Trump et Barr brandissent toujours la menace d’un déploiement de l’armée contre les protestations nationales

Samedi, au milieu des protestations nationales massives sur le meurtre de George Floyd par la police, le président Donald Trump a clairement indiqué qu’il n’avait pas abandonné son soutien à la mobilisation de l’armée pour réprimer les manifestations. Dimanche, son procureur général, William Barr, a soutenu des préparatifs qui visaient à établir une dictature présidentielle basée sur l’armée et la police. Barr avait déjà défendu les mesures prises par Trump pour écraser les manifestations à Washington DC, lundi dernier.

Samedi à 18 h 45, tandis que des dizaines de milliers de manifestants défilaient pacifiquement dans la capitale et que des centaines de milliers d’autres manifestaient dans des villes de tout le pays, Trump a tweeté: «LA LOI ET L’ORDRE»! C’était une allusion à sa déclaration fasciste de lundi dernier à la Maison-Blanche, selon laquelle il était le «président de la loi et de l’ordre».

Plus tard dans la soirée, il a ajouté un autre tweet: «La foule à Washington est beaucoup plus petite que prévu. La Garde nationale, les services secrets et la police de DC ont fait un travail fantastique. Merci!»

Donald Trump marche de la Maison-Blanche à l’église épiscopale St-John. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Shealah Craighead)

Dimanche, Barr s’est fait interviewer dans le cadre de l’émission «Face the Nation» de CBS. Il a ignoré les dénonciations de hauts officiers militaires à la retraite, y compris d’anciens responsables du gouvernement de Trump, concernant les menaces de Trump de renverser la Constitution, d’invoquer la loi sur l’insurrection de 1807 et d’imposer la loi martiale devant des protestations pacifiques.

Barr a soutenu catégoriquement le droit du président à unilatéralement déployer des troupes actives dans les États, malgré les objections des gouverneurs. À tort, il a également qualifié la manifestation pacifique au parc Lafayette de «violente» qui avait été interrompue lundi dernier sur ordre de Trump. Barr a prétendu, de manière absurde, qu’aucun lien n’existait entre la dispersion violente des manifestants et la séance de photos de Trump qui brandissait une Bible devant l’église épiscopale de Saint-Jean. Les photos ont été prises seulement quelques minutes après que les troupes de la Garde nationale et les forces fédérales aient évacué les manifestants du lieu.

L’interview a commencé avec la présentatrice, Margaret Brennan, qui a cité un «haut fonctionnaire du gouvernement» déclarant à CBS News que Trump, lors d’une réunion à la Maison-Blanche tôt lundi dernier, avait exigé l’envoi de 10.000 soldats en service actif dans les rues du pays. Selon la presse, le secrétaire à la Défense Mark Esper et le général Mark Milley, le président de l’état-major interarmées, se sont opposés à cette demande. Cela avait provoqué une foire d’empoigne entre Trump et Milley.

Barr a qualifié le reportage de «complètement faux». Après l’interview, Brennan a déclaré que CBS News s’en tenait à son reportage sur l’incident.

Une telle mobilisation militaire avait fait l’objet d’une discussion, a laissé entendre Barr. Il a reconnu que des éléments de la 82e division aéroportée avaient été déployés dans des bases en dehors de la capitale. Mais il a déclaré que lui et Esper étaient d’accord pour que ces unités de police militaire soient maintenues en attente, mais ne soient pas déployées dans les rues à ce moment-là. Depuis, ces troupes, ainsi que celles de la Mountain Division, ont été retirées de la région de Washington DC et sont retournées à leurs bases d’origine.

Ensuite, il y a eu l’échange suivant:

Brennan: «Pensez-vous que le président a l’autorité d’envoyer unilatéralement des troupes en service actif si les gouverneurs s’y opposent?»

Barr: «Oh, absolument. En vertu de la loi anti-insurrectionnelle, le président peut utiliser les troupes régulières pour réprimer les émeutes. Dans notre pays, la Confédération s’est opposée à l’utilisation de troupes fédérales pour rétablir l’ordre et réprimer une insurrection. Ainsi, le gouvernement fédéral n’écoute parfois pas les gouverneurs dans certaines circonstances…» 

Cela est très significatif que le précédent cité par Barr pour justifier une telle action soit la guerre civile, au cours de laquelle quelque 600.000 Américains ont été tués. Trump a fait des discours de campagne dans lesquels il a déclaré que toute tentative de le démettre de ses fonctions entraînerait une «guerre civile».

Puis est venu l’échange suivant sur la dispersion violente de manifestants pacifiques dans le parc Lafayette, en face de la Maison-Blanche:

Brennan: «Pensiez-vous qu’il était approprié pour eux d’utiliser des bombes fumigènes, des gaz lacrymogènes, du gaz poivré, et d’autres projectiles sur ce qui semblait être des manifestants pacifiques?»

Barr: Ce n’était pas des manifestants pacifiques. Et c’est l’un des gros mensonges que les médias semblent perpétuer à ce stade.

Brennan: Trois de mes collègues de CBS étaient là. Nous leur avons parlé… Ils n’ont pas vu les manifestants lancer quoi que ce soit… Et les méthodes qu’ils ont utilisées vous semblent appropriées, c’est ce que vous dites?

Barr: Quand ils ont rencontré de la résistance, oui. 

Brennan a ensuite raconté la scène de lundi dernier où Trump s’arrogeait des pouvoirs dictatoriaux et annonçait des plans pour poursuivre des «agitateurs extérieurs» de gauche comme terroristes. C’était au moment même où les troupes se déplaçaient contre les manifestants du parc Lafayette pour ouvrir la voie à la séance photo de Trump:

Brennan: À peu près au moment, ce qui semblait être des manifestants pacifiques étaient dispersés, de manière plutôt musclée, de la zone. Et une fois le discours terminé, le Président quitte la Maison-Blanche pour se rendre dans la zone où se trouvaient les manifestants et se met en place pour une séance de photos… Dans un environnement où le débat plus large porte sur l’utilisation de la force dans l’application de la loi, était-ce le bon message à faire passer aux Américains? ...

