La colère des travailleurs s’accroît alors que les entreprises automobiles continuent à dissimuler le COVID-19 dans les usines

Les grands constructeurs automobiles américains poursuivent leur politique de dissimulation de la propagation du coronavirus dans les usines automobiles, alors que les rapports filtrent les nouveaux cas dans plusieurs usines.

La tentative de dissimuler l’ampleur du COVID-19 est un effort manifeste pour maintenir la production face à la colère croissante des travailleurs. Ces derniers sont bien conscients du danger d’infection pour eux-mêmes et les membres de leur famille. De surcroît, cela a lieu dans un contexte de résurgence du virus à l’échelle nationale en raison de la fin de toutes les mesures de confinement.

General Motors et Ford ont pour politique officielle de ne pas communiquer le nombre et les lieux des cas confirmés de COVID-19 dans leurs usines. Fiat Chrysler (FCA) a apparemment aussi cessé de signaler les cas de coronavirus. Sept travailleurs de FCA sont morts de COVID-19 depuis le début de la pandémie; deux de ces décès sont survenus depuis le redémarrage de la production le 18 mai. GM n’a signalé aucun décès. Cependant, aucune aucune raison n’existe de se fier à ses déclarations.

Entre-temps, le Wall Street Journal a rapporté que le constructeur automobile japonais Toyota a vu 40 nouveaux cas dans ses usines américaines depuis la réouverture de ses usines début mai, sans indication des installations touchées. On a signalé six cas dans les opérations massives du constructeur de voitures électriques Tesla à Fremont, en Californie, et on a signalé des cas dans des usines de pièces détachées, telles que Lear et Flex-N-Gate.

Un nouveau cas de COVID-19 vient d’être confirmé à l’usine d’assemblage de General Motors à Arlington, au Texas, alors que l’installation reprend ses activités à plein régime cette semaine. L’usine fonctionnera en trois équipes lundi, ce qui signifie que près de 5.000 travailleurs seront présents dans l’usine.

Selon un post sur le site web local du syndicat, les Travailleurs unis de l’automobile (UAW), un travailleur du département des châssis à l’usine d’assemblage d’Arlington a déclaré se sentir malade le 5 juin et est rentré chez lui. Deux jours plus tard, le travailleur a été testé positif au COVID-19.

GM augmente sa production à l’usine d’Arlington, Texas, en dehors de Dallas, car le coronavirus se répand rapidement dans l’État. Les services de santé et les services sociaux du comté de Dallas ont annoncé vendredi 328 nouveaux cas, suite à plusieurs jours d’un nombre record de tests positifs. Le total des cas actuellement confirmés est près de 14.000. Dimanche, 87.903 cas se sont fait recenser dans l’État du Texas, avec près de 2.000 décès.

Un travailleur de l’automobile au Texas a déclaré au Bulletindes travailleurs de l’automobile (Autoworkers’ Newsletter) du WSWS: «Je pense que c’est terrible. Je travaille pour une usine en ce moment, Lear, à Arlington, au Texas. Nous sommes un fournisseur pour GM. Nous fabriquons des sièges de voiture. On nous a rappelés au travail le 31 mai et, le 7 juin, quatre employés de Lear, en troisième équipe, ont été testés positifs pour le virus. Le syndicat et la direction ont gardé le silence. Les employés de la troisième équipe l’ont découvert dans la nuit du mercredi 10 juin. Nous continuons à travailler comme si de rien n’était. Nous avons tous peur. Comment empêcher les employeurs de cacher ce virus?»

Un employé de GM à Bedford, dans l’Indiana, a déclaré: «Deux cas confirmés du virus sont confirmés, mais la direction garde le silence. La direction ne suit pas ses propres règles. Ils gardent les portes fermées et se cachent. Ils viennent rarement au travail. Ils font des heures supplémentaires alors qu’ils restent lâchement à la maison».

Ceci fait suite aux rapports d’au moins cinq cas à l’usine d’assemblage GM de Wentzville, dans le Missouri. On a également signalé un nouveau cas à l’usine GM de Bowling Green, dans le Kentucky.

