes que le risque pour le public britannique était “faible”».

Johnson, après avoir passé des vacances avec sa fiancée, Carrie Symonds, du 26 décembre au 5 janvier dans les Caraïbes à bord d’un yacht et dans un manoir – payé pour lui à hauteur de 17.000 euros par le milliardaire du téléphone portable David Ross – sa préoccupation avec l’épidémie croissante de coronavirus était si peu important qu’il n’a ni assisté à la réunion du COBRA du 24 janvier ni aux quatre réunions ultérieures du COBRA sur le COVID-19 non plus.

Le 3 février, quatre jours après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, Johnson a prononcé un discours à Londres dans lequel il a déclaré: «Nous commençons à entendre une étrange rhétorique autarcique, alors que les barrières s’élèvent et qu’un risque existe que de nouvelles maladies telles que le coronavirus déclenchent une panique et un désir de ségrégation du marché qui vont au-delà de ce qui est médicalement rationnel au point de causer des dommages économiques réels et inutiles. Alors, à ce moment-là, l’humanité a besoin d’un gouvernement quelque part qui est prêt au moins à plaider puissamment en faveur de la liberté d’échange, d’un pays prêt à enlever ses lunettes de Clark Kent et à sauter dans la cabine téléphonique pour en ressortir avec sa cape de super défenseur du droit des populations de la Terre à acheter et à vendre librement entre elles.»

Johnson a ensuite disparu avec Symonds pendant 12 jours supplémentaires pour des vacances «de travail» à partir de la mi-février; cette fois-ci dans la propriété de campagne de 115 chambres de Chevening, que le gouvernement a faite sienne. Le 2 mars, lorsque Johnson a finalement participé à une réunion du COBRA sur le COVID-19, c’était simplement pour approuver la stratégie d’immunité collective qui devait être annoncée 10 jours plus tard. Son «plan de bataille» consistait à dire à la population que le gouvernement allait «contenir, retarder et atténuer la propagation du virus».

Johnson et sa partenaire ont assisté, avec 81.520 autres personnes, au match de rugby Angleterre-Galles à Twickenham le 7 mars. Trois jours plus tard, le gouvernement a autorisé le déroulement du festival des courses de chevaux de Cheltenham, auquel ont assisté 250.000 personnes pendant quatre jours. Un certain nombre de personnes ont immédiatement déclaré être tombées malades après y avoir assisté.

L’ampleur des décès envisagés est révélée par le Sunday Telegraph, qui rapporte que «la Grande-Bretagne a supposé qu’un virus mortel paralyserait “inévitablement” le NHS et tuerait jusqu’à 750.000 personnes lors d’un exercice secret interministériel organisé en 2016 pour tester la préparation à une épidémie, ont admis les responsables».

En 2016, le gouvernement a organisé son exercice Cygnus sur l’impact d’une nouvelle pandémie de grippe respiratoire en Grande-Bretagne. L’exercice a révélé que le Service national de santé s’effondrerait rapidement, entraînant des centaines de milliers de décès.

Le Telegraph cite un «haut fonctionnaire de Whitehall ayant participé à l’élaboration de Cygnus», qui a déclaré: «Tout ce que nous avions prévu était basé sur l’idée qu’une maladie tuerait beaucoup de gens… Nous n’avons pas passé beaucoup de temps à explorer comment nous pourrions la prévenir en premier lieu. Nous avons plutôt cherché comment nous pouvions construire des morgues et des lits de soins intensifs après qu’elle se soit déjà répandue».

Le thème central des médias britanniques, y compris les principaux partisans des conservateurs dans le Telegraph, le Mail et le Sun, est d’exiger que Johnson, après avoir failli mourir lui-même du COVID-19, déclenche un retour au travail pour «sauver l’économie». Le Sunday Mail a fait la une de son journal «Get Britain moving again» [«Il faut relancer la Grande-Bretagne»]. Il a indiqué qu’une «grande coalition» de personnalités politiques et économiques exige du gouvernement qu’il «lève les volets» et planifie la fin de l’état d’urgence. Parmi eux, «les anciens ministres David Davis et Iain Duncan Smith», qui ont «uni leurs forces à celles du leader travailliste Sir Keir Starmer et des patrons de la ville pour affirmer que l’absence d’une stratégie de sortie claire pourrait causer des dommages durables à l’économie britannique».

C’est le programme des gouvernements à l’échelle du continent.

En Italie, le gouvernement prévoit d’utiliser une application pour smartphone développée par la «start-up» technologique milanaise «Bending Spoons». On va suivre les personnes dont le test de dépistage du coronavirus est positif, dans le cadre des efforts qui visent à accélérer le plan de «reprise du travail» du gouvernement avant la fin de la pandémie.

Ce week-end, le premier ministre du Parti socialiste espagnol, Pedro Sánchez, après avoir renvoyé des millions de personnes au travail la semaine dernière, a déclaré: «Au mois de mai, nous ferons les premiers pas vers une nouvelle normalité».

(Article paru en anglais 20 avril 2020)

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