Barr: Eh bien, c’est le travail des médias de dire la vérité. Il n’y avait pas de lien. 

La défense de Barr de la répression policière et militaire des manifestations a été reprise dans les programmes d’interviews par Chad Wolf, le secrétaire par intérim du département de la Sécurité intérieure. Lors de son apparition sur «Fox News Sunday», Wolf a déclaré: «Je pense que nous avons pris la bonne mesure, et ce que nous avons vu, c’est que les gouverneurs ont déployé la Garde nationale. Nous avons vu des gouverneurs et des maires appeler le gouvernement fédéral pour lui demander son soutien. Et c’est ce que nous leur avons donné».

Pressé sur la décision de déployer 1.600 soldats en service actif dans la périphérie de la capitale par l’animateur, Chris Wallace, qui a demandé si c’était «exagéré», Wolf a indiqué que la mobilisation militaire contre les manifestants restait à l’étude. Il a déclaré: «Donc, encore une fois, du point de vue de l’application de la loi, je dirais qu’il est très, très important de s’assurer que nous gardons tous nos outils dans la boîte à outils prêts et disponibles. Nous ne voulons écarter aucune option».

L’autre thème dominant des programmes d’information du dimanche était l’opposition publique d’éminents généraux à la retraite au discours de Trump sur le coup d’État et sa menace de mobiliser les militaires contre les manifestants. La déclaration la plus significative a été le commentaire du général de marine à la retraite James «Mad Dog» Mattis, publié mercredi dernier dans l’Atlantic. Mattis, connu comme le «boucher de Falloujah» pour son rôle dans la destruction meurtrière de cette ville irakienne, a démissionné de son poste de secrétaire à la Défense de Trump en janvier 2019 pour protester contre le plan annoncé par Trump de retirer les forces américaines de Syrie.

Mattis a ouvertement accusé Trump de violer la Constitution et de menacer d’assumer des pouvoirs dictatoriaux. Il s’est ensuite fait seconder par les anciens chefs d’état-major, Mike Mullen et Martin Dempsey, le général de la marine à la retraite et ancien chef d’état-major de Trump à la Maison-Blanche John Kelly, et d’autres militaires à la retraite.

Les déclarations de ces officiers militaires, qui ont tous été impliqués dans des crimes sanglants de l’impérialisme américain dans le monde entier, ont été motivées non par le dévouement à la démocratie, mais par la crainte que les manœuvres autoritaires de Trump ne déclenchent une explosion sociale incontrôlable.

L’invité principal de l’émission «State of the Union» de CNN était Colin Powell, l’ancien chef de l’état-major pendant la première guerre du golfe Persique en 1991 et secrétaire d’État au moment de l’invasion de l’Irak en 2003. Powell était l’officier militaire le plus haut gradé en 1992 quand le président George H. W. Bush a envoyé des troupes en service actif pour réprimer les protestations de masse à Los Angeles contre le passage à tabac de Rodney King par la police.

Powell, se faisant passer pour un défenseur du premier amendement, a félicité les anciens généraux qui ont critiqué les actions de Trump et a annoncé qu'il voterait pour le démocrate Joe Biden lors de l'élection présidentielle de novembre.

La déclaration la plus significative de Powell dans l'interview a été son attaque contre le Congrès pour ne pas avoir parlé de la tentative de coup d'État anticonstitutionnel de Trump, et encore moins de s’y être opposé. Il a déclaré:

Et plus troublant encore, le Congrès reste là et ne résiste en aucune façon à ce que fait le président...

J'ai regardé les sénateurs entrer dans la salle l'autre jour après que tout cela ait éclaté, les journalistes disaient: «Qu'avez-vous à dire, qu'avez-vous à dire?»

Ils n'avaient rien à dire.

Cela décrit avec précision la lâcheté et la complicité des deux grands partis du monde des affaires dans la conspiration actuelle contre les droits démocratiques qui est centrée à la Maison-Blanche. Le rôle le plus pernicieux est joué par le Parti démocrate, «l’opposition» officielle à Trump.

Pas un seul démocrate de premier plan – d’Obama, Clinton et Biden aux faux «progressistes» que sont Bernie Sanders, Elizabeth Warren et Alexandria Ocasio-Cortez – n’a averti le peuple américain des plans de coup d’État de Trump et sa cabale de fascistes à la Maison-Blanche.

Cela a continué dimanche. Parmi les démocrates interviewés lors des émissions de talk-show, dont le sénateur Cory Booker, la représentante Karen Bass, présidente du Congressional Black Caucus, et le représentant Val Demings, ancien chef de la police de Floride, qui figure sur la «liste restreinte» de Biden pour devenir son colistier, aucun d’entre eux n’a même mentionné le discours de Trump à la Maison-Blanche ni ses menaces d’imposer la loi martiale. Alors que l’armée examine ses options, le Parti démocrate lui permet de devenir l’arbitre des droits démocratiques du peuple.

Les démocrates craignent autant que Trump et les républicains que les protestations multiraciales et multiethniques contre les violences policières n’encouragent un mouvement plus large de la classe ouvrière, elle qui se trouve déjà frappée par la mort et le chômage de masse résultant de la réponse officielle à la pandémie de coronavirus. Ce mouvement prendra des proportions révolutionnaires.

(Article paru en anglais le 8 juin 2020)

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