Malgré l’augmentation du nombre de nouveaux cas de COVID-19, l’UAW a refusé d’exiger la fermeture même temporaire d’une seule usine pour nettoyage. Le président de la section 2250 de l’UAW, Glenn Kage, à Wentzville, a déclaré au Detroit Free Press que si le nombre de cas dans l’usine atteignait environ 20, il aurait une «conversation sérieuse» avec la direction. Il a ajouté qu’il «espère» que GM fera le nécessaire.

Le porte-parole de l’UAW, Brian Rothenburg, a publié une déclaration qui affirme: «Nous travaillons actuellement avec le syndicat local et General Motors pour surveiller la situation à Wentzville et dans toutes les autres usines». En d’autres termes, l’UAW ne fera absolument rien pour défendre les travailleurs.

Le refus des entreprises d’automobiles d’assurer la transparence sur la propagation du coronavirus rend impossible l’adoption de mesures pour prévenir la propagation du virus. Des activités préventives, telles que la recherche des contacts et la mise en quarantaine des travailleurs exposés, ne peuvent pas se faire. Cela confirme en outre le soupçon fondé que la direction ne se soucie pas de la vie des travailleurs, mais seulement des profits.

Dans ces conditions, de nombreux travailleurs, dont un nombre important de travailleurs âgés, ne se sont pas présentés au travail pour préserver leur santé. En réaction, les entreprises automobiles intensifient leur surexploitation des travailleurs temporaires à temps partiel (TPT), tout en brandissant des menaces de perte d’avantages sociaux à l’encontre des travailleurs plus âgés qui ne se présentent pas au travail.

Un travailleur du secteur des pièces automobiles du Tennessee a écrit au Bulletin des travailleurs de l’automobile: «Je travaille dans une usine au Tennessee qui fabrique des pièces pour les trois grands (GM, Ford, Fiat-Chrysler)».

«C’est là que se trouve maintenant la principale préoccupation pour moi et pour tous ceux qui travaillent dans une usine de fabrication comme la nôtre. On nous a rappelés au travail à partir de ce lundi et on nous a dit en gros que si nous ne nous sentions pas en sécurité et ne nous présentions pas, on va supprimer TOUTES nos prestations et on va même supprimer nos allocations de chômage technique et nos emplois en même temps».

Non seulement les entreprises automobiles refusent de fermer les usines pour le nettoyage, mais les travailleurs suffoquent littéralement dans l’environnement chaud des usines, portant des masques avec une circulation d’air inadéquate. La direction a même abandonné les mesures de sécurité largement superficielles mises en œuvre par les constructeurs automobiles, telles que l’allongement du temps de nettoyage.

Le travailleur du Tennessee des pièces détachées d’automobile a déclaré: «En tant que chef d’équipe, je reçois aussi les courriels de gestion de travail. Nous allons devoir porter des masques faciaux, ainsi que d’autres É.P.I.s (manches coupantes, gants, protection des yeux) dans une usine chaude où la climatisation fonctionne à peine. De plus, les ventilateurs sont à six pieds de distance (et dans une usine qui fabrique des pièces chaudes, c’est comme si on n’avait PAS de ventilateur du tout)».

«C’est 110 pour cent pas correct, même au niveau de règles de l’État du Tennessee, considérant que nous étions SUPPOSÉS réduire les cadences progressivement si les cas s’accumulaient. C’est précisément ce qui s’est passé au cours des deux dernières semaines. Alors maintenant, je dois travailler au coude à coude dans beaucoup de situations et prier Dieu que je ne le ramène pas à la maison pour ma femme et mes enfants».

Un travailleur de l’usine GM de Spring Hill, dans le Tennessee, a ajouté: «Les masques sont trempés de sueur parce qu’il fait très chaud dans l’usine. [Dans la région où je travaille] les [machines] dégagent tellement de chaleur, mon Dieu, nous transpirons en hiver.»

Elle a ajouté: «Une fois que ces masques sont mouillés par la sueur ou que vous les déplacez pour boire de l’eau, ils sont maintenant contaminés».

«Alors la direction de GM veut des chiffres et s’attend à ce que vous vous bougiez les fesses, et vous êtes malade à cause de la chaleur. Trois personnes se trouvaient épuisées par la chaleur l’été dernier, et cela sans masque».

La travailleuse a également décrit comment les travailleurs malades étaient renvoyés de l’unité médicale de l’usine. Elle a dit: «Quatre personnes sont allées à l’unité médicale et se trouvent renvoyées à la ligne parce que leurs symptômes n’étaient pas MAUVAIS. Mon Dieu, [le virus] met 14 jours à se manifester. Le service médical a TOUJOURS été une blague, [et] il l’est encore plus maintenant».

Un autre travailleur de GM employé à l’usine d’assemblage de Fort Wayne (Roanoke, Indiana) a écrit: «C’est le bordel ici. Ils nous font entrer comme du bétail par la même entrée, puis nous posons nos affaires sur une table. Ils ont des récipients géants de désinfectant pour les mains qui sont tellement dilués qu’une coupure sur la main ne pique même pas».

«Nous ramassons nos affaires sales sur la table, puis nous descendons sur une autre table et nous recevons notre masque. Ensuite, quelqu'un assis sur une chaise prend notre température (avec un pistolet dont nous avons appris qu'il donnait de fausses lectures) à une distance de 3 mètres. Une fois arrivés à notre poste de travail, on nous donne 6 minutes pour nettoyer notre zone avec un désinfectant qui dit qu'il faut la laisser reposer pendant 10 minutes».

«Nous venons d’avoir un cas positif confirmé mercredi. Nous n’avons pas fermé. Nous sommes allés faire une pause 30 minutes plus tôt et ils ont essuyé son bureau, mais pas ses outils, son matériel, ses pièces ou ses camions. Deux personnes de son équipe sont mises en quarantaine, mais le gars qui a eu le plus de contacts avec elle ne s’est même pas fait tester et est ici à travailler avec tout le monde».

Un ouvrier vétéran de l’usine d’assemblage Ford de Chicago a pris contact avec le Bulletin des travailleurs de l’automobile. Il avait entendu dire que ses collègues de l’usine des camions de Ford du Kentucky se trouvaient menacés de perdre leurs emplois. Leur propre syndicat, l’UAW, leur avait dit que s’ils ne se présentaient pas au travail dans des conditions dangereuses existantes, ils allaient se faire licencier.

«Je quitterai l’usine si je me sens mal à l’aise ou en danger», a-t-il déclaré au Bulletin des travailleurs de l’automobile. «Le syndicat ne vaut rien [et] ne vaudra jamais rien. J’ai vu beaucoup de bêtises en 35 ans».

«À l’usine d’assemblage de Ford à Chicago, ils nous font travailler en équipe de jour du lundi au vendredi, 11 heures pour les équipes de jour et de nuit [équipe A et équipe B]. L’équipe C travaille à moitié le jour et à moitié la nuit pour couvrir les personnes qui ne viennent pas travailler. Quarante pour cent de l’équipe de jour n’est pas venue travailler, alors ils divisent l’équipe C pour couvrir les deux équipes».

«Lorsqu’ils ont suffisamment de travailleurs pour couvrir le quart de jour ou de nuit, ils renvoient certains chez eux pour un quart de 3,9 heures ou moins. Une fois que vous avez tout fait pour vous rendre au travail, la compagne et le syndicat ne font rien si des gens ne portent pas de masques, ne respectent pas la distanciation sociale et ne font pas de nettoyage. C’est comme si “le virus avait disparu”, mais nous savons qu’il est toujours là – Ford et le syndicat pensent de cette façon».

Les travailleurs de l’automobile font face à l’obsession des entreprises automobiles pour la production et à l’absence de véritable représentation des travailleurs de la part de l’UAW. Cela souligne la nécessité pour les travailleurs de s’organiser de manière indépendante afin de préserver la santé et la sécurité. Le Parti de l’égalité socialiste et le Bulletin des travailleurs de l’automobile appellent à la création de comités de base d’usine pour faire respecter des conditions de travail sûres dans les usines. Cela comprend la divulgation complète des cas de coronavirus, les tests, la recherche des contacts et un temps de repos adéquat. Si les conditions de sécurité ne peuvent être maintenues, les travailleurs doivent faire valoir leur droit d’arrêter la production.

(Article paru en anglais 15 juin 2020)

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Construisons des comités de base dans les usines et sur les lieux de travail! Il faut empêcher la transmission du virus Covid-19 et sauver des vies! [23 mai 2020]

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